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<strong>EXPLORER</strong> – IMPACTS ET RÉPONSES<br />

Quelles responsabilités pour l’entreprise?<br />

(consignes d’évacuation ou au contraire de confinement,<br />

organisation du transport et prise en charge des frais pour<br />

chaque salarié vers son domicile, etc).<br />

L’entreprise devra aussi mettre en oeuvre des mesures de formation.<br />

En parallèle d’une réflexion sur la nature de ces formations 9 et sur leur<br />

niveau de mise en oeuvre (salarié, « manager », salarié titulaire d’une<br />

délégation de pouvoirs, etc.), il faudra aussi commencer par analyser en<br />

détail l’existant et son niveau de performance. Combien d’entreprises<br />

peuvent, en effet, affirmer sans le moindre doute que leurs salariés sont<br />

correctement formés au risque incendie, ont des consignes d’évacuation<br />

à jour, que les serre-files sont encore salariés de l’entreprise, etc. ?<br />

Ces actions de formation et d’information sont aujourd’hui<br />

considérées comme un moyen incontournable permettant<br />

à l’entreprise de démontrer qu’elle a mis en oeuvre tous les<br />

moyens nécessaires pour prévenir la survenance du risque et<br />

ainsi éviter d’engager sa responsabilité 10 .<br />

Au-delà de ces mesures, l’entreprise est également invitée à<br />

« mettre en place une organisation et des moyens adaptés »<br />

qui pourra aller bien au-delà de la mise en oeuvre de caméras<br />

de surveillance ou d’un contrôle des salariés à l’entrée du site.<br />

Appliqué au risque attentat, c’est une invitation à repenser<br />

l’organisation de l’entreprise à la lumière de cette nouvelle<br />

contrainte pour ne pas que cette organisation génère un risque.<br />

Faut-il comme certaines entreprises créer une fonction de<br />

« risk manager » ? Faut-il aller jusqu’à adapter les procédures<br />

de recrutement ou de recours à la sous-traitance ? Faut-il<br />

mettre en place de véritables procédures d’alerte ?<br />

Il faudra naturellement veiller à ce que ces mesures n’aboutissent<br />

pas à une surveillance accrue des salariés, par exemple par une<br />

multiplication des fouilles ou une vidéo surveillance élargie dont<br />

la légalité pourrait être remise en cause.<br />

Sur l’ensemble de ces chantiers de réflexion, les représentants<br />

du personnel et particulièrement le CHSCT devront être bien<br />

évidemment associés mais plus encore, leurs « alertes » ou<br />

propositions devront être soigneusement considérées. Il en sera<br />

de même des demandes des salariés. Il est notable en effet que,<br />

dans la plupart des décisions de justice rendues, la responsabilité<br />

de l’employeur est aussi reconnue pour avoir négligé ou ne<br />

pas avoir au moins répondu aux messages d’alerte ou aux<br />

propositions des salariés ou des représentants du personnel.<br />

L’entreprise est donc invitée à élaborer une véritable<br />

démarche de prévention, seul moyen de diminuer son<br />

risque juridique. C’est le message clair délivré par la Chambre<br />

sociale de la Cour de cassation dans ses arrêts les plus récents<br />

en la matière qui font dire que d’une obligation de sécurité<br />

de résultat, le juge tendrait aujourd’hui vers une obligation<br />

de moyens renforcée. Dans une affaire longuement<br />

commentée impliquant un chef de cabine qui, témoin des<br />

attentats du 11 septembre 2001, va développer plusieurs<br />

années après, un syndrome anxio-dépressif dont il imputera<br />

la responsabilité à son employeur, cette responsabilité ne sera<br />

pas reconnue et le salarié sera débouté de son action. Pour les<br />

juges, l’entreprise n’a pas manqué à son obligation de sécurité<br />

car elle avait bien mis en place des mesures, en l’occurrence<br />

un soutien psychologique et l’intégration du risque post<br />

traumatique dans le document unique. L’entreprise peut donc<br />

justifier avoir mis en place un arsenal de mesures, ce qui lui<br />

permet de s’exonérer de toute responsabilité.<br />

À la lecture de cette décision, l’on voit bien qu’au-delà de ces mesures<br />

ponctuelles de prise en charge des salariés, comme la cellule de soutien<br />

psychologique, c’est aussi la cohérence du dispositif de prévention de<br />

l’entreprise qui est jugée : dans cette affaire, les risques identifiés sont<br />

bien intégrés dans le document unique et le salarié a fait l’objet d’un<br />

suivi médical régulier comme le relèvent indirectement les juges<br />

en constatant qu’il a été déclaré apte pendant toutes les<br />

années concernées.<br />

Toute mesure prise par l’entreprise pose donc également<br />

la question de la mise à jour de sa documentation interne :<br />

les fiches de poste des contrats de travail pour intégrer la<br />

mission de prévention de certains salariés, les délégations de<br />

pouvoirs, le règlement intérieur pour imposer aux salariés<br />

un respect strict des consignes de sécurité, etc.<br />

Outre le fait de limiter le risque juridique pour l’entreprise,<br />

l’ensemble de ces mesures auront aussi pour effet de<br />

rendre le salarié lui-même acteur de sa propre santé au travail.<br />

Il ne faut pas oublier en effet que le Code du travail reconnait<br />

aussi pour le salarié l’obligation de prendre soin de sa santé et de<br />

sa sécurité, ainsi que de celle des autres, et ce conformément aux<br />

« instructions » qu’il a reçues de son employeur et en « fonction<br />

de la formation » dispensée par celui-ci 11 . Ceci ne signifie pas que<br />

l’employeur pourra s’exonérer de sa propre responsabilité en se<br />

retranchant derrière une faute du salarié qui, par exemple, n’aurait<br />

pas signalé un risque. En effet, la responsabilité du salarié n’a pas<br />

d’impact sur celle de l’employeur 12 . En revanche, l’employeur<br />

pourra légitimement sanctionner le salarié qui aurait adopté un<br />

comportement à risque en ne se conformant pas aux mesures de<br />

prévention mises en place par l’entreprise. De la même manière,<br />

un refus d’indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des<br />

actes de terroriste (FGTI) dont les conditions d’indemnisation sont<br />

indépendantes de la relation du salarié et son de son employeur,<br />

n’aurait aucun effet sur les obligations de l’employeur, qui n’aurait<br />

d’ailleurs pas nécessairement accès à cette information.<br />

La menace terroriste concernant aujourd’hui les entreprises<br />

dans le cadre même de leur activité, les entreprises ne<br />

sauraient considérer que le risque terroriste aurait pour elle la<br />

qualification de force majeure exonératoire de responsabilité.<br />

Il est donc indispensable pour l’entreprise d’engager une<br />

démarche structurée de prévention seule susceptible de<br />

l’exonérer d’une éventuelle mise en cause de responsabilité.<br />

Il faut aussi y voir, car le risque attentat n’est pas ponctuel, un<br />

outil dans une démarche de qualité de vie au travail. •<br />

—(9) Dans le respect de l’Article R 4141-3 du Code du travail : mesures sur<br />

la conduite à tenir, sur les conditions de circulation ou encore sur les<br />

conditions d’exécution du travail<br />

› SOMMAIRE<br />

(10) Cass soc 1er juin 2016, n°14-19.702<br />

(11) Article L4122-1 du Code du travail<br />

(12) Cass soc 10 février 2016, n°14-24.350<br />

n°7 - 2016

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