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Pour - Revue des sciences sociales

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de l'Empire. Guillaume II lui-même ne<br />

vient jamais en Alsace-Lorraine qu'en uniforme.<br />

Il se présente aux populations en<br />

costume de garde de corps à cuirasse noire<br />

et casque d'argent, en hussard rouge de<br />

Postdam, entouré de son état-major.<br />

A l'occasion de ces visites toute la garnison<br />

est mobilisée, 16.000 hommes, et la fête<br />

comporte toujours <strong>des</strong> manoeuvres et revues<br />

au terrain militaire du Polygone. En ville, les<br />

différentes armes participent aux manifestations<br />

qui se structurent autour <strong>des</strong> défilés.<br />

Ainsi en 1911, lors de l'inauguration de la<br />

statue de Guillaume I er , «pénètrent dans<br />

l'enceinte les vingt-trois drapeaux et étendards<br />

de la garnison, flottant au vent : rouges,<br />

bleus, verts, noirs qui se rangent <strong>des</strong> deux<br />

côtés de la statue» (R. Henry, 1925, p. 256).<br />

Les autorités civiles sont là aussi, en uniforme,<br />

embrigadées et bénéficiant d'un jour de<br />

congé, de même que le corps enseignant.<br />

«En tête march[e] le Rector Magnificus, une<br />

chaîne d'or se balanc[e] sur sa poitrine»<br />

(R. Redslob, 1958, p. 14); puis les corporations<br />

d'étudiants, aussi en uniformes mais<br />

vêtues de fantaisies romantico-médiévales.<br />

«[...] bonnets de toutes formes, [...] casquettes<br />

de toutes couleurs, [...] gants à crispin,<br />

[...] rapières traînant sur le sol. Chaque<br />

corporation [est] précédée de sa bannière,<br />

portée par un étudiant affublé d'un costume<br />

ridicule». Et le Général Taufflieb (1934, p.<br />

84) de conclure : «Je croyais voir la parade<br />

du Petit Faust». R. Henry (1925, p. 256)<br />

décrit aussi en d'autres occasions «cette<br />

cavalcade moyenâgeuse, ces costumes bleu<br />

pâle, rose, jaune blanc, aux gran<strong>des</strong> panaches,<br />

aux lour<strong>des</strong> bottes éperonnées, aux longues<br />

rapières, aux drapeaux multicolores » (10) .<br />

Les enfants <strong>des</strong> écoles, en congé, sont<br />

réquisitionnés. Cinq cents d'entre eux chantent<br />

au palais impérial lors de son inauguration.<br />

En 1911, pour la cérémonie précédemment<br />

citée, 14.000 enfants sont embrigadés<br />

et rangés dans l'espace circulaire qui entoure<br />

le jardin central. Des répétitions d'enthousiasme<br />

ont eu lieu la veille et l'avantveille.<br />

Par ailleurs «La ville est maigrement<br />

pavoisée par les immigrés et par ceux qui<br />

sont contraints de le faire : aubergistes, fournisseurs,<br />

administrations. Les autochtones<br />

s'en abstiennent» (Ritleng, 1973, p. 48).<br />

Au début la foule manifeste son opposition.<br />

En 1872, lors de l'inauguration de<br />

l'université «les étudiants allemands [sont]<br />

accueillis par <strong>des</strong> sifflets» (W. Wiegand,<br />

1926, p. 57) et «le soir, quand leur retraite<br />

aux flambeaux pass[e] sur la place Gutenberg,<br />

quelques coups de sifflet retenti[ssent]<br />

dans la foule» (A. Hallays, p. 250). Puis<br />

l'opinion est gagnée. En 1889 l'empereur<br />

est accueilli par <strong>des</strong> vivats et le peuple chante<br />

le «Wacht am Rhein» quand il apparaît<br />

au balcon du palais. Les photos de l'époque<br />

montrent à chaque fois une population<br />

dense, compacte, au moins curieuse, qui<br />

assiste au spectacle.<br />

Les lieux symboliques<br />

Au début, ces fêtes officielles essayent<br />

de renouer avec la tradition de la ville impériale<br />

du Moyen-Age et d'effacer ainsi la<br />

période française. L'inauguration de l'université<br />

le 1 er<br />

mai 1872 a lieu bien sûr dans<br />

la cour du palais <strong>des</strong> princes-évêques de<br />

Rohan, où elle se trouve provisoirement installée,<br />

mais aussi près de la cathédrale. Sur<br />

la tribune officielle apparaît déjà une statuaire<br />

symbolique ; les bustes de l'empereur<br />

Ferdinand II (qui créa la première université<br />

le 1 er mai 1621) et de Guillaume 1 er fondateur,<br />

250 après, de celle que l'on fête. Il<br />

s'agit ainsi de renouer avec la tradition germanique.<br />

La retraite aux flambeaux (U)<br />

se<br />

déroule sur l'ancienne place de l'hôtel de<br />

Une fête anniversaire de l'empereur devant le palais impérial- 1872.<br />

Archives de l'atelier Garabin.<br />

ville où fut érigée en 1840 une statue de<br />

Gutenberg.<br />

Puis on édifie une aire de parade, en relation<br />

avec les éléments majeurs de la symbolique<br />

impériale. Au centre de leurs places<br />

circulaires, deux palais se font face (le<br />

palais impérial et le palais universitaire) liés<br />

entre eux par une large avenue (l'avenue<br />

Empereur-Guillaume) bordée d'immeubles<br />

de luxe dont les terrasses en entresol permettent<br />

aux dames de jouir du spectacle.<br />

<strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Sociales de la France de l'Est, 1994 14

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