Eglise, Empire et Genre dans la vie de Mère Marie-Michelle Dédié

EGLISE, EMPIRE & GENRE 41de la ville 82 . Une foule d’Européens et d’Africains s’assembla pour lui faireses adieux devant le ferry qu’elle emprunta pour traverser le fleuve Congo etentamer son voyage de retour vers la France. Mère Marie, selon tous lesrécits – et même le sien – ne s’était jamais résignée à un retour définitif enFrance. Selon le Vicaire général, elle s’était tournée vers lui au momentd’embarquer en disant : « Voyez donc, mon Père, c’est ici que je devrais finirmes jours, dans mon pays, au milieu de mes enfants ! Pourquoi aller mourirsur une terre étrangère ? » 83 . Elle n’était revenue en France que quatre fois aucours de sa carrière de missionnaire qui avait duré quarante neuf ans.Conclusion : retraite et exilMère Marie passa les dernières années de sa vie dans une relative obscuritédans les couvents de sa congrégation à proximité de Paris, d’abord à Senlis,puis, au moment de l’avancée allemande sur la capitale française, à Anthonyoù elle mourut en 1943. C’était une retraite tout à fait ordinaire et normalepour une religieuse de son âge ; du temps passé à la prière et à la méditation,des promenades dans les cours du couvent, des visiteurs, la rédaction delettres à des amis et à la famille et, quand sa santé le lui permettait,l’exécution de petites tâches utiles à la vie de la communauté 84 .Elle consacrait une grande partie de son temps à revivre ses années auCongo. Même si elle avait consciencieusement suivi la voie prescrite par sessupérieurs, elle avait toujours regretté de n’y être jamais retournée, car enFrance elle se considérait comme une exilée. Elle était souvent confinée au litet le climat l’incommodait (on peut s’imaginer les rigueurs de la vie dans unvieux couvent). Elle écrivait à une de ses nièces en 1932, « je ne quittepourtant pas tout à fait la chambre. J’attends la chaleur avec le beau tempspour le faire sans hésitation. Le froid ne m’a pas ménagée. Comme je pensaissouvent au chaud soleil du Congo qui m’était si favorable ! » 85 . L’un de sesgrands plaisirs consistait à recevoir des visites de ses « filles », des religieusesdu Congo qui étaient de passage en France pour un congé 86 . L’intérêt qu’ellecontinuait à manifester pour la mission transparaît dans une lettre qu’elle82 ASSJC, 2A/u.3.6, Gouverneur général à Mère Marie, 6 juillet 1931.83 Père Jaffré à Mère générale, Brazzaville, juillet 1931. Avec mes remerciements à Roger Freypour cette référence.84 D’après ses lettres et les récits des visiteurs.85 Papiers de famille Unvoas, Mère Marie à Bien Chère Augustine, Paris, 16 mai 1932.86 APSE, 518/B/II, S. Joseph du S. Ange à Mgr. Biechy, Montpellier, 1 er mai 1939.