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62 <strong>LG</strong><br />

SEPTEMBRE 2019<br />

ECONOMIE<br />

Le financement vert:<br />

une réelle opportunité<br />

pour le Luxembourg?<br />

Comment réconcilier capitalisme vert et économies alternatives? Quels sont les liens manquants<br />

entre l’industrie financière et les entreprises locales qui aspirent à des pratiques économiques<br />

plus durables? Le Dr Sabine Dörry, chercheuse associée au Luxembourg Institute of Socio-<br />

Economic Research (LISER), et Christian Schulz, professeur en géographie et aménagement<br />

du territoire à l’Université du Luxembourg, se sont donné pour objectif d’identifier les points<br />

d’intersection potentiels en analysant le profil de la finance verte luxembourgeoise.<br />

«Il y a tout d’abord un problème de<br />

définition, ou pour être plus précise, un<br />

problème de manque de définition»,<br />

explique le Dr Sabine Dörry. «La<br />

frontière entre les investissements<br />

durables et ceux dits normaux n’a pas<br />

encore été clairement établie. De plus,<br />

il y a une grande variété de stratégies<br />

d’investissement durable. Au sens large, la<br />

finance verte comprend les domaines ou<br />

projets d’investissement qui sont durables<br />

au regard de critères environnementaux,<br />

sociaux et de gouvernance (ESG). Mais<br />

de nombreux actifs verts sont encore<br />

gérés selon la logique d’une finance<br />

financiarisée. Ils se focalisent davantage sur<br />

la maximisation du profit économique que<br />

sur des investissements à portée sociale et<br />

environnementale. Encore plus ambitieuses<br />

sont les stratégies d’investissement à impact<br />

social (impact investing). Ici, l’objectif est<br />

d’investir uniquement dans des projets<br />

où l’impact environnemental et/ou social<br />

peut être mesuré. Comment comparer ces<br />

différentes approches d’investissement?<br />

Comment savoir dans quelle mesure ces<br />

investissements sont verts, durables et<br />

générateurs d’impact? Franchement, nous<br />

l’ignorons. C’est aux hommes politiques,<br />

à l’industrie, aux chercheurs et à la société<br />

civile de trouver une définition commune<br />

de la finance verte. Autant dire qu’il s’agit<br />

d’une tâche gigantesque!»<br />

Les centres financiers déconnectés de<br />

l’économie réelle<br />

Un autre aspect de cet enjeu fondamental<br />

est le fait que les centres financiers<br />

internationaux, dont le Luxembourg,<br />

restent la plupart du temps confinés<br />

dans le secteur financier et sont encore<br />

largement déconnectés de l’économie<br />

réelle. «Même s’ils occupent le même<br />

espace géographique, la finance globale<br />

et l’environnement économique local ne<br />

communiquent pas nécessairement entre<br />

eux», poursuit le Dr Sabine Dörry. «Les<br />

institutions financières préfèrent collaborer<br />

avec d’autres institutions financières<br />

dans les autres centres financiers. Nous<br />

cherchons précisément à analyser le degré<br />

de perméabilité entre ces deux unités<br />

géographiques, à savoir le global et le<br />

local: d’un côté, le centre financier en<br />

tant qu’importante plateforme de savoir<br />

financier et de l’autre, les environnements<br />

locaux et régionaux en recherche de<br />

financement pour rendre leurs économies<br />

plus durables et plus vertes».<br />

«Cela n’implique pas automatiquement<br />

que la finance verte doit être locale et<br />

à petite échelle», intervient Christian<br />

Schulz. «Les économies régionales sont<br />

tellement diverses que même si les acteurs<br />

économiques parviennent à harmoniser la<br />

définition de la finance verte, ils devront<br />

adapter leurs stratégies pour combler les<br />

besoins de financement de chaque région<br />

ou communauté. Imaginez un investisseur<br />

institutionnel qui cherche à investir dans<br />

un ambitieux projet de reforestation mais<br />

ignore totalement son impact sur la région<br />

et sa communauté. A première vue, le projet<br />

semble prometteur. Pourtant, à y regarder<br />

de plus près, ce projet de reforestation<br />

pourrait chasser de leurs terres les petits<br />

fermiers du coin. Aussi longtemps que<br />

l’industrie financière persiste dans sa<br />

logique du rendement le plus élevé à tout<br />

prix, il y aura toujours le risque que tous les<br />

rendements ne soient pas durables dans le<br />

vrai sens du terme. La grandeur d’échelle<br />

pourrait également poser un problème.<br />

Les investisseurs privés, qui possèdent<br />

d’énormes portefeuilles d’actifs bloqués<br />

(stranded assets) [1] et représentant des<br />

milliards de dollars, sont de plus en plus<br />

incités à se désinvestir des énergies fossiles<br />

au profit d’investissements verts mais l’offre<br />

de projets durables à grande échelle est trop<br />

limitée pour répondre à cette importante<br />

demande».<br />

“Le Luxembourg<br />

a pris des mesures<br />

décisives en faveur<br />

de la finance verte<br />

mais certaines<br />

initiatives<br />

restent encore<br />

déconnectées”<br />

Une industrie naissante encore trop<br />

fragmentée<br />

«Cette fragmentation de l’industrie<br />

financière verte est compréhensible et<br />

normale à ce stade», observe le Dr Sabine<br />

Dörry. «C’est un nouveau secteur et<br />

nos sociétés sont dans un processus de<br />

transition. Le Luxembourg est à cet égard<br />

un banc d’essai idéal pour observer et<br />

analyser l’élaboration et la modification des<br />

structures financières, modèles et stratégies<br />

politiques et économiques durables. Le<br />

pays a pris des mesures décisives visant à

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