53Gustave Eiffel pour cette occasion, <strong>de</strong>viendra un symbole <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Paris,attirant aujourd’hui près <strong>de</strong> sept millions <strong>de</strong> visiteurs par an.En dépit <strong>de</strong> <strong>la</strong> terrible saignée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Première Guerre mondiale et <strong>de</strong>sbouleversements économiques et politiques qu’elle entraîne, <strong>la</strong> <strong>France</strong> seredresse dans les années qui suivent le conflit. Son régime politique a résisté àl’épreuve et le pays est sans états d’âme particuliers sur son statut <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>puissance : finalement victorieux, il pèse sur le redécoupage et <strong>la</strong> réorganisation<strong>de</strong> l’Europe, compte parmi les nations les plus industrialisées du mon<strong>de</strong>, disposed’une agriculture vivace, possè<strong>de</strong> un empire colonial, et <strong>de</strong>vient dans les annéesvingt une p<strong>la</strong>que tournante culturelle avec Paris pour capitale, où passent ouséjournent les plus grands artistes du mon<strong>de</strong>. Malgré les effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> criseéconomique <strong>de</strong> 1929, <strong>la</strong> remontée du moral culmine avec l’exposition coloniale<strong>de</strong> 1931, où sont glorifiés les succès <strong>de</strong> « <strong>la</strong> mission civilisatrice » du pays.Avec le traumatisme qui suit <strong>la</strong> défaite <strong>de</strong> 1940 et l’occupation alleman<strong>de</strong>,le pays se retrouve désemparé et divisé. Il ne s’en relève pas moins à <strong>la</strong> fin duconflit. La pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Reconstruction, qu’accompagne une forte croissance,<strong>de</strong>ssine <strong>de</strong> nouvelles perspectives. Elles se trouvent toutefois sérieusemententamées dans les <strong>de</strong>rnières décennies du siècle, avec <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> décolonisation,<strong>la</strong> crise économique consécutive au renchérissement du prix <strong>de</strong> l’énergie (chocspétroliers <strong>de</strong> 1973 et 1979), <strong>la</strong> montée en puissance <strong>de</strong> l’Allemagne, qui <strong>de</strong>vient<strong>la</strong> première économie d’Europe, puis <strong>la</strong> mondialisation. Autant d’éléments qui,avec l’affaiblissement <strong>de</strong> son poids démographique 30 signent un déclin re<strong>la</strong>tif <strong>de</strong><strong>la</strong> <strong>France</strong> et nourrissent chez certains un complexe et une nostalgie plus ou moinsirrationnels d’une gran<strong>de</strong>ur passée. Force est toutefois <strong>de</strong> constater que <strong>la</strong> <strong>France</strong>confiante et sûre d’elle même <strong>de</strong> naguère avait <strong>de</strong>s raisons objectives <strong>de</strong> l’être auregard <strong>de</strong> son poids au p<strong>la</strong>n international. Qu’une telle attitu<strong>de</strong> se fasse rareaujourd’hui traduit également <strong>la</strong> réalité d’une situation qui a évolué.En partie objectif donc, à un moment où émergent <strong>de</strong> nouvelles puissances,ce sentiment est en outre alimenté par une littérature dite « décliniste », quiimpute à <strong>la</strong> <strong>France</strong> elle-même une part importante <strong>de</strong> responsabilité dans cetaffaiblissement. Selon les tenants <strong>de</strong> cette pensée, il serait dû toujours plus oumoins aux mêmes causes : performances économiques insuffisantes,omniprésence <strong>de</strong> l’État, systèmes social et fiscal inadaptés... À sa façon, maisavec <strong>de</strong>s idées précises <strong>de</strong> réforme du modèle français qu’elle juge peucompatible avec <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnité, cette littérature témoigne finalement aussi d’unesorte <strong>de</strong> nostalgie <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>France</strong> « Gran<strong>de</strong> nation », pour employer une expressionironique ayant cours outre-Rhin, <strong>de</strong>stinée à souligner que <strong>la</strong> puissance française<strong>de</strong> l’ère napoléonienne est bien révolue.30En 1801, <strong>la</strong> <strong>France</strong> métropolitaine comptait environ 29 millions d’habitants, soit 17 % <strong>de</strong> <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion européenne ; en 1911 environ 41 millions (9 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion européenne) ; en 200964,7 millions (13 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’Union européenne). En revanche, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionfrançaise totale représente désormais moins <strong>de</strong> 1 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion mondiale alors qu’on a pul’estimer à 3 % en 1800 et 2,4 % en 1900.
