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melodie-avant-mots - Lacheret

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l’approcher ici, n’est pas celui directement perçu, c’est celui qui est depuis toujours<br />

perdu. C’est ce « fantôme » que perçoivent les cliniciens qui repèrent l’apparition, en<br />

certains moments de la cure, d’une voix Autre. Le patient ne prend pas forcément une<br />

voix d’enfant - ce qui peut arriver - mais laisse plutôt alors résonner ce timbre dans<br />

lequel l’infans s’entend.<br />

Le transfert pourrait alors s’appréhender comme une voix-timbre en train de s’articuler<br />

et de s’actualiser dans la parole, en ce que le transfert et l’inconscient n’existent que<br />

dans l’acte de dire. La voix est alors dans la cure ce reste qui ne participe pas à l’effet<br />

de signification, car n’étant pas sous l’ascendant de la loi, mais sourd comme<br />

manifestation irréductible du sujet. Cette voix qui s’actualise dans le transfert n’est<br />

d’ailleurs pas forcément celle du patient. Pour n’en donner qu’un exemple, nous<br />

citerons le cas d’une jeune femme, d’origine extra européenne, qui dit à plusieurs<br />

reprises, au cours de son analyse, qu’elle reconnaissait, avec un étonnement sans cesse<br />

renouvelé, dans les moments où nous prenions la parole, la voix de sa grand-mère<br />

maternelle... Sa grand-mère parlant uniquement une langue non européenne, ce qu’elle<br />

entendait au détour de nos interventions était moins des <strong>mots</strong> ou une signification,<br />

qu’une voix, un timbre venant alors envahir l’espace transférentiel de la séance.<br />

Ce que nous entendons, lorsque nous écoutons nos patients, et que nous reconnaissons<br />

avec étonnement une voix inédite, c’est son timbre qui nous sonne (dans le sens du<br />

K.O. et dans celui de O.K., message reçu). Cette sonnerie, comme celle du Schofar,<br />

commémore le fait que pour advenir comme « chantant » ou « timbré » (on pourrait<br />

penser ici au papier timbré nécessaire pour certaines formalités administratives, mais<br />

aussi à la voix des schizophrènes qui est curieusement souvent détimbrée), nous avons<br />

du assumer et rejeter le timbre de l’Autre. La reconnaissance qui est la notre envers la<br />

diva lorsqu’elle vocalise éperdument dans l’aigu ou envers le patient qui prend « la<br />

parole » vient que tous deux commémorent ce moment où la voix de l’Autre est venue<br />

nous sonner et a introduit au-delà de la pure continuité du timbre, la discontinuité des<br />

<strong>mots</strong>. En effet, la diva lorsqu’elle nous fait entendre son timbre ne forclôt pas le<br />

symbolique comme peut le faire la voix surmoïque mais le transgresse. Tout comme le<br />

patient qui fait entendre une voix inédite réussit à mettre en continuité le timbre à<br />

jamais perdu et la parole déployée dans le moment de la séance.<br />

Il existerait donc des lieux et des instants où le sujet pourrait éprouver la possibilité de<br />

s’arracher à la loi du signifiant sans pour autant être déchaîné symboliquement. Les<br />

dispositifs culturels mettant en jeux la voix sous ses aspects sonore, visuel ou<br />

graphique sont les lieux où cette expérience peut s’effectuer.<br />

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