Pour - Revue des sciences sociales

Enfin, tout cela ne pourrait se réaliser
sans l'initiative de quelqu'un d'exceptionnel,
digne d'être choisi par Dieu, et suffisamment
« initié » pour pouvoir comprendre
et expliquer les voix surnaturelles. Cette
personne devra être dotée d'une force de
caractère telle qu'elle pourra subjuguer les
foules, rassembler et convaincre; un «prophète»
en somme.
Le sens de la souffrance
Les «initiés» se mobilisent pour apporter
un sens aux souffrances que les pèlerins et le
monde entier endurent quotidiennement, et
élaborent un scénario apocalyptique qui met
en scène le concept de sacrifice.
La souffrance qui pèse sur le monde est
le fruit d'un désordre et de la transgression
d'un interdit. Elle est la manifestation du
mal qui s'est introduit dans un ordre divin.
Et ce mal a réussi à s'introduire grâce à la
complicité des hommes, qui se sont détournés
des lois originelles. Leur déviance
entraîne obligatoirement un désordre social
qui affecte l'ensemble de l'univers.
La souffrance est une punition qui se
focalise d'abord sur une victime innocente,
mais qui est destinée à l'ensemble de la collectivité.
Le sujet éprouve de la culpabilité
au regard de ce qui est considéré comme un
châtiment mérité. Vu sous l'angle de la religion
catholique, l'infidèle est en état de
péché. Ce qu'on attend de lui, c'est qu'il
éprouve de la culpabilité et du remords. Ce
châtiment est considéré comme mérité, ce
qui signifie que la notion de justice intervient.
La souffrance infligée est forcément
juste, puisqu'elle est approuvée par Dieu.
On la mérite et de ce fait on en est responsable.
Souvenir de Notre Dame de Neufbois.
Lithographie de Huber Aaberer de
Strasbourg, conservée au Cabinet des
Estampes à Strasbourg
Revue des Sciences Sociales de la France de l'Est, 1994 102