Pour - Revue des sciences sociales

La ville du Moyen-Age
à la fin de la Renaissance
La société urbaine, du Moyen-Age à la fin
de la Renaissance, constitue une unité autonome
structurée par des modes de production
non-agricoles. Les métiers s'organisent en
corporations et les échanges s'ordonnent
autour de villes-marchés. Dans ce contexte
historique et institutionnel, la fête carnava-
Affiche du Carnaval des Voyous, 1974,
lesque apparaît comme l'expression d'une
culture populaire qui s'oppose, au cours
d'une période limitée, à la culture dominante
caractérisée par sa rigidité et l'importance
du facteur religieux.
La fête carnavalesque est fondé sur la
dérision, le quolibet et la transe. Elle exhibe,
de façon grotesque, les étapes de la vie
humaine ; la gestation et la mort sont des
thèmes récurrents. Carnaval parle une
langue particulière, «caractérisée par toutes
les formes de rabaissements et de parodies
» (3) . Le parler du carnaval véhicule les
thèmes refoulés par la langue officielle, en
particulier les injures et des images précises
ou grossières ayant trait à la vie du corps.
La ville préindusthelle
et la société urbanisée
Dans la ville préindustrielle et dans la
société urbanisée qui lui succède, «les principes
moteurs du développement et les systèmes
régulateurs de l'activité économique
et sociale ne sont plus centrés sur la ville en
tant que telle, mais directement sur le système
industriel supra-urbain et sur le système
étatique » (4) . La ville est alors le lieu et
le moyen de l'intégration dans l'état-nation
et dans la société globale. Dans le même
temps, la violence populaire est canalisée
par les partis politiques et par les organisations
syndicales.
La société urbanisée a favorisé un carnaval
spectaculaire qui se déroule devant une
foule passive. La date et le scénario du carnaval
restent cependant disponibles pour la
contestation sociale. Alors que le carnaval
urbain offre des prétextes de passage à
l'acte, il n'a jamais déclenché de mouvement
social structuré' 5 '.
En Alsace, la fête carnavalesque urbaine
connaît une évolution particulière, liée à
la position frontalière de la région et à ses
rattachements successifs à deux étatsnations.
Après la Révolution Française, le
carnaval urbain disparaît avec la dissolution
des corporations qui construisaient les chars
et organisaient les cortèges à travers la ville.
Dans le même temps, la fête carnavalesque
se maintient dans les pays rhénans.
Le carnaval des Allemands
Lors de l'annexion de 1870, les Allemands,
désireux de faire revivre la culture
Revue des Sciences Sociales de la France de l'Est, 1994 41