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274 LES RELATIONS DES /^SUITES [Vol.44
qui eftoit vn Samedy, la voiant fur les approches de
fa fin, luy dit ; Ma cliere Soeur, defirez-vous proferer
lesvoeux? Alors noftre innocente agonizante, comme
fe r^ueillant, dit auec : empreffement Ah, que i'ay
de paffion pour ce priuilege. Ce qui obligea la Mere,
de les luy faire prononcer, & au mefme inftant elle
tomba en I'agonie. Noflre Communaut6 aiant efte
appellee, elle la voioit auec admiration, former mille
colloques amoureux a N. Seigneur, priant ac5tuellement
pour Madame la [102] DuchefTe d'Eguillon,
noftre cliere & illuftre Fondatrice, & pour la conuer-
fion de ceux de fa Nation. Enfin cette ame angelique
quitta
la terre dans ce faint Exercice : rendant fon
efprit a celuy qui ne I'auoit cree que pour luy.
Elle
eftoit de fort belle taille, «& bien agreable de vifage,
d'vn naturel excellent', & d'vn efprit au deffus du
commun, non feulement des Sauuages, mais auffi des
Frangois. Noflre confolation eft, de polTeder en
depoft, parmy celuy de nos autres Religieufes deced6es
en la Nouuelle France, le corps de cette petite
Colombe, dont nous nous glorifions d'eftre les depofitaires,
comme d'vn riche trefor. Tous les Sauuages
vinrent, comme k I'enuie, auec vne ioie nompareille,
pour la voir inhumer dans noftre faint habit : ce qui
les rauiffoit, parce qu'elle paroifToit auec vne beaut6
charmante. Tant il eft vray que la mort des iuftes
eft precieufe en toutes fagons. Voila en verity vne
mort bien fainte, & bien precieufe deuant Dieu.
Mais changeons de difcours. Le Chapitre qui fuit,
venu a la trauerfe, [103] nous fera voir, auec vne
gaiet6, & vne naifuete bien naturelle, que les Sauuages
font quafi nos Antipodes en leurs fagons de
faire.