83Dans <strong>la</strong> mesure où, selon les travaux <strong>de</strong> Pierre Bourdieu et Monique <strong>de</strong>Saint Martin 62 , les gran<strong>de</strong>s écoles ont permis <strong>de</strong> développer en <strong>France</strong> une« noblesse d’État » qui selon les auteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> formule est en quelque sortel’héritière <strong>de</strong> <strong>la</strong> noblesse d’Ancien régime, on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si notre systèmed’enseignement supérieur, qui favorise <strong>la</strong> reproduction <strong>de</strong>s élites, ne participepas aussi à <strong>la</strong> permanence <strong>de</strong> cette image d’arrogance. Monique <strong>de</strong> Saint Martinrelevait dans un travail ultérieur 63 que 62 % <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s écolesappartiennent à une famille dont le chef est cadre supérieur contre 45,7 % <strong>de</strong>sélèves qui suivent un troisième cycle universitaire (chiffres 2002).À l’époque contemporaine, nous continuons peut-être d’alimenter cetteréputation en défendant dans les instances internationales et sur <strong>la</strong> scènediplomatique un rang <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> puissance que d’aucuns nous contestent.Hubert Védrine, dans son rapport sur La <strong>France</strong> et <strong>la</strong> mondialisation, après avoirà son tour constaté que notre pays « continue d’être perçu comme "arrogant"dans une gran<strong>de</strong> partie du mon<strong>de</strong> », note que ce reproche, paradoxal au momentoù « notre pays sort tout juste d’une longue pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> doute sur lui-même, etqu’il s’est sous-estimé comme une puissance "moyenne" (...) est utilisé par lespays qui veulent nous dissua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s initiatives, mais [que] cetteperception est répandue au-<strong>de</strong>là. » S’appuyant sur <strong>de</strong>ux exemples, l’ancienministre <strong>de</strong>s affaires étrangères s’interroge : « Aussi sincères que nous le soyonsen le disant, faut-il sans arrêt rappeler que <strong>la</strong> <strong>France</strong> est <strong>la</strong> "patrie <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>l’homme" ? D’abord, historiquement, <strong>la</strong> Gran<strong>de</strong> Bretagne et les États-Unispourraient le revendiquer tout autant. Ensuite à quoi sert <strong>de</strong> répéter cetteformule (...) et créer <strong>de</strong>s attentes puisque nous ne disposons pas d’une formulemagique qui nous permettrait d’obtenir que les droits <strong>de</strong> l’homme soientrespectés (...) Davantage <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>stie serait plus conforme à <strong>la</strong> réalité etn’affaiblirait en rien, par ailleurs, nos efforts concrets pour les droits <strong>de</strong>l’homme. ». Puis, plus sévèrement : « Même remarque à propos <strong>de</strong> cettevocation "universelle" dont nous aimons nous réc<strong>la</strong>mer. Qu’est-ce à dire ? Sinous avons <strong>de</strong>s idées géniales pour améliorer le mon<strong>de</strong> que personne d’autre n’aeu avant nous, l’univers s’en rendra compte et nous en saura gré. Si ce n’est pasle cas, pourquoi le proc<strong>la</strong>mer par avance comme si ce<strong>la</strong> nous étaitconsubstantiel, au risque <strong>de</strong> nous exposer au démenti ou au ridicule ? »Il n’est pas interdit <strong>de</strong> penser que cette réputation d’arrogance résulte aussi<strong>de</strong> causes plus triviales. Dans cette perspective, c’est peut-être dans l’apparence,dans l’attitu<strong>de</strong> au premier contact, qu’il faut chercher l’une <strong>de</strong>s explications. Unefroi<strong>de</strong>ur a priori, un manque <strong>de</strong> serviabilité, qui se dissipent le plus souventrapi<strong>de</strong>ment, mais s’allient à notre penchant à avoir un avis péremptoire sur tout,peuvent nous faire passer pour con<strong>de</strong>scendants. Au bout du compte,sommes-nous fondamentalement « donneurs <strong>de</strong> leçons », ou simplementma<strong>la</strong>droits ?6263La noblesse d’État, Gran<strong>de</strong>s écoles et esprit <strong>de</strong> corps, Paris Minuit 1989.Conférence <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s écoles, origine sociale <strong>de</strong>s élèves : ce qu’il en est exactement, juin 2005.
