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Eglise, Empire et Genre dans la vie de Mère Marie-Michelle Dédié

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42PHYLLIS M. MARTINenvoya au nouvel évêque <strong>de</strong> Brazzaville <strong>et</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong>quelle elle commentaitl’œuvre missionnaire <strong>et</strong> le manque <strong>de</strong> qualification <strong>de</strong>s instituteurs <strong>la</strong>ïques<strong>dans</strong> les écoles 87 . Mère <strong>Marie</strong> mourut paisiblement le 8 décembre 1943. Ellefut enterrée au cim<strong>et</strong>ière d’Anthony <strong>dans</strong> une tombe marquée d’une simplecroix, selon <strong>la</strong> coutume <strong>de</strong> sa congrégation 88 . Les journaux <strong>de</strong> Paris, duFinistère <strong>et</strong> du Congo publièrent l’annonce <strong>de</strong> son décès. Des hommagesaffluèrent à <strong>la</strong> Maison-mère. Un officier r<strong>et</strong>raité <strong>de</strong> l’armée coloniale écrivit :« C’était une gran<strong>de</strong> coloniale, qui a rendu <strong>de</strong> beaux services à notre œuvreen AEF » ; <strong>de</strong>ux hommes d’église déc<strong>la</strong>rèrent : « une vail<strong>la</strong>nte missionnairemais surtout une religieuse modèle, » <strong>et</strong> « j’aurais été content <strong>de</strong> rendre c<strong>et</strong>hommage à une religieuse qui a si gran<strong>de</strong>ment honoré, par son dévouementin<strong>la</strong>ssable <strong>et</strong> par son énergie, non seulement l’Église mais <strong>la</strong> France » 89 .Comme expression pratique <strong>et</strong> idéalisée <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme française, Mère<strong>Marie</strong> était donc une figure à <strong>la</strong> fois marginale <strong>et</strong> centrale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Brazzavillecoloniale, qui avait remarquablement réussi à évoluer en parallèle <strong>dans</strong>plusieurs mon<strong>de</strong>s. Au début <strong>de</strong> l’ère coloniale, elle inspira une rhétorique quisoulignait l’héroïsme, <strong>la</strong> dévotion <strong>et</strong> le courage ; après <strong>la</strong> Première Guerremondiale, tandis que les circonstances changeaient <strong>dans</strong> <strong>la</strong> colonie, onl’admira pour sa contribution à l’ordre social. Contribua-t-elle à faireprogresser <strong>la</strong> domination coloniale, ou apporta-t-elle aux Africains lesmoyens <strong>de</strong> survivre à une occupation coloniale brutale <strong>et</strong> sans égards poureux ? De toute évi<strong>de</strong>nce, <strong>la</strong> réponse est affirmative <strong>dans</strong> les <strong>de</strong>ux cas, <strong>et</strong>répondre autrement re<strong>vie</strong>ndrait à simplifier sa <strong>vie</strong> <strong>et</strong> ses choix. La <strong>vie</strong> <strong>de</strong>Mère <strong>Marie</strong> est une bonne illustration du rôle varié <strong>et</strong> contradictoire <strong>de</strong>smissionnaires, <strong>dans</strong> ce cas <strong>de</strong>s religieuses, lorsque nous essayons <strong>de</strong> lespositionner <strong>dans</strong> une situation coloniale dynamique. Elle n’a pas résolu lescontradictions <strong>de</strong> l’empire, mais elle les a vécus concrètement. On a suggéréque les femmes françaises <strong>de</strong> l’époque étaient perçues comme apolitiquespar nature <strong>et</strong> plus altruistes que les hommes du fait <strong>de</strong> l’absence d’égalitécomplète en matière <strong>de</strong> droits civiques 90 . La carrière <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong> sembleconforter c<strong>et</strong>te opinion, mais il apparaît aussi que ce<strong>la</strong> semble avoir convenu87 APSE, 518/B/II, Mère <strong>Marie</strong> à Mgr. Biechy, Senlis, 8 juill<strong>et</strong> 1939.88 Une photographie <strong>de</strong>s années 60 montre <strong>la</strong> tombe, mais lors <strong>de</strong> ma visite au cim<strong>et</strong>ière en 2001,j’ai constaté que le cim<strong>et</strong>ière <strong>de</strong>s Sœurs avait été rattaché à celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> municipalité <strong>et</strong> que lesrestes <strong>de</strong>s premières tombes avaient été rassemblés <strong>dans</strong> un caveau avec une seule pierre portantl’inscription : « Sœurs <strong>de</strong> Saint-Joseph <strong>de</strong> Cluny ».89 ASSJC, 2A/u.2.3. Hommages à Mère <strong>Marie</strong>.90 « Introduction », <strong>dans</strong> C<strong>la</strong>ncy-Smith <strong>et</strong> Gouda, Domesticating the <strong>Empire</strong>, p.33.

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