question <strong>de</strong> la <strong>motivation</strong> se posait, <strong>de</strong> manière quotidi<strong>en</strong>ne et cruciale, <strong>en</strong> classe <strong>de</strong> langue. Or,si dans la littérature francophone, la <strong>motivation</strong> pour la LVE à l’école est un domainesci<strong>en</strong>tifique <strong>en</strong>core relativem<strong>en</strong>t jeune, il semble <strong>en</strong> pleine expansion : <strong>en</strong> 2004, l’Association<strong>de</strong>s Professeurs <strong>de</strong> <strong>La</strong>ngues <strong>de</strong>s IUT (APLIUT) lui a consacré son congrès <strong>de</strong> 2004 3 et Les<strong>La</strong>ngues Mo<strong>de</strong>rnes, un numéro spécial <strong>en</strong> 2008 4 . Les travaux sur la <strong>motivation</strong> <strong>en</strong> LVE àl’école primaire ont vu le jour [White, 2009]. Enfin, un numéro sous presse <strong>de</strong> LIDIL 5 réunira<strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue théoriques et pratiques qui illustr<strong>en</strong>t la diversité, pour ne pas dire lefoisonnem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> ce champ théorique dans les recherches francophones <strong>en</strong> LVE. Pourtant, untel déploiem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> recherches et <strong>de</strong> théories ne semble pas pour le mom<strong>en</strong>t avoir pacifié lesdébats. Il reste <strong>de</strong>s théories assez différ<strong>en</strong>tes et <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> désaccord que nous allonsexaminer plus loin et il est <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> s’y retrouver.Les racines du débat !<strong>La</strong> <strong>motivation</strong>, c’est la chose du mon<strong>de</strong> la mieux partagée mais là s’arrête le cons<strong>en</strong>sus !C’est le paradoxe <strong>de</strong> la <strong>motivation</strong>. Nous savons tous que cela existe mais nous ne savons pasexactem<strong>en</strong>t ce que ce concept recouvre.C’est qu’il <strong>en</strong> va <strong>de</strong> la <strong>motivation</strong> <strong>en</strong> classe <strong>de</strong> LVE comme <strong>de</strong> tous les processus cognitifs :elle n’est pas perceptible, elle n’est pas visible, elle n’est même pas extrayable <strong>de</strong>scomportem<strong>en</strong>ts (comme un génie, caché <strong>de</strong>rrière le ri<strong>de</strong>au rouge du théâtre <strong>de</strong> nos p<strong>en</strong>sées, prêtà <strong>en</strong>trer sur scène si le chercheur savait s’y pr<strong>en</strong>dre !). Selon moi, la <strong>motivation</strong> est un construitdu chercheur qui s’<strong>en</strong> sert, comme <strong>de</strong> tout modèle, pour t<strong>en</strong>ter <strong>de</strong> décrire et <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre lecomportem<strong>en</strong>t humain. <strong>La</strong> <strong>motivation</strong> ne rési<strong>de</strong> pas dans la tête du sujet que nous étudions, elle3 Les Cahiers <strong>de</strong> l’APLIUT, Volume XXIV, n°2, juin 2005, Éditorial4 Les <strong>La</strong>ngues Mo<strong>de</strong>rnes, n°3, 2008, coordonné par F. Raby5 Entre dispositif et concept, la <strong>motivation</strong> pour l’appr<strong>en</strong>tissage d’une LVE. LIDIL, n°40. Coordonné par J. - P.Narcy-Combes et F. Raby4