84Il faut ajouter que notre réputation d’arrogance est instrumentalisée très<strong>la</strong>rgement par nos concurrents. Alors directeur marketing <strong>de</strong> Maison <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>France</strong>, Pascal Visintainer constatait : « Le reproche d’arrogance fait auxFrançais est surtout le fait <strong>de</strong> ceux qui ne sont pas venus en <strong>France</strong> et quireçoivent les messages <strong>de</strong> <strong>la</strong> presse (ang<strong>la</strong>ise surtout) et <strong>de</strong>s lobbies. Cereproche est plus rarement fait par ceux qui connaissent notre pays ».Quoi qu’il en soit, réelle ou idée reçue, l’arrogance qu’on nous prête n’estpas sans conséquences. Elle dévalorise notre discours, elle discrédite nos prises<strong>de</strong> positions, elle dévalue notre image globale, elle affecte les sympathies à notreégard. Les traits d’image positifs sont brouillés par cette attitu<strong>de</strong> ressentie et <strong>la</strong>réputation qui nous est faite.Certains ont voulu voir dans notre échec <strong>de</strong> <strong>la</strong> candidature <strong>de</strong> Paris àl’organisation <strong>de</strong>s jeux olympiques une récente conséquence <strong>de</strong> notre posturetrop sûre <strong>de</strong> nous-mêmes. Non parce qu’elle aurait été <strong>la</strong> seule cause <strong>de</strong> l’échec,mais parce qu’elle aurait joué un rôle non négligeable, peut-être décisif. C’est cequ’explique Armand <strong>de</strong> Rendinger dans Jeux perdus Paris 2012, pari gâché 64 .Peut-être sommes-nous sur cette question à <strong>la</strong> fois cause et victime.Toujours est-il qu’il conviendrait d’intégrer cette donnée dans <strong>la</strong> réflexion surl’amélioration <strong>de</strong> notre image.4. Les Français éternels contestataires4.1. Les Français auraient un comportement râleur et querelleurJules César dans <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong>s Gaules ne constatait-il pas déjà : « Dans cepays une explosion soudaine est toujours à craindre ? » Goscinny et U<strong>de</strong>rzo ontimmortalisé dans <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée « Astérix » le mythe du petit Gaulois vail<strong>la</strong>ntet astucieux victorieux <strong>de</strong>s légions romaines, malgré un penchant pour <strong>la</strong> bagarreintestine. Montaigne, pour sa part, n’hésitait pas à dire ; « Mettez trois Françaisensembles dans le désert <strong>de</strong> Libye, ils ne seront pas un mois sans s’égorger. »Comme pour l’arrogance, cette réputation pourrait aussi être en partieimputée à l’adoption du coq gaulois comme emblème <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule à l’époquegallo-romaine. « Subi, cet emblème sera progressivement assumé à <strong>la</strong> Révolutionqui lui redonnera son statut en le faisant figurer sur monnaies, sceaux, assignats,médailles, il <strong>de</strong>vient l’oiseau qui veille sur <strong>la</strong> République... C’est aussi le coqchrétien perché au clocher <strong>de</strong>s églises... En 1944, le gouvernement provisoireémet une série <strong>de</strong> timbres sur lesquels le coq, associé à <strong>la</strong> croix <strong>de</strong> Lorrainechante <strong>la</strong> libération <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>France</strong> 65 . »On peut aussi convoquer <strong>de</strong>s pans entiers <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> <strong>France</strong> tant celleciest riche en épiso<strong>de</strong>s où <strong>la</strong> contestation a atteint sa forme paroxystique : <strong>de</strong>sjacqueries aux guerres <strong>de</strong> religion, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fron<strong>de</strong> aux guerres <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution, <strong>de</strong>sjournées sang<strong>la</strong>ntes <strong>de</strong> 1848 à <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Paris, <strong>de</strong>s attentats anarchistes(1892-1894) aux événements <strong>de</strong> 1934, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Résistance à mai 1968, elles peuvent6465Armand <strong>de</strong> Rendinger dans Jeux perdus Paris 2012, pari gâché ; Fayard 2006.Les lieux <strong>de</strong> mémoire - op cit. - article <strong>de</strong> Michel Pastoureau : Le coq gaulois.
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