24PHYLLIS M. MARTINEn tant que Mère supérieure, elle s’assurait d’abord qu’elle-même <strong>et</strong> lesjeunes sœurs se conduisent <strong>de</strong> manière appropriée pour <strong>de</strong>s bonnes sœurs. End’autres termes, elles travail<strong>la</strong>ient <strong>dans</strong> le couvent ou en <strong>de</strong>hors, dispensantles mêmes services que les infirmières <strong>et</strong> les religieuses <strong>de</strong> <strong>la</strong> métropole,conformément à <strong>la</strong> vision d’Anne-<strong>Marie</strong> Javouhey. Même si ellesaccomplissaient leur travail essentiellement auprès <strong>de</strong>s Africains, ellesprodiguaient également leurs services à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion b<strong>la</strong>nche quand ce<strong>la</strong>était nécessaire. Mère <strong>Marie</strong> recevait régulièrment <strong>de</strong>s requêtes du mé<strong>de</strong>cinpour <strong>la</strong> préparation <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ts spéciaux pour ses patients. Expliquant cesactivités à <strong>la</strong> Mère générale, elle écrivait que, puisqu’il n’y avait pas <strong>de</strong>femmes b<strong>la</strong>nches, il était « naturel » que les hommes s’adressent auxreligieuses pour <strong>la</strong> préparation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nourriture en ces occasions. Mêmelorsqu’ils faisaient partie du camp anti-clérical en France, les exigences <strong>de</strong> <strong>la</strong>situation locale réduisaient au silence les opinions <strong>de</strong>s hommes vis-à-vis <strong>de</strong>sreligieuses en Afrique centrale quand les sœurs leur apportaient à manger <strong>et</strong>les soignaient pendant leur ma<strong>la</strong>die 37 . Mais le recours aux services assurés parles femmes ne s’arrêtait pas là. En 1893, il fut <strong>de</strong>mandé aux Sœurs <strong>de</strong> coudrevingt grands drapeaux républicains <strong>et</strong> quatre-vingt seize servi<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> tablespour les fêtes du 14 juill<strong>et</strong> ; en 1902, le nouveau Lieutenant-gouverneur<strong>de</strong>manda aux Sœurs <strong>de</strong> lui coudre <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>aux pour sa rési<strong>de</strong>nce. Face à c<strong>et</strong>terequête, Mère <strong>Marie</strong> se <strong>la</strong>issa aller à faire preuve d’une rare manifestationd’exaspération <strong>dans</strong> ses l<strong>et</strong>tres, en commentant que les Sœurs n’étaient pastrès heureuses que <strong>de</strong> telles tâches les détournent <strong>de</strong> leur mission, maisqu’elles ne pouvaient pas refuser. Trois mois plus tard, elle nota queMonsieur Gentil semb<strong>la</strong>it penser qu’il était tout à fait « naturel » que lesSœurs fassent six paires <strong>de</strong>s grands ri<strong>de</strong>aux pour sa rési<strong>de</strong>nce. Elle notait : « ilenvoya un <strong>de</strong> ses employés pour nous remercier, c’est tout » 38 . Mais <strong>la</strong> Mèresupérieure notait aussi par ailleurs qu’en échange <strong>de</strong> ses services,l’administration lui accordait ses p<strong>et</strong>ites requêtes <strong>et</strong> que rien ne lui étaitrefusé 39 . Ce même rapport officiel qui rail<strong>la</strong>it le comportement « virulent » <strong>et</strong>« agressif » <strong>de</strong> l’évêque, notait que, « Par contre les meilleures re<strong>la</strong>tions n’ontcessé d’exister entre l’administration <strong>et</strong> les religieuses <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> Saint-Joseph <strong>de</strong> Cluny » 40 .37 ASSJC, 2A/u.2.4, M. <strong>Marie</strong> à Mère générale, 28 novembre 1893, 14 mars 1904.38 ASSJC, 2A/u.2.4, M. <strong>Marie</strong> à Mère générale, 14 juill<strong>et</strong> 1893, 8 octobre 1902, 14 jan<strong>vie</strong>r 1903.39 ASSJC, 2A/u.2.4, M. <strong>Marie</strong> à Mère générale, 28 février 1900.40 De Bonchamps, « Rapport sur <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Brazzaville ».
