26PHYLLIS M. MARTINmissionnaire étaient concrètes <strong>et</strong> frappantes, les écrits <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong> étaientempreints <strong>de</strong> sens du <strong>de</strong>voir, d’humilité <strong>et</strong> <strong>de</strong> foi. Dans les récits <strong>de</strong>shommes coloniaux en revanche, ces réussites étaient présentées comme <strong>de</strong>sactes d’héroïsme, <strong>de</strong> dévotion, <strong>de</strong> courage <strong>et</strong> <strong>de</strong> sacrifice <strong>de</strong> soi à <strong>la</strong> cause <strong>de</strong><strong>la</strong> civilisation chrétienne <strong>et</strong> européenne. Des tranches <strong>de</strong> sa <strong>vie</strong> furentpubliées <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s magazines <strong>et</strong> <strong>de</strong>s livres à une époque où les lecteurs étaientavi<strong>de</strong>s d’histoires <strong>et</strong> d’images <strong>de</strong> l’empire. De nouvelles techniques <strong>de</strong>gravure <strong>et</strong> <strong>de</strong> reproduction <strong>de</strong> photographies ajoutaient du poids aux récits,surtout pour ceux qui ne savaient pas lire. La présence <strong>de</strong> 50 millions <strong>de</strong>visiteurs à l’Exposition Universelle <strong>de</strong> 1900 à Paris avec tous ses standscoloniaux donne une idée <strong>de</strong> l’intérêt suscité par l’empire 44 .Prosper Augouard lui-même était un écrivain prolifique <strong>de</strong> récits<strong>et</strong>hnographiques <strong>et</strong> géographiques, <strong>de</strong> comptes-rendus <strong>de</strong> ses voyagesmissionnaires <strong>et</strong> <strong>de</strong> l<strong>et</strong>tres à sa famille <strong>et</strong> ses protecteurs. Les fonds privésqu’il recevait <strong>de</strong> particuliers ainsi que <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’Église étaientessentiels à l’expansion du domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission, si bien qu’il s’assurait <strong>de</strong>rendre son œuvre publique par le biais d’articles détaillés <strong>et</strong> fréquents <strong>dans</strong>Les missions catholiques, un hebdomadaire très popu<strong>la</strong>ire. Publié parl’organisation missionnaire française très influente Propagation <strong>de</strong> <strong>la</strong> foi, c<strong>et</strong>hebdomadaire était <strong>de</strong>venu un moyen pour les lecteurs d’évaluer <strong>la</strong>progression du rôle <strong>de</strong>s missions <strong>dans</strong> l’expansion <strong>de</strong> l’église européenne <strong>et</strong><strong>de</strong> <strong>la</strong> présence française en outre-mer. Mgr. Augouard écrivait aussi <strong>dans</strong> Lasemaine religieuse, le journal du diocèse <strong>de</strong> sa ville natale <strong>de</strong> Poitiers, où ilbénéficiait d’un soutien « immense » en faveur <strong>de</strong> sa mission 45 . Une autresource <strong>de</strong> propagan<strong>de</strong> pour <strong>la</strong> mission <strong>de</strong> Brazzaville <strong>et</strong> un moyen <strong>de</strong> collecte<strong>de</strong> fonds provenait <strong>de</strong> <strong>la</strong> vente d’une série <strong>de</strong> cartes postales quicommuniquait <strong>de</strong> manière visuelle <strong>la</strong> mise en pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> foi en Afriqueéquatoriale : <strong>de</strong>s écoles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s églises ; <strong>de</strong>s écoliers en uniforme en rangs avecles instituteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission ; <strong>de</strong>s couples monogames <strong>de</strong>vant leur case avecleurs enfants ; l’orchestre <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission ; les processions religieuses, <strong>la</strong> pompe<strong>et</strong> le cérémonial <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition catholique 46 . Enfin, trois volumes rassemb<strong>la</strong>ntromaine », elle mentionne « <strong>la</strong> Mère supérieure » <strong>et</strong> ses « cinquante ans en Afrique » (en fait,quarante trois ans à l’époque). Sinon le chapitre est consacré à <strong>de</strong>s critiques cing<strong>la</strong>ntes àl’encontre <strong>de</strong>s diplômés <strong>de</strong>s écoles <strong>de</strong> missions.44 William H. Schnei<strong>de</strong>r, An <strong>Empire</strong> for the Masses : the French Popu<strong>la</strong>r Image of Africa, 1870-1900(Westport CN : Greenwood Press, 1982), surtout les chapitres 5 <strong>et</strong> 8.45 Ouassongo, « Les aspects financiers du vicariat <strong>de</strong> l’Oubangui », pp.116-18.46 L’importance <strong>de</strong>s cartes postales pour le travail <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission est discuté <strong>dans</strong> « Mission duLoango, 1905-1907 », BCPSE, 24 (1906-08), p.267.
