Pour - Revue des sciences sociales

PASCAL HINTERMEYER • JACQUELINE IGERSHEIM
Les jeunes
face au sida
Comment les jeunes
perçoivent-ils le sida et ceux
qui en sont atteints? Qu'en
savent-ils exactement? Que
font-ils pour s'en protéger?
Comment jugent-ils les
messages qui leur sont
adressés à ce sujet? Intègrentils
ce risque nouveau dans leur
vie relationnelle et intime?
Leurs rapports aux autres s'en
trouvent-ils modifiés? Telles
sont quelques unes des
questions auxquelles nous
nous sommes efforcés de
répondre à travers plusieurs
enquêtes menées depuis le
début des années 1990
auprès des jeunes
du Bas-Rhin.
Pascal Hintermeyer » Jacqueline Igersheim
Faculté des sciences sociales
La première enquête a été effectuée
début 1990 sur un échantillon de
600 personnes représentatif de la
population des 15-24 ans. Elle se fixait pour
but d'analyser les comportements
différentiels et les représentations des jeunes
à l'égard du sida et, en particulier, leur
réceptivité aux campagnes de prévention.
Nous nous sommes rendus compte que le sida
avait frappé leur sensibilité. Ils en parlaient
comme d'une maladie terrible, mortelle,
incurable, une sorte de peste des temps
modernes. Ils souhaitaient être mieux
informés et étaient assez critiques par rapport
aux campagnes de prévention et aux
messages qu'elles leur délivraient. En
particulier, s'ils ne mettaient pas en doute
l'efficacité du préservatif dans la lutte contre
le sida, ils exprimaient de fortes réticences
à l'utiliser et leur intention d'y recourir s'ils
avaient un partenaire occasionnel relevait plus
du voeux pieux que de la réalité. Pour saisir
plus précisément leur point de vue, nous
avons complété le traitement des questionnaires
par des entretiens conduits au
printemps 1991 auprès de 150 personnes qui
faisaient partie de notre échantillon initial.
L'analyse de contenu que nous en avons
effectuée nous a permis de relever bien des
contradictions dans le discours des jeunes sur
le sida. Pour en rester à l'exemple du
préservatif, nos interlocuteurs étaient tout
prêts à convenir de son intérêt, en général,
pour éviter la transmission du virus mais,
lorsqu'on leur demandait s'ils l'avaient
utilisé effectivement, ils trouvaient toutes
sortes de bonnes raisons pour se dispenser
eux-mêmes d'une règle qu'ils préconisaient
pour les autres. De tels décalages et paradoxes
sont présentés dans un ouvrage qui rend
compte de ces enquêtes quantitatives et
qualitatives
Au cours de notre recherche sur les jeunes
face au sida, il nous a semblé que les mentalités
et les conduites à ce sujet étaient en train
de changer et que la rapidité de cette évolution
était étroitement liée à des facteurs
contextuels tels que l'expérience sexuelle
passée et présente ou l'attitude face aux
risques de l'existence. C'est pour appréhender
cette évolution et certaines de ses corrélations
que nous avons lancé, au printemps
93, une nouvelle enquête portant plus
spécifiquement sur les comportements
sexuels des jeunes.
Dès à présent nous pouvons présenter
deux types de résultats. D'une part, nous
avons posé dans les enquêtes de 90 et 93 des
questions identiques ou analogues qui nous
permettent de procéder à des comparaisons
afin de mettre en évidence des changements
intervenus entre ces deux dates dans les
représentations et les comportements des
jeunes par rapport au sida. D'autre part,
l'enquête la plus récente nous permet de
préciser certains aspects importants de ces
modifications, en particulier ceux qui ont
trait à la sexualité.
Revue des Sciences Sociales de la France de l'Est, 1994 114