54Au confluent <strong>de</strong> l’attachement à <strong>la</strong> nation et du souvenir <strong>de</strong> cette puissancepassée et regrettée, les défilés militaires du 14 juillet, les commémorationspatriotiques comme celle du bicentenaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution en 1989 ou encore letransfert au Panthéon d’homme illustres tel Alexandre Dumas en 2002 peuventparaître assez singuliers pour être soulignés par les étrangers.3. Habitants du plus beau pays du mon<strong>de</strong>« Dieu, qui est juste, donne aux grenouilles <strong>de</strong> <strong>la</strong> satisfaction <strong>de</strong> leurchant » 31Depuis le Moyen Âge, écrivait Ernst Robert Curtius 32 « La <strong>France</strong> est pourses habitants "<strong>la</strong> douce <strong>France</strong>", "le beau-pays", "le plus beau royaume sous lescieux", plus que le sol <strong>de</strong>s ancêtres, c’est "une fraction favorisée <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface duglobe, un pays pré<strong>de</strong>stiné par sa beauté, sa douceur et sa fertilité. La <strong>France</strong> asu forger ce mythe, c’est là le secret <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissance inégalée qu’elle a suexercer sur les âmes à toutes les époques <strong>de</strong> son histoire, et plus encore à partir<strong>de</strong> 1789". »Les Français jugent souvent, en effet, que leur pays est « le plus beau dumon<strong>de</strong> ». Cette appréciation se nourrit <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong> ses paysages et d’imagesempruntées à <strong>la</strong> littérature, à <strong>la</strong> peinture et à <strong>la</strong> sublimation du patrimoine terrienqui ont pénétré dans l’inconscient collectif. La longue tradition rurale du paysimprègne les images mentales <strong>de</strong> façon abstraite, historique ou allégorique. Àl’aune <strong>de</strong> ces images, <strong>la</strong> <strong>France</strong> est un espace paisible, harmonieux, équilibré,vallonné, avec ses champs cultivés, dans le lointain les toitures rouges d’unvil<strong>la</strong>ge avec son clocher.L’attachement à <strong>la</strong> terre, au terroir, sa valorisation sont chantés <strong>de</strong> longuedate. Des générations entières d’écoliers ont appris par Joachim du Bel<strong>la</strong>y que lemarbre <strong>de</strong>s pa<strong>la</strong>is ne vaut pas l’ardoise qui couvre le toit <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison bâtie parses aïeux, que le vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> notre enfance et <strong>la</strong> rivière qui le baigne surpassent lesvilles les plus prestigieuses traversés par les fleuves les plus majestueux et querien ne vaut « <strong>la</strong> douceur angevine ». Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette idéalisation du territoire,poétique ou non, il est vrai que <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s arguments peuvent être avancés par lesFrançais pour vanter comme ils le font <strong>la</strong> diversité et <strong>la</strong> singu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong>s sites.Beaucoup <strong>de</strong> pays ne disposent pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> même variété <strong>de</strong> climats et <strong>de</strong> paysagessur un territoire re<strong>la</strong>tivement mo<strong>de</strong>ste en taille.Cette exaltation <strong>de</strong> <strong>la</strong> beauté du pays, mais aussi du sol natal, celui que l’oncultive, est peut-être une <strong>de</strong>s raisons pour lesquelles les Français se sont plutôtmoins expatriés que d’autres peuples, à l’exception <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s troublées <strong>de</strong>guerres civiles comme le furent celles <strong>de</strong> religion dans <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième moitié duXVI ème siècle. Comparés à leurs voisins européens, ils ont peu émigré vers leNouveau Mon<strong>de</strong> et le peuplement <strong>de</strong> leurs colonies fut parmi les plus faibles.3132B<strong>la</strong>ise Pascal, Les Provinciales, IX ème lettre.Philologue allemand, auteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature européenne et le Moyen Âge <strong>la</strong>tin.
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