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Book reviews – Comptes rendus – Buchbesprechungen 107
de l’unité européenne. Mais pourquoi Schuman a-t-il pu convaincre si aisément le conseil
des ministres d’accepter des délégations de souveraineté? La surprise a joué, l’urgence, le
facteur personnel aussi. Cette république offrait décidément des opportunités d’action.
Duchêne montre que les Etats-Unis ont été constamment présents dans les négociations
du traité de la CECA. Il y eut un véritable front franco-américain pour décartelliser la
Ruhr. Mais alors, pourquoi Monnet a-t-il accepté de nouvelles fusions dans la Ruhr (p.
249)? Monnet a accepté la CED alors qu’il n’y croyait pas (p. 231). Certes! l’idée d’une
défense européenne était dans l’air au Conseil de Europe. La guerre de Corée a été un facteur
déclenchant.
Le succès du plan Schuman conduit Duchêne à écrire que la Haute Autorité fut le premier
gouvernement de l’Europe (p. 235), au moins symboliquement. Mais la réalité est plus
terne. Le plan Schuman a fusionné des marchés. Il n’a pas vraiment popularisé le fédéralisme.
L’échec de la CED, l’arrivée au pouvoir de Mendès France écartent Monnet des rives
du pouvoir en France. Cette période clôt un cycle commencé en 1938 où Monnet était très
proche des milieux décisionnels français. Est-ce la fin de son influence?
Après sa démission de la présidence de la Haute Autorité du charbon et de l’acier annoncée
le 11 novembre 1954, Monnet tente avec Spaak de relancer l’Europe. Il évoque seulement
une communauté de l’énergie et des transports. Duchêne confirme que Monnet a tenté
le 21 mai 1955 de reprendre sa démission de président de la Haute Autorité pour diriger la
conférence intergouvernementale de la Relance. En vain. Duchêne rédige un long paragraphe
sur Euratom, l’enfant du Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe et ne dit rien sur
le marché unique. Qu’en pensait alors Monnet? L’Euratom de Guy Mollet et des Français
n’est pas l’Euratom de Jean Monnet. Monnet a été isolé à partir de février 1956 dans cette
négociation, beaucoup plus que Duchêne veut bien le dire. Il a été lâché par Dulles. L’entente
euro-américaine pour la fourniture d’U 235, une idée de Monnet, cache mal son échec.
L’absence de Monnet aux cérémonies de signature des traités de Rome, le 25 mars 1957,
illustre dramatiquement ce retrait.
L’auteur parle évidemment des relations entre Monnet et de Gaulle. Monnet fut parfois
moins critique à son égard que les autres membres du Comité d’action. Monnet ne put faire
de l’OCDE l’instrument de la gestion économique commune du monde occidental. Kennedy
s’est souvent référé à Monnet qui l’a peut-être influencé par l’intermédiaire de son ami
George Ball, alors sous-secrétaire d’Etat. Les idées d’un partenariat atlantique venaient de
Monnet et de Ball. Ce partenariat, constate Duchêne, était une conséquence logique des rapports
euro-américains depuis 1945. Monnet l’acceptait, mais pas de Gaulle ni l’ensemble du
peuple français.
L’auteur manifeste de vives critiques contre de Gaulle, un nationaliste. Mais les Allemands
du temps d’Adenauer ont manifesté d’eux-mêmes leur nationalisme sans avoir été
contaminés par de Gaulle. Parler de foules allemandes intoxiquées par la réconciliation
franco-allemande relève du parti pris (p. 330). De Gaulle a achevé ce qui avait été entrepris
par Monnet et Schuman en mai 1950. N’était-ce pas une bonne chose? A partir de janvier
1963 Monnet prend des positions toujours différentes de de Gaulle sur le traité franco-allemand,
la force multilatérale de l’Otan, l’adhésion de la Grande-Bretagne, la gestion d’Euratom,
la politique de la chaise vide en 1965. Les résistances de de Gaulle ont signifié la perte
rapide d’influence de Monnet à Paris.
Duchêne présente avec perspicacité et émotion parfois une personnalité hors du commun.
Il lie l’originalité de Monnet à son milieu charentais (p. 346), mais aussi à sa propre individualité.
Où est la vérité? Il y a un mystère Monnet en raison de son rôle pour la paix. Monnet
n’a jamais voulu, semble-t-il, exercer son action par les masses. N’était-ce pas une
erreur, lui qui voulait transformer le présent? Il a sous-estimé la force de l’Etat-nation, en
France et en Grande-Bretagne. Monnet a su donner à la France et à l’Europe des raisons de
dépasser les nationalismes ravageurs. Il s’est inspiré des Etats-Unis sachant bien qu’il ne