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Françoise RABYUne approche polytomiqueIl me fallait donc établir un modèle qui puisse rendre compte du fait que lesfacteurs pouvaient se réaliser selon trois modalités : positive, négative ou neutre.J’utilise le terme polytomique, que j’emprunte à l’analyse statistique, pour désignercette caractéristique. J’avais découvert les modèles dichotomiques lorsque j’ai vouludécrire une salle d’apprentissage multimédia comme un univers à n dimensions,défini par toutes les variables qui caractérisaient ce dispositif [voir chapitre 14].Pascal Bressoux, le statisticien de l’équipe, recommanda de choisir le modèle del’analyse des correspondances multiples [Benzecri, 1980]. Ce modèle est ditdichotomique, c’est-à-dire qu’il prend en compte à la fois l’occurrence et la nonoccurrenced’une variable [Raby et al, 2003]. On considère ici que l’activité desagents doit être décrite en termes de ce qu’ils font et de ce qu’ils ne font pas.Intellectuellement, la démarche s’apparente à celle de l’analyse du discours, c’est-àdireà rechercher ce qui n’est pas dit au même titre que ce qui est dit dans un texte.Dans le cas de la motivation, je ne pouvais pas appliquer ce schéma, puisque mesfacteurs prenaient en compte trois modalités : motivation, démotivation et effet nul.J’ai donc recherché les modèles scientifiques qui prenaient en compte plusieursmodalités : ce sont les modèles polytomiques. Voici un exemple d’une telle analysechez les apprenants : considérant que l’autonomie est considérée comme source demotivation pour les apprenants, j’ai cherché, dans leurs discours, des énoncés danslesquels le terme est affecté de la valeur + (par exemple, le choix), des énoncés quiexpriment une valeur - (par exemple, une perte de temps) ou encore l’expressiond’une indifférence (ça ne change rien, valeur =). J’aurai donc, pour un même facteur,trois modalités d’occurrence. Autre exemple, dans le projet Escale, les apprenantsdevaient juger si la possibilité de collaborer sur les divers buts qui leur étaientproposés se révélait motivante pour certaines raisons, démotivante pour d’autres, ouencore sans effet.La pondération des facteursJ’ai éprouvé une autre insatisfaction devant mon premier modèle : il ne rendaitpas compte du poids des facteurs. C’est la recherche que j’ai menée sur le facteur32
Françoise RABY« instrument » comme facteur motivationnel qui m’a mise sur cette voie. L’analysedes journaux tenus par les élèves montrait, en effet, que le facteur motivationnelpouvait jouer de manière nécessaire ou contingente. J’ai donc distingué deux typesd’énoncés : ceux dans lesquels les apprenants exprimaient le fait que sansl’instrument, ils n’auraient pas pu réaliser la tâche (j’ai appelé cette modalité primaryrank factor) et ceux dans lesquels ils exprimaient le fait que l’instrument les avaitaidés, stimulés, ou qu’il leur tout simplement plu (j’ai appelé cette modalitésecondary rank factor) [Raby, 2007]. Il ne suffit pas de dégager des facteurs internesou externes de la motivation, il faut aussi prendre conscience du rang (contingent ounécessaire) qu’ils occupent, afin de cibler en priorité ceux qui sont essentiels dans ledispositif pédagogique.Ces recherches m’ont aussi conduite à réévaluer le poids de certains facteurs, enaccordant une place importante aux facteurs dits externes, alors que le courantdominant des recherches met l’accent sur les composants internes de la motivation.De ce point de vue, l’évolution de la théorisation de Dörnyei est très intéressante. En1998, il a produit un modèle dynamique de la motivation qu’il présentait clairementcomme un modèle situé et bien adapté à la classe, parce qu’il mettait en relation lamotivation et les diverses phases de l’action. En 2005, il a élaboré un nouveaumodèle dont les fonctions étaient de synthétiser les diverses théories et de s’appliquerà toutes sortes d’environnements d’apprentissage :The new construct – the “ L2 Motivational Self-System” attempts to synthesize a number of influentialapproaches in the field (e.g. Gardner 1985; Noël 2003;Ushioda 2001) and at the same time broadens thescope of L2 motivation theory to make it applicable indiverse language learning environments in the current,increasingly globalized world. (For a detaileddescription, see Dörnyei 2009). [Dörnyei, 2009,p. 212]On pouvait alors penser que, du fait de son élargissement et de l’accent mis sur lesthéories du moi (ideal self+ought self), le modèle allait perdre de son efficacité pourrendre compte des situations académiques d’apprentissage. En effet, les diversenvironnements d’apprentissage de la L2 incluent des environnements noninstitutionnels. Dès lors, la notion de situation de travail qui est au cœur de33
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