Eglise, Empire et Genre dans la vie de Mère Marie-Michelle Dédié

EGLISE, EMPIRE & GENRE 39une opinion à ce sujet — ce qui n’est pas surprenant de sa part — maistraitait de problèmes pratiques : les besoins des enfants à sa charge et lemanque de ressources adéquates.Mère Marie reçut des témoignages officiels de gratitude pour sacontribution de femme coloniale et de missionnaire. En 1913, MonseigneurAugouard l’avait recommandée à un membre de l’Académie française qui luiavait décerné un titre honorifique pour ses « trente ans d’Afrique à Dakar età Brazzaville, trente ans avec la race noire ». Sur la citation il était inscrit :« Missionnaire française, son métier est d’être héroïque » 75 . En 1927, ellereçut la médaille de la Légion d’honneur. C’est le Procureur général de l’AEFqui avait proposé à Blaise Diagne, le député sénégalais bien connu del’Assemblée nationale à Paris, que Mère Marie soit désignée commecandidate en raison des « nombreux services » qu’elle avait rendus à lacolonie 76 .Le matin du 14 juillet 1927, la voiture du Gouverneur général arriva aucouvent pour prendre la Mère supérieure, devenue une femme âgée portantdes lunettes. La voiture l’amena à l’emplacement du défilé et on la fit asseoirau premier rang. Le Gouverneur général Antonetti, en grand uniforme decérémonie, la fit avancer et, entouré d’officiers de l’armée coloniale épéedégainée, il rendit hommage à toute son œuvre de patriote à Dakar et àBrazzaville. Il termina en concluant : « Au cours de cette longue existence dedévouement et de charité, elle n’a cessé d’être entourée de l’estime et durespect de tous, colons ou fonctionnaires. Par la dignité de sa vie, par lesœuvres d’éducation et d’assistance aux indigènes qu’elle a créées, elle a étéune bonne ouvrière de l’action civilisatrice française » 77 . Ensuite, il épingla laCroix de Chevalier de la Légion d’honneur sur sa poitrine et la foulel’acclama 78 . En même temps, au milieu de cette période de l’histoire colonialede l’Afrique, de vieilles images subsistaient. Un délégué du pape en tournée àtravers l’Afrique, qui s’était arrêté dans la capitale française coloniale, avait75 ASSJC, 2A/u.3.6, Archives, Institut de France, 1 er août 1913 ; et Le courrier colonial, 10 février1914.76 ASSJC, 2A/u.3.6, ministre des Colonies à M. Diagne, Député, 2 juillet 1927 ; ministre des Coloniesà Mère Marie Dédié, 2 juillet 1927 ; Député du Sénégal, Blaise Diagne à Mgr. Guichard,5 juillet 1927, « Les religieuses à l’honneur », Le courrier du Finistère, 9 juillet 1927 ; L’informationcoloniale (Léopoldville), 28 juillet 1927.77 La citation officielle fut publiée au Journal officiel de la République française, 3 juillet 1927.78 ASSJC, 2A/u.2.3, S. Germaine du Saint-Coeur de Marie à Mère générale, 21 juillet 1927 ; Augouard,Anecdotes congolaises, p.229 ; L’information coloniale, 28 juillet 1927. La scène a été photographiéeet reproduite sous forme de cartes postales.