EXPLORER
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<strong>EXPLORER</strong> – QUELS ENJEUX ?<br />
Il y a un changement culturel à mettre<br />
en oeuvre dans le fonctionnement<br />
de l’État et une remise en question<br />
importante à faire de la part de ceux<br />
qui aspirent à diriger le pays. C’est<br />
aussi l’enjeu pour 2017.<br />
Le rapprochement entre la recherche<br />
universitaire et les dirigeants<br />
politiques me paraît en cela être<br />
essentiel. C’est le sens du Conseil de<br />
la stratégie et de la prospective, dont<br />
la première réunion s’est tenue le 18<br />
octobre 2016 sous la présidence du<br />
Ministre de l’Intérieur.<br />
Quel est votre regard sur les<br />
attentats depuis janvier<br />
2015 ?<br />
Les faits parlent d’eux-mêmes. Ils<br />
disent l’ampleur de la menace et sa<br />
capacité à pénétrer le territoire. Il a<br />
eu 239 morts entre « Charlie hebdo »,<br />
le 7 janvier 2015, et « Saint-Etiennedu-Rouvray<br />
», le 26 juillet 2016. Le<br />
bilan de la nuit du 13 novembre<br />
est de 130 morts et de 413 blessés<br />
hospitalisés, dont 99 en situation<br />
d’urgence absolue, le plus grand<br />
massacre de civile en une journée<br />
sur le territoire français depuis<br />
Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944.<br />
Les 86 morts à Nice, attentat perpétré<br />
par un camion de livraison par une<br />
seule personne, montre l’utilisation<br />
de moyens triviaux de destruction.<br />
Cette menace est d’autant plus préoccupante<br />
que nous avons affaire à un djihadisme<br />
de 3 ème génération, réticulaire,<br />
qui confie la réalisation des attentats à<br />
leurs exécutants. Il se distingue d’Al-Qaïda<br />
où le commandement central, coiffé<br />
par Oussama Ben Laden, planifiait<br />
ses actions à l’image des opérations<br />
militaires. L’attaque du 11 septembre<br />
illustre cette organisation pyramidale<br />
et l’utilisation de moyens élaborés, perpétrée<br />
par des individus longuement<br />
formés et entraînés. Aujourd’hui, avec le<br />
djihadisme de 3 ème génération, les exécutants<br />
ne le sont plus nécessairement.<br />
Ils partent sur le terrain syrien moins<br />
pour se former que pour se familiariser<br />
avec la violence. Là, ils multiplient<br />
les assassinats des « apostats » et la profanation<br />
des cadavres. Les vidéos circulent<br />
ensuite sur l’Internet et servent<br />
de vecteur de propagande. Ils peuvent<br />
être activés à partir de la messagerie sécurisée<br />
préférée des djihadistes en 2016,<br />
Telegram, et par l’intermédiaire des<br />
chaînes de télévision privées telles que<br />
Ansar al-Tawhid. Autre distinction est<br />
l’utilisation des moyens : que ce soit dans<br />
le cas des « attaques ciblées » visant des<br />
individus spécifiques, comme la rédaction<br />
de Charlie Hebdo, ou les « attaques<br />
de masse », comme celle de Nice, ils sont<br />
incités à utiliser les moyens du bord,<br />
couteau de cuisine, camion de livraison,<br />
bonbonne de gaz... Leurs actions mêlent<br />
la truanderie à l’idéologie.<br />
L’exemple le plus frappant est celui<br />
de Saint-Etienne-du-Rouvray où les<br />
2 tueurs de 19 ans, Adel Kermiche<br />
et Abdel Malik Petitjean, qui ne<br />
se connaissaient pas, ont été mis<br />
en contact par l’intermédiaire de<br />
Telegram. Ils ont vraisemblablement<br />
été manipulés à distance par une tête<br />
du réseau, Rachid Kassim. Kermiche,<br />
d’origine Kabyle d’Algérie, ne parlait<br />
pas arabe, avant d’être incarcéré<br />
