Pour - Revue des sciences sociales

«gefälligst» (un «s'il vous plaît» dit sur un
ton exigeant), la forme «gefällig» (aimable,
qui vient au devant de vos désirs) est
comme une chute à l'intérieur du mot, du
superlatif à la forme simple.
Ainsi, si l'on met en rapport le début et
la fin du texte, on tombe du nuage de rêve
d'une aube rouge, d'une apocalypse rêvée,
du fameux «cri» expressionniste, au cri
timide du poète-publicitaire qui désire placer
sa marchandise ou se vendre. Chute,
détente, humour dans tout le texte, mais
atmosphère noire, avec cette anti-aube nouvelle...
On aura noté que l'humour advient par
un traitement du texte finalement assez
moderne puisque la technique du collage
connaît un regain de faveur avec les
machines de traitement de texte, les procédés
sont ceux du découper-coller-insérer. A
la différence près que, pour Arp, le papier
est une matière qui vit - souvenons-nous des
blessures dont il est question ! -, comme la
pierre ou la plante, comme les textes, les
phrases et les mots qu'il (mal-) traite. Arp
dira de ces poésies qu'« elles ne sont pas
seulement des écritures automatiques, elles
préparent déjà mes papiers déchirés, dans
lesquels j'ai laissé jouer librement la «réalité
» et le « hasard ». En déchirant un papier
ou un dessin, on y fait entrer ce qui est
l'essence même de la vie et de la mort. » (27)
S'agit-il dans Weltwunder d'une anticipation
«par hasard» de toute une série de
motifs et de procédés poétiques ? Et ces procédés
sont-ils bien sérieux ?
Hans Arp nous donne quelques indications
sur sa façon de faire, sa poétique, dans
une petite introduction à Weltwunder.
Nous y apprenons que le poème originel
était simplement constitué des mots en italique
: «Des mots, des slogans, des phrases
que je choisissais dans des quotidiens et
plus précisément dans les annonces, voilà
ce qui constituait en 1917 la base de mes
poèmes. Souvent je déterminais ainsi, les
yeux fermés, des mots et des phrases dans
des journaux en les marquant au crayon.
C'est ainsi qu'est né Weltwunder, loin du
pathos expressionniste. » La première version
est de 1917, le texte définitif de 1945 :
«... bien des années plus tard, j'ai continué
à développer ce poème par des interpolations.
Sans toucher à la séquence initiale des
mots j'ai inséré soigneusement mes propres
mots.» A propos d'autres poèmes, baptisés
Arpades, il écrit ceci : «Nous pensions qu'à
travers les choses nous pouvions pénétrer
l'essence de la vie; c'est pour cela qu'une
phrase lue dans un quotidien pouvait nous
émouvoir autant qu'une phrase d'un grand
poète. »
On hésite : faut-il prendre cela au premier
degré? L'humour rend ambigu tout ce
qu'il touche...
L'humour du monde
Ses cibles sont nombreuses et variées.
- la famille, souvent, dans la bonne tradition
surréaliste: «vous voyez donc
qu'on ne consomme monsieur son père
que tranche par tranche... »