a_MIntresse__Septembre_2017
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En Mongolie, Rupert Isaacson découvre les<br />
bienfaits de l’équitation sur les symptômes<br />
de l’autisme. La rencontre avec des<br />
guérisseurs mongols le met aussi sur la voie<br />
de l’équithérapie. De retour au Texas,<br />
où il vit, il ouvre un centre où il développe sa<br />
méthode, Horseboy, diffusée aujourd’hui<br />
dans 14 pays, dont la France. Il crée aussi la<br />
Movement method, sans cheval mais toujours<br />
en mouvement (trampoline, vélo, piscine...)<br />
pour favoriser les apprentissages.<br />
D.R.<br />
dement l’efficacité de certains types de mouvements<br />
liés à la pratique : quand le cheval<br />
est dans une allure dite « rassemblée » (les<br />
pattes restent sous le corps), il se produit un<br />
balancement, un bercement, avec une bascule<br />
du bassin en rythme, qui provoque la sécrétion<br />
de l’antidote du cortisol : l’ocytocine.<br />
Il y a l’« effet cheval », mais également<br />
les méthodes d’apprentissage…<br />
R. I. : Oui. La deuxième clé, c’est d’intéresser<br />
l’enfant en utilisant ce qui le passionne. Si on<br />
veut faire lire un enfant qui adore le Roi lion,<br />
on va chanter la chanson du dessin animé en<br />
montant à cheval, et peindre sur les arbres<br />
les lettres qui composent ce titre pour les lui<br />
apprendre. Idem avec les mathématiques,<br />
l’astuce est de travailler de façon ludique,<br />
toujours en selle. Pour calculer, on prend, par<br />
exemple, quatre personnages : maman, papa,<br />
le frère et la sœur, et on joue au jeu des différences.<br />
Puis, on décide d’en choisir un et<br />
on va le mettre à part en le chassant avec une<br />
grosse voix, toujours à la manère d’un jeu.<br />
Là, on recalcule. Et l’histoire continue : maintenant,<br />
ce personnage est triste parce qu’il<br />
est tout seul, donc il faut le mettre avec<br />
d’autres, et recompter, etc. Petit à petit, on<br />
complique les questions. Cela ouvre la voie<br />
à la curiosité naturelle de l’enfant, car il n’est<br />
plus « bloqué » par le cortisol.<br />
tex préfrontal peut alors entrer en action : il<br />
gère la logique, la raison, le contrôle des émotions,<br />
et l’apprentissage peut commencer. Dernière<br />
chose : quand on bouge, pour trouver<br />
l’équilibre, le cerveau produit une protéine<br />
qui s’appelle BDNF (Brain-derived neurotrophic<br />
factor ou facteur neurotrophique issu du<br />
cerveau). Ce BDNF est aussi directement impliqué<br />
dans les processus d’apprentissage, et<br />
fait d’ailleurs l’objet de recherches chez les<br />
spécialistes de l’éducation.<br />
En identifiant les causes du mieux-être<br />
pour ces enfants, vous avez aussi<br />
développé une approche sans cheval ?<br />
R. I. : Nous savons que la plupart des gens n’ont<br />
pas la possibilité de travailler avec des chevaux.<br />
C’est pour cela que nous avons développé la<br />
Movement method, où l’on enseigne sur un<br />
trampoline, dans une piscine, à bicyclette, en<br />
portant l’enfant sur les épaules, c’est-à-dire<br />
n’importe quel mouvement qui induit une<br />
recherche d’équilibre. Si on ne peut pas faire<br />
autrement que rester enfermés dans une salle<br />
de classe, on peut aussi déclencher « l’effet<br />
BDNF » en se déplaçant régulièrement.<br />
Que disent les chercheurs de votre travail ?<br />
R. I. : Une première étude, menée par l’Université<br />
du Texas en 2013, a confirmé ses bénéfices<br />
en ce qui concerne les apprentissages<br />
et l’amélioration de la qualité des relations<br />
dans les familles, qui sont, du coup, plus impliquées.<br />
Grâce à cette méthode, les parents<br />
peuvent enfin trouver un moyen de jouer<br />
avec leur enfant, ce qu’ils ne pouvaient pas<br />
faire avant. Cette année, nous commençons<br />
avec l’Open University des Pays-Bas et l’Uni-<br />
D.R.<br />
C’est essentiel d’être toujours en mouvement ?<br />
R. I. : Oui. Les êtres humains en général, mais<br />
spécifiquement les autistes et les hyperactifs,<br />
ont une sensibilité kinesthésique : ils apprennent<br />
mieux en mouvement. Car bouger<br />
déclenche la production d’ocytocine. Le corversité<br />
de Stanford une étude pour évaluer<br />
les résultats sur l’ocytocine et le cortisol<br />
grâce à des tests sur la salive. Par ailleurs,<br />
nous avons créé, avec sept universités dans<br />
le monde, 200 modules éducatifs, depuis la<br />
lecture jusqu’à la géométrie ou les statistiques,<br />
praticables en extérieur et en mouvement.Ils<br />
sont disponibles sur Internet<br />
( Horseboyworld.com) pour que parents ou<br />
professeurs puissent les utiliser.<br />
Comment va Rowan, aujourd’hui ?<br />
R. I. : Très bien. Il reste autiste bien entendu,<br />
c’est sa personnalité. Je ne cherche pas une<br />
guérison, mais une amélioration de ses conditions<br />
de vie. Car ces enfants ont aussi beaucoup<br />
de talents ! Et ce sont ces talents qui<br />
peuvent alors se développer. Aujourd’hui,<br />
Rowan a créé une émission de télé sur Internet,<br />
et il travaille avec des sociétés de construction<br />
des routes, parce qu’il a toujours été fasciné<br />
par les schémas de communication<br />
routiers. Il commence à s’intéresser à la physique<br />
quantique. Et comme nombre d’autistes,<br />
il a ces dons : une mémoire d’éléphant et un<br />
intellect qui n’est pas distrait par les jugements<br />
sociaux, ce qui lui procure d’immenses capacités<br />
d’attention. Et enfin, et c’est le meilleur<br />
des talents, chez lui l’ego ne compte pas. Pour<br />
les gens comme nous, c’est très salvateur de<br />
côtoyer des gens comme Rowan, car cela permet<br />
de mettre le nôtre au vestiaire… <br />
SEPTEMBRE <strong>2017</strong>