et radicalisé en prison. Il en sort<br />
en étant capable de prononcer le<br />
sermon en allégeance à peu près<br />
correctement en arabe. Le 26 juillet<br />
2016, ils utilisent un couteau de<br />
cuisine pour exécuter le prêtre alors<br />
même que l’individu en question a un<br />
bracelet de surveillance électronique<br />
et qu’il agit pendant ses heures<br />
légales de sorties de domicile du fait<br />
de son contrôle judiciaire. On ne peut<br />
pas avoir un exemple plus frappant<br />
du djihadisme de proximité et de la<br />
menace aujourd’hui.<br />
Le cas de Magnanville est également<br />
illustratif de ces attaques ciblées visant<br />
des individus spécifiques. Dans le<br />
cadre de l’entreprise, le jeune salarié,<br />
Yassin San, là encore pour des raisons<br />
que nous ne connaissons pas très bien,<br />
entre en contact avec l’État Islamiste.<br />
Il va décapiter son patron, mettre<br />
sa tête sur la clôture de l’entreprise<br />
classée SEVESO, et s’efforcer de faire<br />
exploser cette dernière, un peu dans<br />
la logique de ce qui s’était passé à<br />
Toulouse chez AZEDEF. L’hypothèse<br />
terroriste écartée à l’époque refait<br />
surface aujourd’hui. Nous avions sousestimé<br />
l’importance de la communauté<br />
islamiste d’Artigat, en Ariège, par où<br />
était passé tout le milieu toulousain.<br />
Qu’est-ce qui explique que<br />
nous n’ayons pas perçu cette<br />
réalité de la menace ?<br />
Cela montre les limites du renseignement<br />
à avoir perçu l’évolution du<br />
djihadisme dans ses modes opératoires,<br />
ses moyens de communication<br />
et de recrutement.<br />
Durant la première phase du<br />
Djihadisme, de 1979 à 1997, où<br />
les ennemis de proximité, les<br />
régimes « apostats », sont les<br />
principales cibles, les services<br />
de renseignements français<br />
s’investissent dans la détection de la<br />
menace djihadiste en France. Dans<br />
la deuxième phase du djihadisme,<br />
celle du terrorisme d’Al-Qaïda, entre<br />
1998 et 2005, les services sont très<br />
performants notamment du fait des<br />
arrestations en nombre qui auront<br />
permis d’éviter une série d’attentats.<br />
Cette méthode a fonctionné jusqu’à<br />
l’affaire Mohammed Merah, le 19<br />
mars 2012. En concentrant leurs<br />
actions sur les arrestations, ils n’ont<br />
pas perçu en parallèle la force du<br />
prosélytisme qui se développait<br />
en prison et dans les quartiers<br />
C<br />
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L<br />
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G<br />
I<br />
E<br />
2015<br />
Lyon (France) 17/02/2015<br />
Un déséquilibré, hurlant des propos incohérents<br />
faisant référence à l’État Islamique, agresse<br />
violemment une septuagénaire.<br />
Villejuif (France) 19/02/2015<br />
Grasse (France) 20/02/2015<br />
Un détenu, qui était sur le point d’être libéré, poste, depuis la<br />
cellule de sa prison, sur le compte Facebook d’une amie, une<br />
vidéo de 25 minutes à la gloire de l’État Islamique et la photo<br />
d’un djihadiste posant avec cinq têtes décapitées.<br />
Une tentative d’attentat contre deux églises de Villejuif est détourné. À 8h50 Sid Ahmed Ghlam appelle le SAMU, il est blessé par deux balles.<br />
› SOMMAIRE Selon les enquêteurs il se serait lui-même blessé au cours de la tentative de vol du véhicule d’Aurélie Châtelain, celle-ci est tuée et il aurait n°7 ensuite - 2016<br />
brûlé la voiture, qui contenait le corps de la jeune femme, avant de regagner le XIII ème arrondissement. La police arrête alors Sid Ahmed.