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280 LES RELA TIONS DES /^SUITES [Vol. 44
Europeans &
de bien boire :
ce bon homme voulant
monftrer la force de fon courage, s'efforgoit de faire
bonne mine ;
mais
les larmes le trahilToient : il ferroit
les dents, & les leures tant qu'il pouuoit. Enfin, le
peu de bonne mine, & de contenance qu'il auoit, luy
6cliappa, & demeura bien etonn6 de la force de cette
boiiillie iaune, comme il I'appelloit. Pour conclu-
fion, on luy enfeigna comme il falloit manger de la
moutarde: mais il n'a iamaisreduit en pratique cette
legon, fe contentant de cette premiere experience
pour le refte de fes iours. Les faulces, les ragoufls,
les faupiquets, [107] qui font les delices des friands,
feroient icy vn petit enfer au gofier des Sauuages.
Encore qu'ils aient le cuir plus tendre, & plus
delicat que les Frangois, fi on en croit aux lancettes,
& a la main des Chirurgiens, qui attribuent cette
delicatefTe aux builes, & aux greffes dont ils foignent,
& dont ils fe frottent: H efl-ce que ces bonnes gens
n'ont point la moleffe, ny la delicatefTe de nos Euro-
peans. Ils trouuent le fommeil plus doux fur vn lit
de terre, & fur vn cheuet de bois, que plufieurs per-
fonnes fur le duuet. II eft vray que 1' habitude fait
que le tad: rebutte la trop grande molefle, trouuant
fon plaillr, & fa fatisfadtion dans des cbofes plus
dures & plus afpres. Fay connu des Peres, qui ne
pouuoient prendre leur fommeil fur vn lit, pour
s'eflre accouftumez h. dormir comme les Sauuages:
fi on leur prefentoit, au retour de leur Miffion, vne
paillaffe, ou vn matelas, ils 6toient contraints, iufqu'k
ce qu'ils eulTent repris leur premiere habitude, de
palTer vne partie de la nuit fur le [108] pau6 de la
chambre, pour dormir vn peu de temps plus k leur
aife. En vn mot, les Sauuages font quafi demy-nuds,