40PHYLLIS M. MARTINrencontré <strong>la</strong> Mère supérieure <strong>et</strong> avait rapporté ses exploits <strong>dans</strong> un quotidiencatholique britannique <strong>et</strong> parlé <strong>de</strong> <strong>la</strong> longévité <strong>de</strong> Monseigneur Augouard<strong>dans</strong> ses fonctions. Publié en 1930, l’article était intitulé : « Deux héroscélèbres : l’évêque <strong>de</strong>s Cannibales <strong>et</strong> <strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite Mère du Congo » 79 .Malgré tous ces hommages publics, le mon<strong>de</strong> personnel <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong>à <strong>la</strong> mission était moins bril<strong>la</strong>nt. Plusieurs facteurs contribuaient à ce<strong>la</strong>. Elleavait maintenant soixante-dix ans, avait souffert d’une mauvaise santé toutau long <strong>de</strong> sa carrière en Afrique <strong>et</strong> trouvait toutes ses multiples tâches <strong>de</strong>Mère supérieure complexes <strong>et</strong> fatigantes. Les religieuses plus jeunes qui <strong>la</strong>trouvaient beaucoup trop stricte <strong>et</strong> peu sensible à leurs besoins étaient unesource <strong>de</strong> tensions pour elle. Mère <strong>Marie</strong> mentionnait tous ces problèmes<strong>dans</strong> ses l<strong>et</strong>tres. A plusieurs occasions elle suggéra qu’elle vou<strong>la</strong>it rem<strong>et</strong>tre sesfonctions à une personne plus jeune. Elle continuait à dépendre lour<strong>de</strong>ment<strong>de</strong>s bonnes re<strong>la</strong>tions avec l’évêque <strong>de</strong> Brazzaville. Elle avait en quelque sorteréussi à naviguer <strong>et</strong> à gérer ses longues re<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> travail avec ProsperAugouard, mais était incapable ou peu désireuse d’accepter le plus jeuneFirmin Guichard. Son incapacité à établir <strong>de</strong> bons rapports avec ce <strong>de</strong>rnierreprésentait un échec personnel <strong>et</strong> professionnel pour une femme quiconsidérait sa vocation <strong>de</strong> religieuse comme l’aspect le plus important <strong>de</strong> sa<strong>vie</strong>. En 1923 déjà, elle avait reconnu <strong>dans</strong> ses l<strong>et</strong>tres qu’elle avait « <strong>de</strong>sproblèmes avec Monseigneur » qui al<strong>la</strong>it <strong>et</strong> venait <strong>de</strong> ses voyages comme siles sœurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté n’existaient pas. Elle considérait que c’était unmauvais point pour <strong>la</strong> mission.Suite à un échange entre l’évêque <strong>et</strong> <strong>la</strong> Mère générale, <strong>la</strong> décision futprise que Mère <strong>Marie</strong> <strong>de</strong>vait r<strong>et</strong>ourner en France 80 . Selon un journal <strong>de</strong>Léopoldville, L’avenir colonial belge, « son départ provoqu[a] une profon<strong>de</strong>sensation à Brazzaville ». On <strong>la</strong> décrivit comme <strong>la</strong> personnalité coloniale quiavait servi le plus longtemps <strong>dans</strong> les <strong>de</strong>ux Congo : « le plus bel exempled’énergie féminine accompli sur le continent noir est celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> R.M. <strong>Marie</strong>.Elle est sans conteste, <strong>la</strong> plus popu<strong>la</strong>ire figure du Congo français » 81 . Unenote du Gouverneur général louait son « courage », <strong>la</strong> « gran<strong>de</strong> droiture <strong>de</strong>son caractère » <strong>et</strong> soulignait <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>rité dont elle avait joui auprès <strong>de</strong>sBrazavillois ordinaires, popu<strong>la</strong>rité qui en avait fait une figure incontournable79 Bishop Hinsley, « Two Famous Heroes : the Bishop of the Cannibals and the Little Mother ofthe Congo », The Universe, 14 février 1930.80 ASSJC, Congo D, L<strong>et</strong>tres, Mère <strong>Marie</strong> à Mère générale, 15 avril 1923, 16 juill<strong>et</strong> 1923, 10 mai1924, 18 juill<strong>et</strong> 1924, 22 mars 1926, 20 octobre 1928, 28 février 1931.81 L’avenir colonial belge, juill<strong>et</strong> 1931.
