Eglise, Empire et Genre dans la vie de Mère Marie-Michelle Dédié

EGLISE, EMPIRE & GENRE 21envoyait ses effets personnels à laver ; et le mardi les Sœurs devaient faireleur propre lessive et laver les soutanes et le linge pour les services à lacathédrale 29 . La préparation de plats spéciaux, comme des pralines et descaramels pour les hommes et leurs visiteurs importants, ainsi que servird’infirmière figuraient parmi les tâches fréquentes. En janvier 1902, MèreMarie indiquait qu’elle était allée « s’occuper de Monseigneur chaque jourpendant un mois », et en janvier 1909, les Sœurs avaient du prendre soin deMgr. Augouard pendant sa maladie « jour et nuit » 30 . Les lettres de MèreMarie révèlent que toute leur énergie était détournée de leur travaild’évangélisation et d’éducation des filles et des femmes, ce que les sœursdéploraient parfois, d’autant plus que leurs propres maladies venaientfréquemment agraver le problème. Mais, étant donné leur situation, leurformation et leur vocation, elles savaient être conciliantes face aux demandesdes missionnaires hommes.Les Sœurs faisaient aussi partie d’une communauté élargie, celle desblancs. La société européenne était en général masculine, célibataire et jeune ;en effet, en 1900 il y avait seulement sept femmes blanches à Brazzaville surune population totale de 241 personnes et six de ces femmes étaient desreligieuses. En 1913, les femmes représentaient environ 12 % de lapopulation blanche 31 . C’était une société divisée, car les tensions de lamétropole y étaient transférées et accentuées par la vie de proximité dans unposte colonial. Les monarchistes devaient co-exister avec les républicains, lescatholiques fervents avec les anti-cléricaux, les citadins aristocrates avec derudes aventuriers. Au Congo français, la situation était tout particulièrementtroublante vingt ans après sa conquête par la France. Tandis que lesadministrateurs luttaient pour survivre, la mission dressée sur les hauteurs etqui ne cessait de s’étendre avec ses bâtiments épiscopaux, les écoles, leschamps de cultures et sa main-d’œuvre illustrait le pouvoir de l’Église 32 .29 ASSJC, 2A/u.2.4, M. Marie à Mère générale, 14 avril 1893 et 31 mars 1895 ; S. Stanislas deChrist à Mère générale, 11 septembre 1899.30 ASSJC, Congo C, Lettres, Mère Marie à Mère générale, 25 juin 1902 ; Congo D, Lettres, MèreMarie à Mère générale, 16 janvier 1909 ; Chanoine Augouard, La vie inconnue de Monseigneur Augouard(Evreux : M. Poussin, 1934), pp.177 et 341.31 La population européenne à Brazzaville du temps de Mère Marie était comme suit : en 1900,241 hommes/7 femmes ; en 1913, 485 hommes/67 femmes ; en 1927, 428 hommes/126femmes ; en 1931, 230 hommes/115 femmes. Voir Martin, Loisirs et société, p.56.32 Administrateur de Bonchamps au Commissaire général du Congo français, « Rapport sur larégion de Brazzaville, Libreville », 1 er mai 1900 , document non publié ; Martin, Loisirs et société,pp.234-43.