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<strong>EXPLORER</strong> – IMPACTS ET RÉPONSES<br />

Fait religieux et radicalisation djihadiste : le tabou est-il brisé ?<br />

73<br />

L’individu intégré est celui qui est utile socialement et<br />

qui respecte les lois, les valeurs, les normes du pays dans<br />

lequel il vit.<br />

L’assimilation que certains expriment sous la forme<br />

d’une injonction est d’une autre nature : elle suppose<br />

que les personnes concernées procèdent à un « échange<br />

de cerveau » afin d’effacer totalement toute mémoire<br />

de leurs origines, celles de leurs parents et qu’elles<br />

renoncent ainsi à un imaginaire au profit d’un autre :<br />

celui du pays d’accueil ; qu’elles « françisent » leur nom<br />

et, pourquoi pas, qu’elles abjurent leur religion, donc<br />

qu’elles renoncent à l’Islam... Cet objectif est irréaliste à<br />

court et à moyen termes. Il ne peut s’envisager que dans<br />

le temps long, celui de l’Histoire. Encore que, compte<br />

tenu de la mondialisation – qui est aussi culturelle – et<br />

du « village planétaire », on peut se demander ce que<br />

pèsera, dans quelques décennies, le « récit national » ou<br />

le « roman national » que l’on voudrait « injecter » dans<br />

les cerveaux avec des méthodes autoritaires...<br />

• À cet égard, le débat sur l’« identité » et les surenchères<br />

auquel il donne lieu sont dangereux pour plusieurs<br />

raisons. Ils sont d’abord révélateurs d’un trouble,<br />

d’un doute sur ce qu’est devenue l’identité de la<br />

France. Emmanuel LÉVINAS disait : « Lorsqu’un peuple<br />

s’interroge sur son Identité, c’est qu’il l’a déjà perdue »... Si<br />

tel est le cas en France actuellement, il conviendrait de<br />

s’interroger sur les raisons de cette situation anxiogène.<br />

Il y a des causes endogènes dans lesquelles l’Islam<br />

n’entre pour aucune part : le recul de la Foi chrétienne<br />

et la perte des valeurs morales qu’elle induit, l’implosion<br />

de la famille, la crise multidimensionnelle de l’autorité,<br />

le « pourquoi pas » à propos de tout et qui, sans cesse,<br />

recule les limites pour finir par toutes les abolir, le<br />

mariage homosexuel etc. ne doivent rien à l’Islam... Mais<br />

il semble qu’il n’y ait plus de restriction aux attaques,<br />

non pas seulement contre l’« islamisme », mais contre<br />

l’islam et les musulmans.<br />

Cela est vécu comme une maltraitance par beaucoup<br />

d’adeptes de la deuxième religion de France avec,<br />

comme conséquence, chez certains d’entre eux, une vraie<br />

« radicalisation ».<br />

Toujours est-il que des entreprises sont confrontées à des<br />

difficultés émanant de salariés musulmans. Les cadres<br />

ainsi que les responsables des ressources humaines ne<br />

savent pas comment y faire face tout en respectant la<br />

légalité et l’impératif de bon fonctionnement de leur<br />

structure.<br />

Il convient d’essayer de trouver les « bonnes réponses » à la<br />

fois dans l’ordre juridique national et dans les conventions<br />

internationales signées et ratifiées par la France.<br />

L’ordre juridique en faveur<br />

de la liberté<br />

Le droit international et national est clairement en faveur<br />

de la liberté : le salarié peut, au sein de l’entreprise privée,<br />

exprimer ses opinions politiques et faire état de ses<br />

croyances religieuses de façon verbale ou symbolique.<br />

L’article 9 de la Convention Européenne des Droits de<br />

l’Homme stipule : « La liberté de manifester sa religion ou<br />

ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions<br />

que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures<br />

nécessaires, dans une société donnée, à la sécurité publique,<br />

à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale<br />

publique, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».<br />

La Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre<br />

portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité<br />

de traitement en matière d’emploi et de travail interdit<br />

les discriminations y compris celles qui seraient fondées<br />

sur un motif religieux. Cette Directive a fait l’objet de la<br />

procédure de transposition en droit interne français et<br />

elle est incorporée au Code du travail.<br />

La Cour Européenne des Droits de l’Homme reconnaît<br />

que la liberté religieuse relève d’abord du « For intérieur »,<br />

mais elle va plus loin en ajoutant : « elle implique de<br />

surcroît, notamment, celle de manifester sa religion » et<br />

donc de l’extérioriser par des signes (Cour EDH, 25 mai<br />

1993).<br />

Dans une autre affaire, cette même Cour a estimé que le<br />

droit de manifester ses convictions religieuses devait être<br />

apprécié comme un « droit fondamental » car une « société<br />

démocratique doit tolérer et encourager le pluralisme et la<br />

diversité ». Elle va encore plus loin en affirmant qu’« une<br />

personne qui a fait de sa religion un axe majeur de sa vie<br />

puisse être en mesure de communiquer ses convictions<br />

à autrui » (15 janvier 2013).<br />

Le droit français protège, lui aussi, la liberté religieuse.<br />

La Constitution de 1958 intègre l’article 10 de la Déclaration<br />

des Droits de l’Homme et du Citoyen qui énonce : « Nul<br />

ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses<br />

pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public<br />

établi par la loi ».<br />

Cette Constitution reprend l’article 5 du préambule de la<br />

Constitution du 27 octobre 1946 : « Nul ne peut être lésé<br />

dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de<br />

ses opinions ou de ses croyances ».<br />

Le Code du travail reprend ces principes dans son article<br />

1121-1 : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et<br />

n°7 - 2016 › SOMMAIRE

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