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melodie-avant-mots - Lacheret

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contraire il ne lui est adjoint qu’en raison de son aptitude particulière à rendre possible<br />

la satisfaction. Il n’est pas nécessairement un objet étranger, mais il est tout aussi bien<br />

une partie du corps propre » 1 . L’objet-voix ne fait pas partie de la liste des objets<br />

pulsionnels établie par Freud, qui repérera essentiellement l’objet oral, anal et génital.<br />

Il faudra attendre les années 60, et les travaux de Lacan sur la psychose, pour que<br />

soient introduits, dans la dynamique pulsionnelle, le regard et la voix. L’étude de la<br />

voix s’origine chez cet auteur dans son travail sur les hallucinations psychotiques<br />

envahissant le sujet, notamment paranoïaque. Néanmoins, très rapidement Lacan<br />

extraira l’objet voix de cette particularité psychopathologique pour l’inclure dans la<br />

dynamique même du devenir sujet. Cette démarche introduira l’objet voix comme un<br />

objet de la pulsion (la pulsion invocante) aux côtés du sein (pulsion orale), des fèces<br />

(pulsion anale) et du regard (pulsion scopique). La pulsion invocante acquerra peu à<br />

peu dans le champ pulsionnel un statut particulier du fait de son lien étroit au<br />

signifiant et à la parole. Or, si Lacan a consacré plusieurs séances de son séminaire à<br />

cerner le regard comme objet de la pulsion scopique, les développements sur l’objet<br />

voix sont, eux, rares et épars, ce qui rend son étude à la fois passionnante et difficile.<br />

De fait, les travaux des psychanalystes abordent peu la question de la pulsion<br />

invocante et de l’objet qui lui est associée : la voix. Pour s’en persuader, il suffirait de<br />

feuilleter les dictionnaires et encyclopédies parus ces dernières années : aucune entrée<br />

n’est consacrée à la voix ou à la pulsion invocante. Rien en 1993, dans L’apport<br />

freudien édité sous la direction de Pierre Kaufmann chez Bordas; on notera que l’on y<br />

trouve néanmoins une entrée consacrée au regard comme objet de la pulsion scopique.<br />

Rien dans le Dictionnaire de la Psychanalyse édité en 1995 chez Larousse sous la<br />

direction de Roland Chemama et Bernard Vandermersch. Toujours rien dans le<br />

Dictionnaire de la psychanalyse édité en 1997 chez Fayard sous la direction<br />

d’Elisabeth Roudinesco et Michel Plon. Même l’important (plus de deux mille<br />

pages !) Dictionnaire international de la psychanalyse, paru chez Calmann-lévy sous<br />

la direction d’ Alain de Mijolla en 2002, ne fait pas exception à la règle. Ici encore on<br />

trouve une notice consacrée au regard, une autre traitant la délicate question des<br />

rapports entre « musique et psychanalyse », mais rien sur la voix comme objet<br />

pulsionnel. Cela paraît extravagant lorsque l’on constate que la liste des objets<br />

pulsionnels est loin d’être illimitée. Le sein, les fèces, le regard et la voix sont les seuls<br />

éléments de cet ensemble fermé. À partir de là on ne peut que s’étonner de cette<br />

absence. D’autant plus que, comme a pu le faire remarquer Lacan dans le cadre du<br />

séminaire de 1962-1963 sur l’angoisse au cours de la séance du 15/05/63, « pour être<br />

énoncé le dernier, cet objet n’en est pas moins le plus originel » et quelques jours plus<br />

tard, le 05/06/63, « pour le sujet en train de se constituer, c’est aussi du côté d’une<br />

voix détachée de son support que nous devons chercher ce reste. Tout ce que le sujet<br />

reçoit de l’Autre par le langage, l’expérience ordinaire est qu’il le reçoit sous forme<br />

vocale. »<br />

La voix est l’objet de ce que Lacan a choisi de nommer pulsion invocante. Invocare,<br />

en latin, renvoie à l’appel. Le circuit de la pulsion invocante se déclinera donc entre un<br />

« être appelé », « se faire appeler » (à l’occasion de tous les noms...), « appeler ». Mais<br />

pour appeler, il faut donner de la voix, la déposer comme on dépose le regard devant<br />

un tableau. Pour cela, il faut que le sujet l’ait reçue de l’Autre, qui aura répondu au cri<br />

1 S. FREUD, « Pulsions et destin des pulsions » (1915), trad. fr., Œuvres Complètes,<br />

Tome XIII, Paris, P.U.F., 1994, p. 170.<br />

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