07.09.2017 Views

a_MIntresse__Septembre_2017

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

26 INTERVIEW<br />

En France, 650 000 personnes présentent un syndrome autistique<br />

« Le mouvement aide<br />

le cerveau à apprendre »<br />

RUPERT ISAACSON, PÈRE D’UN GARÇON AUTISTE, A CRÉÉ UNE MÉTHODE POUR AIDER<br />

LES ENFANTS COMME SON FILS À DÉVELOPPER LEURS TALENTS GRÂCE AU CHEVAL.<br />

Propos recueillis par Frederika Van Ingen<br />

D.R.<br />

Rupert Isaacson<br />

1967 Il nait à Londres<br />

d’une mère sudafricaine<br />

et d’un père<br />

originaire de Rhodésie<br />

du Sud (actuel<br />

Zimbabwe), desquels<br />

il tient son goût du voyage.<br />

1995 Il part quelque temps en<br />

Namibie, pays où est né son<br />

grand-père paternel, et rencontre<br />

les Bushmen. Journaliste, il se<br />

spécialise notamment dans la<br />

cause des peuples autochtones.<br />

2004 Naissance de son fils,<br />

Rowan, diagnostiqué autiste.<br />

2007 Avec Rowan, il parcourt la<br />

Mongolie à cheval sur les traces<br />

d’autres peuples autochtones.<br />

2016 Il publie l’Enfant et le Cheval<br />

de vent (Albin Michel), qui raconte<br />

son histoire.<br />

D.R.<br />

Vous êtes journaliste, à l’origine. Qu’est-ce<br />

qui vous a mis sur la piste de l’équithérapie ?<br />

Rupert Isaacson : Au départ, c’est mon fils,<br />

Rowan, qui m’a montré le chemin. Il avait été<br />

diagnostiqué autiste, avec des manifestations<br />

très lourdes à gérer, et j’ai dû cesser mon activité<br />

pour m’occuper de lui. Nous habitions<br />

une maison en pleine campagne texane, notamment<br />

pour lui éviter le bruit. Les enfants<br />

autistes sont encore plus troublés quand ils<br />

sont exposés à des stimulus sonores non naturels.<br />

J’ai dû aussi renoncer à l’une de mes<br />

grandes passions : l’équitation. Un jour, en<br />

balade, alors que je le suivais de loin, il a bifurqué<br />

soudainement pour entrer dans le pré<br />

du voisin où paissaient cinq chevaux. J’ai cru<br />

qu’il allait se faire piétiner et m’apprêtais à<br />

courir le chercher, mais au lieu de cela, la jument<br />

dominante s’est mise à le protéger. À<br />

partir de là, avec l’autorisation du voisin, j’ai<br />

pu observer le contact très particulier qu’il<br />

avait avec cette jument. Peu à peu, je l’ai mis<br />

en selle avec moi, et là, miraculeusement,<br />

quelque chose a changé : à cheval, il s’est mis<br />

à communiquer avec moi. Ça a été le point<br />

de départ d’un long parcours de soins et de<br />

recherches. Comprendre comment le cheval<br />

agissait sur lui, pour explorer tout ce qui pouvait<br />

l’aider dans son développement. Enfin,<br />

nous avons étudié, avec sa mère qui est chercheuse<br />

en psychologie à l’Université d’Austin<br />

et ses collègues, les mécanismes qui pouvaient<br />

être à l’œuvre dans cette thérapie.<br />

Votre méthode s’appelle Horseboy method.<br />

Pouvez-vous la décrire ?<br />

R. I. : C’est une approche d’équithérapie qui<br />

agit sur le système nerveux et le cerveau. La<br />

visée thérapeutique passe par le mouvement.<br />

Souvent, les gens pensent que les autistes ont<br />

des difficultés d’apprentissage. Ce n’est pas<br />

toujours vrai. En réalité, il s’agit surtout d’un<br />

déficit de mobilisation du cortex. La plupart<br />

des jeunes autistes, tout comme les enfants<br />

atteints de troubles du déficit de l’attention<br />

avec ou sans hyperactivité, ont un problème<br />

lié à l’amygdale — dans l’hypothalamus —<br />

qui est trop développée. Ce dysfonctionnement<br />

a pour conséquence de faire ressentir<br />

à l’enfant une menace quasi-permanente. Si<br />

vous lisez du Dostoïevski et qu’un éléphant<br />

arrive par la fenêtre, vous n’allez pas continuer<br />

à lire. Vous n’avez pas le choix à ce moment-là,<br />

car votre amygdale s’active et crie<br />

à votre cerveau qu’il y a danger. Ce qui produit<br />

du cortisol, hormone qui bloque notamment<br />

l’accès à l’intellect. Les autistes subissent<br />

ce ressenti au moindre stimulus, et<br />

parfois en continu. Ils ne peuvent pas apprendre<br />

dans ces conditions, bien que leur<br />

intellect soit intact. Le secret est donc d’abord<br />

de calmer l’amygdale et le système nerveux,<br />

pour que le cortex puisse interagir avec les<br />

autres zones du cerveau.<br />

Comment cela s’est-il passé avec votre fils ?<br />

R. I. : Je l’ai d’abord retiré de l’école, qui ne<br />

faisait qu’amplifier son stress. On a alors commencé<br />

à travailler — toujours à cheval et en<br />

mouvement —, le langage, la lecture, puis les<br />

mathématiques. Le résultat a été immédiat et<br />

étonnant. Avec le temps, notre fils est devenu<br />

naturellement plus curieux. On a ensuite mis<br />

en place des séances avec quelques familles<br />

des alentours qui avaient des enfants atteints<br />

de troubles autistiques. On a remarqué rapi-<br />

SEPTEMBRE <strong>2017</strong>

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!