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<strong>EXPLORER</strong> – IMPACTS ET RÉPONSES<br />
Fait religieux et radicalisation djihadiste : le tabou est-il brisé ?<br />
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L’individu intégré est celui qui est utile socialement et<br />
qui respecte les lois, les valeurs, les normes du pays dans<br />
lequel il vit.<br />
L’assimilation que certains expriment sous la forme<br />
d’une injonction est d’une autre nature : elle suppose<br />
que les personnes concernées procèdent à un « échange<br />
de cerveau » afin d’effacer totalement toute mémoire<br />
de leurs origines, celles de leurs parents et qu’elles<br />
renoncent ainsi à un imaginaire au profit d’un autre :<br />
celui du pays d’accueil ; qu’elles « françisent » leur nom<br />
et, pourquoi pas, qu’elles abjurent leur religion, donc<br />
qu’elles renoncent à l’Islam... Cet objectif est irréaliste à<br />
court et à moyen termes. Il ne peut s’envisager que dans<br />
le temps long, celui de l’Histoire. Encore que, compte<br />
tenu de la mondialisation – qui est aussi culturelle – et<br />
du « village planétaire », on peut se demander ce que<br />
pèsera, dans quelques décennies, le « récit national » ou<br />
le « roman national » que l’on voudrait « injecter » dans<br />
les cerveaux avec des méthodes autoritaires...<br />
• À cet égard, le débat sur l’« identité » et les surenchères<br />
auquel il donne lieu sont dangereux pour plusieurs<br />
raisons. Ils sont d’abord révélateurs d’un trouble,<br />
d’un doute sur ce qu’est devenue l’identité de la<br />
France. Emmanuel LÉVINAS disait : « Lorsqu’un peuple<br />
s’interroge sur son Identité, c’est qu’il l’a déjà perdue »... Si<br />
tel est le cas en France actuellement, il conviendrait de<br />
s’interroger sur les raisons de cette situation anxiogène.<br />
Il y a des causes endogènes dans lesquelles l’Islam<br />
n’entre pour aucune part : le recul de la Foi chrétienne<br />
et la perte des valeurs morales qu’elle induit, l’implosion<br />
de la famille, la crise multidimensionnelle de l’autorité,<br />
le « pourquoi pas » à propos de tout et qui, sans cesse,<br />
recule les limites pour finir par toutes les abolir, le<br />
mariage homosexuel etc. ne doivent rien à l’Islam... Mais<br />
il semble qu’il n’y ait plus de restriction aux attaques,<br />
non pas seulement contre l’« islamisme », mais contre<br />
l’islam et les musulmans.<br />
Cela est vécu comme une maltraitance par beaucoup<br />
d’adeptes de la deuxième religion de France avec,<br />
comme conséquence, chez certains d’entre eux, une vraie<br />
« radicalisation ».<br />
Toujours est-il que des entreprises sont confrontées à des<br />
difficultés émanant de salariés musulmans. Les cadres<br />
ainsi que les responsables des ressources humaines ne<br />
savent pas comment y faire face tout en respectant la<br />
légalité et l’impératif de bon fonctionnement de leur<br />
structure.<br />
Il convient d’essayer de trouver les « bonnes réponses » à la<br />
fois dans l’ordre juridique national et dans les conventions<br />
internationales signées et ratifiées par la France.<br />
L’ordre juridique en faveur<br />
de la liberté<br />
Le droit international et national est clairement en faveur<br />
de la liberté : le salarié peut, au sein de l’entreprise privée,<br />
exprimer ses opinions politiques et faire état de ses<br />
croyances religieuses de façon verbale ou symbolique.<br />
L’article 9 de la Convention Européenne des Droits de<br />
l’Homme stipule : « La liberté de manifester sa religion ou<br />
ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions<br />
que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures<br />
nécessaires, dans une société donnée, à la sécurité publique,<br />
à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale<br />
publique, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».<br />
La Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre<br />
portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité<br />
de traitement en matière d’emploi et de travail interdit<br />
les discriminations y compris celles qui seraient fondées<br />
sur un motif religieux. Cette Directive a fait l’objet de la<br />
procédure de transposition en droit interne français et<br />
elle est incorporée au Code du travail.<br />
La Cour Européenne des Droits de l’Homme reconnaît<br />
que la liberté religieuse relève d’abord du « For intérieur »,<br />
mais elle va plus loin en ajoutant : « elle implique de<br />
surcroît, notamment, celle de manifester sa religion » et<br />
donc de l’extérioriser par des signes (Cour EDH, 25 mai<br />
1993).<br />
Dans une autre affaire, cette même Cour a estimé que le<br />
droit de manifester ses convictions religieuses devait être<br />
apprécié comme un « droit fondamental » car une « société<br />
démocratique doit tolérer et encourager le pluralisme et la<br />
diversité ». Elle va encore plus loin en affirmant qu’« une<br />
personne qui a fait de sa religion un axe majeur de sa vie<br />
puisse être en mesure de communiquer ses convictions<br />
à autrui » (15 janvier 2013).<br />
Le droit français protège, lui aussi, la liberté religieuse.<br />
La Constitution de 1958 intègre l’article 10 de la Déclaration<br />
des Droits de l’Homme et du Citoyen qui énonce : « Nul<br />
ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses<br />
pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public<br />
établi par la loi ».<br />
Cette Constitution reprend l’article 5 du préambule de la<br />
Constitution du 27 octobre 1946 : « Nul ne peut être lésé<br />
dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de<br />
ses opinions ou de ses croyances ».<br />
Le Code du travail reprend ces principes dans son article<br />
1121-1 : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et<br />
n°7 - 2016 › SOMMAIRE