16.12.2016 Views

EXPLORER

defis7

defis7

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

82<br />

<strong>EXPLORER</strong> – IMPACTS ET RÉPONSES<br />

Fait religieux et radicalisation djihadiste : le tabou est-il brisé ?<br />

à ses capacités. Il peut aussi s’agir d’un but qu’on lui a fixé,<br />

quand il été victime de ce que les médias appellent « un<br />

pervers narcissique ». Un patron qui commence d’abord à<br />

flatter sans cesse son employé, à qui il dit qu’il est comme son<br />

fils ou sa fille, qu’il veut associer à des projets grandioses et<br />

qui lui promet à un avenir brillant. Ou il fait pareil avec son<br />

associé, qu’il compare à un frère ou une soeur, avec qui il fait<br />

des plans sur la comète, dressant un portrait d’eux idyllique<br />

et se réjouissant de devenir millionnaires. Puis un différend<br />

survient, le patron se sent en faute, critiqué, il n’en faut pas<br />

beaucoup. Il devient alors distant avec son employé ou son<br />

associé, puis il se met à le critiquer sans cesse dans son dos,<br />

à le pousser toujours davantage au sacrifice. C’est ça ou la<br />

sortie. L’employé ou l’associé peut alors quitter son poste,<br />

faire un procès ou, à l’inverse, s’attacher à plaire toujours<br />

plus au patron pour retrouver ce moment de grâce entre eux,<br />

jusqu’à travailler comme un esclave, être toujours disponible,<br />

ne plus dormir, s’oublier. Cette radicalisation au travail utilise<br />

les mêmes techniques que dans les sectes ou les groupes<br />

terroristes :<br />

Phase 1 : reconnaissance absolue / union sacrée de type<br />

familial / projet brillant<br />

Phase 2 : culpabilisation<br />

Phase 3 : demande de réparation<br />

Dans le cas de l’entreprise, l’employé ou l’associé peut tomber en<br />

burn-out ou, dans les cas les plus extrêmes, se suicider.<br />

Les personnes qui sont en difficulté affective sont plus<br />

désireuses que d’autres à l’idée d’une telle affiliation. C’est en<br />

les repérant qu’un patron pervers, ou qu’un groupe pervers<br />

déploiera tous ses talents pour le convaincre de se soumettre<br />

à lui.<br />

Parmi ces groupes se trouvent par exemple « les jihadistes<br />

à col blanc ». On appelle ainsi les islamistes qui tentent de<br />

prendre le pouvoir non pas par la violence, mais en utilisant<br />

les valeurs occidentales afin de mieux les rejeter une fois<br />

le pouvoir conquis et la société régie par la Charia, la loi<br />

selon Allah. Ces groupes islamistes tentent de remplacer les<br />

syndicats traditionnels en offrant une protection identitaire au<br />

travailleur. La tentation est grande pour celui-ci de l’accepter.<br />

Chaque décision commise à son encontre par la direction<br />

de l’entreprise, chacune de ses revendications religieuses<br />

refusées, seront désormais susceptibles d’être considérées<br />

comme islamophobes. Dans un pays travaillé par la lutte<br />

contre les dissensions religieuses, toutes formes d’accusation<br />

de ce type menacent de salir durablement la réputation d’une<br />

entreprise. C’est une arme que les syndicalistes traditionnels<br />

ont des difficultés à fournir, d’où le soutien des ultragauchistes<br />

aux islamistes qu’ils voient remporter plus efficacement le<br />

combat contre l’ennemi capitaliste commun. Cette logique<br />

victimaire des militants islamistes est particulièrement<br />

efficace contre toute forme d’autorité non musulmane, et<br />

permet ainsi une revendication constante.<br />

La fracture menace les open-spaces.<br />

Le patron et le groupe pervers se positionnent comme les<br />

représentants d’une nouvelle famille, soudée, protectrice et<br />

ambitieuse, dans une société qui n’est plus capable de jouer<br />

ce rôle.<br />

Il faut rappeler que le capitalisme familial de type patriarcal,<br />

tel qu’il existe souvent en Asie, a deux cent ans d’ancienneté<br />

en France et n’a pris fin qu’après les Trente Glorieuses.<br />

L’entreprise se présentait alors comme un nouveau foyer,<br />

dirigée par un patron paternaliste. Ce modèle faisait<br />

prolongement ou substitution à l’environnement familial<br />

du travailleur, cela avait son utilité quand ce dernier était<br />

défaillant. Avec la fin de ce modèle mais aussi du travail<br />

à vie, de la sécurité professionnelle, auquel il faut ajouter<br />

l’atomisation de la famille traditionnelle et la forte diminution<br />

des rites sociaux, les individus recherchent un environnement<br />

plus englobant, uni et rassurant.<br />

Il n’est surtout pas dit qu’on doive regretter le capitalisme à<br />

papa, de type autoritaire et phallocrate. Team building, éthique,<br />

management, communication interne, gestion de crise, contreradicalisation...<br />

Les chantiers ne manquent pas dans l’entreprise<br />

du futur. À la fois innovante, sûre d’elle-même et humaine, elle<br />

est à construire et l’État doit y participer.<br />

Quant aux demandes de type fusionnel elles doivent<br />

être vite repérées lors des séances d’orientation, dès<br />

l’école, et des métiers adaptés peuvent être alors proposés. Il<br />

n’y a pas que l’armée ou la finance qui puissent fortement les<br />

impliquer et les reconnaitre, mais aussi des petites entreprises<br />

de type familial qu’on trouve notamment dans l’artisanat ou<br />

les métiers de l’art.<br />

Certes, la lutte contre le terrorisme et l’islamisme ne passe pas<br />

que par l’intégration. Laissons à la Défense, à l’Intérieur et à<br />

d’autres ministères la reconnaissance qu’ils méritent dans ce<br />

combat.<br />

Mais en ces temps pré-électoraux, il est important de souligner<br />

aussi que les hommes politiques qui vont gouverner la France<br />

de 2017 ne sont pas les seuls en charge de l’intérêt général<br />

et du bien commun. Les dirigeants d’entreprises, grandes et<br />

petites, publiques et privées, sont aussi des acteurs politiques,<br />

ancrés dans la réalité et contributeurs du vivre ensemble.<br />

C’est un lien nouveau qui doit être établi entre ces acteurs<br />

clés, la population active et l’État, afin de mieux intégrer les<br />

citoyens dans les entreprises, favoriser le vivre ensemble et<br />

lutter contre la radicalisation. •<br />

POUR ALLER PLUS LOIN<br />

«Petit manuel de contre-radicalisations», mars 2017, Éditions du PUF.<br />

« Il y a obsession commune aux dépressifs et aux djihadistes<br />

Thomas Bouvatier - Victimaire et sanguinaire - Le Point<br />

› SOMMAIRE<br />

n°7 - 2016

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!