ési<strong>de</strong> dans la tête <strong>de</strong> celui ou <strong>de</strong> celle qui observe le comportem<strong>en</strong>t d’un sujet et t<strong>en</strong>te <strong>de</strong> lecompr<strong>en</strong>dre. Il est rare, <strong>en</strong> effet, qu’un élève qui refuse d’écouter le cours parce qu’il converseavec son voisin se dise <strong>en</strong> même temps « ti<strong>en</strong>s, je ne suis pas motivé aujourd’hui ». Pour qu’ilpr<strong>en</strong>ne consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> cet état, il faut que la situation l’exige, soit <strong>en</strong> amont (« vais-je ou non memettre à écouter ? Pourquoi ? Qu’est ce que cela va me coûter ? Qu’est ce que cela vam’apporter ? »), soit <strong>en</strong> aval (« Oh là là, non, là, je n’ai vraim<strong>en</strong>t pas bi<strong>en</strong> écouté mais ça me‘gonflait’ ce film »). Certes, l’appr<strong>en</strong>ant peut pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ce problème et y réfléchir.Mais il ne p<strong>en</strong>sera pas <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> <strong>motivation</strong> intrinsèque ou extrinsèque ! <strong>La</strong> réflexion sur lesthéories <strong>de</strong> la <strong>motivation</strong> reste le domaine du chercheur.Je p<strong>en</strong>se donc que la <strong>motivation</strong>, tout comme le schème piagéti<strong>en</strong>, pour pr<strong>en</strong>dre un autreexemple, n’a pas <strong>de</strong> réalité phénoménologique dans le cerveau <strong>de</strong> l’ag<strong>en</strong>t, qu’il s’agit d’uneconstruction dont le chercheur se sert pour décrire et interpréter <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts. Une foisposée cette assertion qui peut choquer certains par son côté radicalem<strong>en</strong>t relativiste (mais jep<strong>en</strong>se, à la manière <strong>de</strong> Putnam [1983], que les mon<strong>de</strong>s sont plus faits que trouvés), on nes’étonnera plus que les sci<strong>en</strong>tifiques ai<strong>en</strong>t tant <strong>de</strong> mal à définir un état <strong>motivation</strong>nel et que cetétat puisse être décrit <strong>en</strong> <strong>de</strong>s formalismes très différ<strong>en</strong>ts. Dans son livre Théorie <strong>de</strong> la<strong>motivation</strong> humaine [1980], Nuttin va dans ce s<strong>en</strong>s quand il relate ce que fur<strong>en</strong>t les péripéties<strong>de</strong> la <strong>motivation</strong> [pp. 25-33] avant que le cognitivisme ne s’empare du sujet. <strong>La</strong> <strong>motivation</strong> futdéfinie comme stimulus et charge d’énergie par les psychanalystes [Freud, 1900] mais aussi parles éthologistes [Lor<strong>en</strong>z, 1937], comme une association apprise chez les behavioristes [Skinner,1967], et chacune <strong>de</strong> ces définitions portait la marque <strong>de</strong> la discipline ou du champ sci<strong>en</strong>tifiquedans lequel le chercheur évoluait. À la manière <strong>de</strong> l’esprit chez Sternberg [1994], la <strong>motivation</strong>ressemblait finalem<strong>en</strong>t plus à une métaphore qu’à un concept. Mais aujourd’hui <strong>en</strong>core :L’accord est loin d’être réalisé <strong>en</strong>tre psychologues au sujet <strong>de</strong> laplace qu’il convi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> réserver à la <strong>motivation</strong> dans l’étu<strong>de</strong> etl’explication du comportem<strong>en</strong>t. Considérée par certains commeune notion floue <strong>de</strong>stinée à disparaître du vocabulaire <strong>de</strong> lapsychologie expérim<strong>en</strong>tale, la <strong>motivation</strong> se prés<strong>en</strong>te à d’autrescomme le thème principal <strong>de</strong> la psychologie et la clé même <strong>de</strong> lacompréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la conduite. On constate à la base <strong>de</strong> cedésaccord une diversité <strong>de</strong> points <strong>de</strong> vue qui font <strong>de</strong> la <strong>motivation</strong>une notion très confuse. [Nuttin, 1980, p. 25]Au vu <strong>de</strong>s difficultés que nous r<strong>en</strong>controns à définir la <strong>motivation</strong>, ses indicateurs et sesfacteurs [Raby, 2008a], il n’est guère étonnant que la <strong>motivation</strong> ait suscité et suscite <strong>en</strong>core5