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254 LES RELA TIONS DES JJ^SUITES [Vol. 44
qu'il demandoit, pour le rendre plus heureux au
Ciel. Pourquoy en ferois-ie trifle? On m'a rap-
[porjte (adioutoit cette femme) que pendant le chemin,
qui dura bien vn mois, il chantoit des prieres, il
encourageoit ceux qui eftoient pris auec luy, leur
parlant du Ciel, comme s'il euffc deOa veu la porte
ouuerte pour y entrer. Lors qu'on le brufloit, iamais
il ne s'6tonna, fa veue efloit le plus fouuent au Ciel.
II fit paroiftre tant de ioie, que les ennemis mefmes
difoient, que la foy donnoit du courage, & oftoit la
crainte & la douleur des tourmens. On offrit beau-
mais iamais
coup de prefens, pour luy fauuer la vie ;
les Iroquois ne les voulurent accepter. Qui fouffre
faintement, porte k Dieu les prefens en fa main.
[87] On a d6couuert des Sauuages Chreftiens, porter
la nuit du bois ^ la porte de quelques pauures gens,
qui n'en pouuoient faire, cherchant les tenebres pour
cacber leur charite. D'autres aiant commis quelque
offenfe, apr6s auoir demand^ pardon h. Dieu, & ne fe
pouuant confeffer, dautant qu'ils eftoient k la chafle
dans leurs grands bois, attachoient aux branches des
arbres quelques brins de porcelaine, ou quelque autre
chofe qu'ils aimoient, comme vne marque de leurs
regrets, & de la fatisfadtion qu'ils faifoient de leurs
pechez, donnant ces petits prefens, pour I'amour de
noftre Seigneur, aux pauures qui pafferoient par 1^.
On demanda vn iour k vn Sauuage, qui efloit fouuent
& long-temps ^ genoux pendant la nuit, s'il
prioit beaucoup le bon Dieu. Non, dit-il, pource que
ie ne fgay pas ce qu'il luy faut dire. le fay les
prieres qu'on m'a apprifes, tous les foirs, & tous les
matins; mais cela eft bien-toft fait: le refte du
temps, ie penfe k luy, & ie luy dis: Si ie fgauois ce