07.09.2017 Views

a_MIntresse__Septembre_2017

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

94<br />

ÇA A CHANGÉ<br />

NOTRE VIE<br />

verrou tournant (permettant de visser les<br />

conteneurs entre eux) ou les grues à chevalet<br />

(pour charger et décharger les conteneurs à<br />

des vitesses record). Mais ces atouts pour les<br />

transporteurs heurtent les intérêts des débardeurs<br />

(appelés ensuite dockers) qui craignent<br />

pour leur emploi et en freinent l’usage. « En<br />

1965, neuf ans après son apparition, le bilan<br />

de la conteneurisation est positif mais pas<br />

spectaculaire », écrit Marc Levinson dans son<br />

best-seller The Box. « Sur la côte Ouest, seulement<br />

8 % du fret divers était transporté par<br />

conteneurs. » En 1966, le Fairland est le premier<br />

porte-conteneurs commercial à traverser<br />

l’Atlantique, entre New York et Rotterdam,<br />

avec 228 « boîtes » de 35 pieds.<br />

AU VIETNAM, LES SOLDATS AMÉRICAINS<br />

SONT RAVITAILLÉS PAR BOX FRIGORIFIQUES<br />

La guerre du Vietnam va changer la donne.<br />

En 1965, les États-Unis envoient 65 000 soldats<br />

en renfort. Le tonnage des vivres et munitions<br />

augmente alors de moitié. Saigon, le<br />

seul port en eaux profondes du pays, est submergé,<br />

et décharger les navires prend au moins<br />

deux semai nes. Les vols et le gaspillage massif<br />

de denrées alimentaires sont en outre monnaie<br />

courante. McLean — encore lui — explique<br />

alors à l’état-major américain que ses<br />

conteneurs peuvent permettre de désengorger<br />

Saigon et d’acheminer les produits par<br />

camions jusque dans les camps militaires. Le<br />

1 er août 1967, quinze heures suffisent pour décharger<br />

les 226 boîtes du premier porte-conteneurs<br />

Sea-Land en prove nance d’Oak land.<br />

L’entreprise décroche un contrat de 70 millions<br />

de dollars en vue d’affréter sept navires.<br />

Les rotations bimensuelles s’organisent. Les<br />

premiers conteneurs frigorifiques sont mis en<br />

service et chargés<br />

de viande, fruits,<br />

légumes et même<br />

de crème glacée.<br />

A. CHERN/SINGAPORE PRESS/AFP<br />

20 % du trafic de fret<br />

sans docker à l’horizon<br />

Le port de Singapour est celui qui accueille<br />

le plus grand nombre de conteneurs : 20 %<br />

de l’activité mondiale de transbordement.<br />

L’automatisation permet de repérer et charger<br />

les conteneurs à distance sans s’éloigner<br />

des écrans de contrôle. Cette automatisation<br />

des tâches sur les quais et le gigantisme<br />

des bateaux ont permis de baisser de manière<br />

considérable le coût du transport maritime.<br />

L’Amérique reconnaît que, sans les box, elle<br />

n’aurait pas pu poursuivre ce conflit ni approvisionner<br />

ses 540 000 soldats.<br />

Dès lors les armateurs privés du monde<br />

entier vont se ruer sur ces boîtes. En 1974,<br />

les standards sont définitivement fixés par<br />

l’Organisation internationale de normalisation<br />

(ISO 104), les plus utilisés étant les modèles<br />

de 20 et 40 pieds. Les compagnies de<br />

fret se lancent dans une course au gigantisme<br />

qui voit les bateaux passer d’une capacité de<br />

900 caisses dans les années 1970 à plus de<br />

20 000 aujourd’hui. Avec une forte avancée<br />

technologique. Les boîtes sont désormais<br />

connectées, à température contrôlée (jusqu’à<br />

– 60 °C), à open top (toit ouvrant) et peuvent<br />

transporter des machines complexes ou des<br />

girafes ! Les premiers conteneurs écologiques<br />

avec des sols en bambou ont aussi vu le jour.<br />

Si les Américains impulsent la conteneurisation<br />

et la mondialisation des échanges,<br />

les Français se distinguent rapidement dans<br />

cette industrie. Cocorico ! Le troisième plus<br />

grand ar mateur mondial est désormais la<br />

CMA CGM, dont le siège social domine le<br />

port de Marseille. C’est elle qui ouvre en juillet<br />

1986 la première route maritime en Asie,<br />

en assurant une tournée dans 50 ports — de<br />

Singapour au Japon — pour collecter tous<br />

les produits électroniques, vidéo, high-tech,<br />

textiles, gadgets ou jouets, capables de<br />

remplir à 100 % la capacité de son navire<br />

(1 632 conteneurs). Et démontrer ainsi à l’Europe<br />

que cette nouvelle voie maritime est<br />

possible et rentable. Des marques comme<br />

Pier Import (meubles exotiques), Décathlon<br />

ou la Fnac peuvent prospérer nettement plus<br />

vite. En 1992, quand la Chine s’ouvre au commerce<br />

international, la CMA CGM y installe<br />

illico trois nouveaux bureaux par mois<br />

jusqu’à devenir le premier armateur étranger<br />

M. ENGEL/GETTY IMAGES<br />

Pour optimiser le<br />

chargement d’un wagon,<br />

le capitaine Charles D. Kirk<br />

et son adjoint le lieutenant<br />

Walter T. Sheldon ont<br />

l’idée de découper la surface<br />

en carrés d’1,20 mètre<br />

de côté et de commander<br />

des emballages de même<br />

taille. Ils inventent ainsi<br />

la palette de manutention.<br />

La compagnie<br />

danoise Maerks, déjà<br />

propriétaire d’un<br />

chantier naval et de<br />

quelques cargos,<br />

achète son premier<br />

porte-conteneurs.<br />

Après le rachat de<br />

Sea-Land, la société<br />

fondée par Malcom<br />

McLean, puis de<br />

Royal P&O, elle assoit<br />

sa place de n° 1 du<br />

transport maritime.<br />

LYDIE/SIPA<br />

Ikea ouvre un magasin-test à Bobigny (93).<br />

Les Français découvrent la logistique du géant<br />

suédois : meubles en kit à monter soi-même.<br />

Bibliothèques, lits, chaises sont conçus pour<br />

être livrés en<br />

magasin dans<br />

des colis plats,<br />

pour réduire<br />

les coûts<br />

de transport.<br />

Le concept de<br />

l’enseigne : ne<br />

pas transporter<br />

du vide.<br />

Pour limiter l’afflux<br />

de magnétoscopes<br />

japonais, le gouvernement<br />

impose que<br />

les appareils passent<br />

en douane à Poitiers,<br />

loin des ports où<br />

ils sont débarqués,<br />

retardant leur arrivée<br />

en boutique. Cette<br />

nouvelle « bataille de<br />

Poitiers » ne suffira pas<br />

à sauver l’électronique<br />

européenne.<br />

1940 1974 1981 1982<br />

CLAUDE PARIS/AP/SIPA<br />

SEPTEMBRE <strong>2017</strong>

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!