EGLISE, EMPIRE & GENRE 41<strong>de</strong> <strong>la</strong> ville 82 . Une foule d’Européens <strong>et</strong> d’Africains s’assemb<strong>la</strong> pour lui faireses adieux <strong>de</strong>vant le ferry qu’elle emprunta pour traverser le fleuve Congo <strong>et</strong>entamer son voyage <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our vers <strong>la</strong> France. Mère <strong>Marie</strong>, selon tous lesrécits – <strong>et</strong> même le sien – ne s’était jamais résignée à un r<strong>et</strong>our définitif enFrance. Selon le Vicaire général, elle s’était tournée vers lui au momentd’embarquer en disant : « Voyez donc, mon Père, c’est ici que je <strong>de</strong>vrais finirmes jours, <strong>dans</strong> mon pays, au milieu <strong>de</strong> mes enfants ! Pourquoi aller mourirsur une terre étrangère ? » 83 . Elle n’était revenue en France que quatre fois aucours <strong>de</strong> sa carrière <strong>de</strong> missionnaire qui avait duré quarante neuf ans.Conclusion : r<strong>et</strong>raite <strong>et</strong> exilMère <strong>Marie</strong> passa les <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> sa <strong>vie</strong> <strong>dans</strong> une re<strong>la</strong>tive obscurité<strong>dans</strong> les couvents <strong>de</strong> sa congrégation à proximité <strong>de</strong> Paris, d’abord à Senlis,puis, au moment <strong>de</strong> l’avancée alleman<strong>de</strong> sur <strong>la</strong> capitale française, à Anthonyoù elle mourut en 1943. C’était une r<strong>et</strong>raite tout à fait ordinaire <strong>et</strong> normalepour une religieuse <strong>de</strong> son âge ; du temps passé à <strong>la</strong> prière <strong>et</strong> à <strong>la</strong> méditation,<strong>de</strong>s promena<strong>de</strong>s <strong>dans</strong> les cours du couvent, <strong>de</strong>s visiteurs, <strong>la</strong> rédaction <strong>de</strong>l<strong>et</strong>tres à <strong>de</strong>s amis <strong>et</strong> à <strong>la</strong> famille <strong>et</strong>, quand sa santé le lui perm<strong>et</strong>tait,l’exécution <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites tâches utiles à <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté 84 .Elle consacrait une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> son temps à revivre ses années auCongo. Même si elle avait consciencieusement suivi <strong>la</strong> voie prescrite par sessupérieurs, elle avait toujours regr<strong>et</strong>té <strong>de</strong> n’y être jamais r<strong>et</strong>ournée, car enFrance elle se considérait comme une exilée. Elle était souvent confinée au lit<strong>et</strong> le climat l’incommodait (on peut s’imaginer les rigueurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>dans</strong> un<strong>vie</strong>ux couvent). Elle écrivait à une <strong>de</strong> ses nièces en 1932, « je ne quittepourtant pas tout à fait <strong>la</strong> chambre. J’attends <strong>la</strong> chaleur avec le beau tempspour le faire sans hésitation. Le froid ne m’a pas ménagée. Comme je pensaissouvent au chaud soleil du Congo qui m’était si favorable ! » 85 . L’un <strong>de</strong> sesgrands p<strong>la</strong>isirs consistait à recevoir <strong>de</strong>s visites <strong>de</strong> ses « filles », <strong>de</strong>s religieusesdu Congo qui étaient <strong>de</strong> passage en France pour un congé 86 . L’intérêt qu’ellecontinuait à manifester pour <strong>la</strong> mission transparaît <strong>dans</strong> une l<strong>et</strong>tre qu’elle82 ASSJC, 2A/u.3.6, Gouverneur général à Mère <strong>Marie</strong>, 6 juill<strong>et</strong> 1931.83 Père Jaffré à Mère générale, Brazzaville, juill<strong>et</strong> 1931. Avec mes remerciements à Roger Freypour c<strong>et</strong>te référence.84 D’après ses l<strong>et</strong>tres <strong>et</strong> les récits <strong>de</strong>s visiteurs.85 Papiers <strong>de</strong> famille Unvoas, Mère <strong>Marie</strong> à Bien Chère Augustine, Paris, 16 mai 1932.86 APSE, 518/B/II, S. Joseph du S. Ange à Mgr. Biechy, Montpellier, 1 er mai 1939.
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