EGLISE, EMPIRE & GENRE 27les l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong> Mgr. Augouard furent publiées par son frère, chanoine àPoitiers, qui s’ajoutèrent à <strong>la</strong> documentation re<strong>la</strong>tant <strong>la</strong> carrière <strong>de</strong> l’évêquepar le biais <strong>de</strong> récits biographiques 47 . Ces sources étaient émaillées <strong>de</strong>références <strong>et</strong> d’images <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong>, <strong>la</strong> principale présence féminine <strong>dans</strong>l’enseignement <strong>de</strong> <strong>la</strong> foi <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pratique religieuse. Malgré les tensions entrel’évêque <strong>et</strong> <strong>la</strong> Mère supérieure (leurs re<strong>la</strong>tions semblent s’être amélioréescomme s’ils avaient atteint un certain modus vivendi <strong>et</strong> probablementdéveloppé une certaine affection mutuelle vers <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> leur carrière), <strong>de</strong>sanecdotes sur Mère <strong>Marie</strong> <strong>la</strong> qualifiaient d’auxiliaire fidèle, toute <strong>de</strong> dévotion,d’endurance, <strong>de</strong> dévouement <strong>et</strong> <strong>de</strong> courage. On l’appe<strong>la</strong>it, <strong>et</strong> même encore<strong>de</strong> nos jours, « <strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite Mère <strong>Marie</strong> », un surnom faisant référence à sa p<strong>et</strong>it<strong>et</strong>aille. En eff<strong>et</strong>, sa p<strong>et</strong>ite corpulence frêle rendait ses actions encore plusremarquables aux yeux <strong>de</strong> ceux qui écrivaient à son suj<strong>et</strong>. Une anecdote quiapparaît <strong>dans</strong> plusieurs récits <strong>et</strong> que les religieuses se racontent encoreaujourd’hui fait état <strong>de</strong> <strong>la</strong> première fois que <strong>la</strong> toute nouvelle Mère supérieurefut présentée à Monseigneur Augouard par <strong>la</strong> Mère générale à Paris. Onraconte qu’il se serait exc<strong>la</strong>mé avec surprise : « Que vais-je faire d’une sip<strong>et</strong>ite Mère supérieure ? Va-t-elle seulement tenir le voyage ? » 48 .Le voyage fut en eff<strong>et</strong> frappant, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> réalité <strong>et</strong> <strong>dans</strong> l’imaginationcoloniales, d’autant plus que les quatre religieuses étaient les premièresfemmes b<strong>la</strong>nches à voyager <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te partie <strong>de</strong> l’Afrique 49 . Ce fut aussi <strong>la</strong>présentation <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong> aux lecteurs <strong>de</strong> l’hebdomadaire Les missionscatholiques. Le Père Rémy, qui avait été envoyé pour escorter les Sœurs, fit lerécit <strong>de</strong> ce périple <strong>de</strong> 560 kilomètres en 21 jours <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> côte <strong>de</strong> Brazzavillele long <strong>de</strong> l’étroit sentier <strong>de</strong>s caravanes, sur les montagnes Mayomberecouvertes d’une forêt <strong>vie</strong>rge très <strong>de</strong>nse <strong>et</strong> à travers les p<strong>la</strong>ines étouffantes <strong>et</strong>les hautes herbes <strong>de</strong> l’intérieur. Ce récit, publié en épiso<strong>de</strong>s répartis sur trois47 Prosper P. Augouard, 28 années au Congo (Poitiers : Société française d’Imprimerie <strong>et</strong> <strong>de</strong> Librairie,1905) ; 36 années au Congo (Poitiers : Société française d’Imprimerie <strong>et</strong> <strong>de</strong> Librairie, 1914) ;44 années au Congo (Evreux : Poussin, 1934). Aussi Chanoine Augouard, Anecdotes congo<strong>la</strong>ises(Poitiers : Poussin, 1934) <strong>et</strong> La <strong>vie</strong> inconnue <strong>de</strong> Monseigneur Augouard (Evreux : M. Poussin, 1934).48 C<strong>et</strong>te histoire m’a été racontée à Brazzaville <strong>et</strong> à Paris par les religieuses <strong>de</strong> <strong>la</strong> congrégation.Elle est publiée <strong>dans</strong> plusieurs sources <strong>et</strong> même <strong>dans</strong> l’avis <strong>de</strong> décès officiel <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong> <strong>et</strong>,plus récemment <strong>dans</strong> le récit <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong>s Sœurs <strong>de</strong> Cluny, « Notice biographique <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong>», Kalouka <strong>et</strong> Zoungou<strong>la</strong>, 122.49 Pour une discussion sur <strong>la</strong> « mystification » <strong>de</strong> l’impérialisme <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> conversion sur « lesconnaissances locales (discours) en connaissances nationales européennes <strong>et</strong> continentales associéesà <strong>de</strong>s formes européennes <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tions du pouvoir », en particulier en ce qui concernele paysage, voir l’étu<strong>de</strong> importante <strong>de</strong> <strong>Marie</strong> Louise Pratt, Imperial Eyes : Travel Writing andTransculturation (Londres : Routledge, 1992), p.xi, 202.
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