EGLISE, EMPIRE & GENRE 25En conformité avec <strong>la</strong> tradition <strong>de</strong>s congrégations religieuses françaises,Mère <strong>Marie</strong> se rendait aussi en-<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission auprès <strong>de</strong>s bienfaiteurs<strong>dans</strong> <strong>la</strong> communauté. Sa plus gran<strong>de</strong> source <strong>de</strong> soutien matériel était son bonami, Anton Gresshof, Directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> compagnie concessionnairehol<strong>la</strong>ndaise, une personnalité connue sur les <strong>de</strong>ux rives du fleuve. S<strong>et</strong>rouvant à <strong>la</strong> tête d’un réseau commercial qui s’étendait jusqu’en haut dufleuve <strong>et</strong> à <strong>la</strong> côte At<strong>la</strong>ntique, il avait beaucoup <strong>de</strong> ressources à partager avec<strong>la</strong> Mère supérieure. Il répondait aux appels <strong>dans</strong> les situations désespérées <strong>et</strong>envoyait <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> non sollicitée sous forme d’argent, <strong>de</strong> nourriture <strong>et</strong> <strong>de</strong>vêtements pour les filles. En jan<strong>vie</strong>r 1899, quand Mère <strong>Marie</strong> tombagravement ma<strong>la</strong><strong>de</strong> <strong>et</strong> qu’elle fut contrainte <strong>de</strong> r<strong>et</strong>ourner en Europe pourquelques mois, Gresshof paya son bill<strong>et</strong> <strong>de</strong> train jusqu’à <strong>la</strong> côte <strong>et</strong> paya lesupplément pour <strong>la</strong> faire voyager en première c<strong>la</strong>sse <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux à Paris.N’étant pas catholique lui-même, il donna néanmoins <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>auximportants aux religieuses tel qu’un vitrail pour leur chapelle <strong>et</strong> un tableau <strong>de</strong>Saint-Antoine 41 . Il y avait aussi <strong>de</strong>s catholiques dévoués qui offraient leursoutien <strong>et</strong> une fois que <strong>de</strong>s familles b<strong>la</strong>nches arrivèrent, les parentscommencèrent à inscrire leurs filles à l’école du couvent, perm<strong>et</strong>tant ainsi àMère <strong>Marie</strong> l’accès à une communauté plus <strong>la</strong>rge 42 . Mais ce dont elle parle leplus <strong>dans</strong> ses l<strong>et</strong>tres, c’est sa réussite au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté africaine : lenombre <strong>de</strong> filles à l’école, le dispensaire <strong>et</strong> l’hôpital du couvent installés peu<strong>de</strong> temps après son arrivée, les jeunes femmes formées à leur rôle d’épouses<strong>et</strong> <strong>de</strong> mères chrétiennes, <strong>et</strong> un nombre croissant <strong>de</strong> familles chrétiennes.Images d’empireLa <strong>vie</strong> « ordinaire » <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong> Dédié, telle qu’elle <strong>la</strong> racontait <strong>dans</strong> lesl<strong>et</strong>tres qu’elle envoyait à Paris, paraissait beaucoup moins ordinairelorsqu’elle est contée par d’autres — hommes d’Église ou <strong>la</strong>ïques —,d’autant plus que ces récits <strong>la</strong> rep<strong>la</strong>çaient <strong>dans</strong> une vision bien plus <strong>la</strong>rge, à <strong>la</strong>fois sécu<strong>la</strong>ire <strong>et</strong> ecclésiastique 43 . Alors même que les réussites <strong>de</strong> sa <strong>vie</strong>41 ASSJC, 2A/u.2.4, M. <strong>Marie</strong> à Mère générale, 14 mars 1893, 14 juill<strong>et</strong> 1893, 18 jan<strong>vie</strong>r 1899, 14mars 1900, 10 septembre 1900, 25 octobre 1901 ; Coquery-Vidrovitch, Le Congo au temps <strong>de</strong>sgran<strong>de</strong>s compagnies concessionnaires, p.60.42 « Communauté du Sacré-Coeur à Brazzaville », BCSSJC, 114 (1914), p.437.43 Les comptes-rendus sur <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>de</strong> Brazzaville sont moins nombreux pour les années 20 <strong>et</strong> lesannées 30 que pour <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nte. Le seul compte-rendu existant sur <strong>la</strong> <strong>vie</strong> à Brazzavillepar une femme pendant le séjour <strong>de</strong> Mère <strong>Marie</strong> est celui <strong>de</strong> Gabrielle M. Vassal, Life inFrench Congo (Londres : T. Fisher Unwin Ltd. : 1925). Au chapitre 6 sur « <strong>la</strong> mission catholique
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