journal of european integration history revue d'histoire de l ...
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Book reviews – Comptes rendus – Buchbesprechungen<br />
ner Monnet avec lui? Duchêne croit que Monnet n’a pas eu confiance en <strong>de</strong> Gaulle qu’il<br />
trouvait ambitieux, voire dangereux.<br />
Monnet a-t-il été l’auteur du Victory programme américain du 6 janvier 1942? Monnet y<br />
a contribué selon <strong>de</strong>s modalités encore mal éclaircies. Il gagna, en tant que co-responsable<br />
du British Supply Council, la confiance <strong>de</strong>s Américains.<br />
Monnet fut l’émissaire <strong>de</strong> Roosevelt à Alger en 1943, peut-être aussi le troisième homme<br />
du Comité <strong>de</strong> libération nationale aux côtés <strong>de</strong> Giraud et <strong>de</strong> <strong>de</strong> Gaulle. Mais Monnet a finalement<br />
ignoré les intentions <strong>de</strong> Roosevelt. Il a forcé Giraud à prononcer sa rupture avec<br />
Vichy, le 14 mars 1943. Il s’est appuyé sur la loi Treveneuc (IIIe République) permettant<br />
aux conseillers généraux <strong>de</strong>s territoires non occupés <strong>de</strong> former un gouvernement provisoire<br />
pour fon<strong>de</strong>r sur la légalité républicaine l’action <strong>de</strong> <strong>de</strong> Gaulle. Quant à faire <strong>de</strong> Monnet le<br />
rival <strong>de</strong> <strong>de</strong> Gaulle, on doit en douter. Duchêne insiste sur l’indépendance d’esprit fondamentale<br />
<strong>de</strong> Monnet. Les faits lui donnent raison. Mais n’en paya-t-il pas le prix? Monnet ne<br />
réussit pas à faire reconnaître par les Etats-Unis le Comité français <strong>de</strong> libération nationale<br />
(CFLN) comme gouvernement provisoire <strong>de</strong> la France et à faire admettre rapi<strong>de</strong>ment la<br />
France au prêt-bail (28 février 1945!). Monnet soutint aussi les Américains dans l’affaire <strong>de</strong><br />
la “ fausse monnaie ” <strong>de</strong>stinée aux troupes américaines en Normandie. Pourtant <strong>de</strong> Gaulle<br />
ne se priva pas <strong>de</strong> Monnet chargé d’assurer le ravitaillement <strong>de</strong> la France libérée à la fin <strong>de</strong><br />
la guerre. Duchêne estime que Monnet convainquit <strong>de</strong> Gaulle <strong>de</strong> libérer les ports français<br />
encore tenus par les Allemands.<br />
Le plan <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation est-il la conséquence <strong>de</strong> la soif <strong>de</strong> dollars comme Duchêne<br />
le dit? L’explication est insatisfaisante car les historiens français ont montré les liens<br />
entre reconstruction, planification et mouvement long <strong>de</strong>s mentalités. La Commission<br />
du Bilan national dont Monnet et Uri étaient si fiers est née d’une idée d’Edward Bernstein,<br />
économiste américain du FMI. Mais l’auteur, limité aux sources anglo-saxonnes, oublie<br />
les responsabilités prises par Paul Ramadier, chef du gouvernement. La volonté <strong>de</strong> lutter<br />
contre l’inflation n’est pas uniquement d’inspiration américaine. René Mayer en janvier<br />
1948 s’est attaqué au mal en remettant <strong>de</strong> l’ordre dans la monnaie française. L’auteur<br />
surestime les pressions américaines sur le gouvernement Queuille à l’automne 1948. De<br />
même, la critique <strong>de</strong> la IVe République tourne à l’obsession (p. 173 et 178); il convient<br />
<strong>de</strong> reconnaître que la IVe République a été capable <strong>de</strong> poursuivre <strong>de</strong>s buts à long terme.<br />
Elle a permis à Monnet <strong>de</strong> conduire la mo<strong>de</strong>rnisation du pays, d’ouvrir l’économie sur<br />
l’extérieur et <strong>de</strong> bâtir <strong>de</strong>s institutions européennes, en dépit <strong>de</strong>s erreurs dramatiques,<br />
d’ordre institutionnel et colonial, du régime. Le Plan, d’après Duchêne, aurait contribué<br />
à faire émerger la notion d’expansion dans les esprits. Ne peut-on pas penser, a contrario,<br />
que le Plan a été imaginé parce que ces dispositions d’esprit existaient au sein <strong>de</strong> la<br />
Résistance? La lecture <strong>de</strong> l’ouvrage <strong>de</strong> François Duchêne renforce l’idée que la position<br />
française en faveur d’une Organisation européenne <strong>de</strong> coopération économique<br />
(OECE), forte et permanente, venait <strong>de</strong> Monnet. Mais il faut ajouter qu’elle était partagée<br />
par la classe politique française, à condition que cette organisation soit conduite par<br />
la France et la Gran<strong>de</strong>-Bretagne. Monnet ne réussit pas. L’OECE fut une organisation<br />
intergouvernementale.<br />
Monnet, si pragmatique, avait-il déjà l’idée du plan Schuman dès 1941? Nous en doutons.<br />
Le projet d’août 1943 est très loin <strong>de</strong> celui du 9 mai 1950. La vérité, qui est la gran<strong>de</strong>ur<br />
<strong>de</strong> Monnet, est qu’il avait décidé, contre <strong>de</strong> Gaulle ou Morgenthau, <strong>de</strong> traiter l’Allemagne<br />
à égalité avec les autres nations. L’absence <strong>de</strong> Monnet au Congrès <strong>de</strong> la Haye <strong>de</strong><br />
mai 1948 est soulignée. Duchêne n’en donne pas une raison claire. Mais pourquoi y<br />
aurait-il été? Monnet n’était pas alors un fervent partisan <strong>de</strong> la fédération ou <strong>de</strong> la confédération<br />
européenne. L’auteur nous incite justement à mettre en rapport le succès du plan<br />
Schuman et la position délicate <strong>de</strong> la France sur le problème allemand. Le projet <strong>de</strong> Monnet<br />
<strong>de</strong> Haute Autorité est lié à la recherche <strong>de</strong> la paix en Europe plus qu’à la construction