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Revue des sciences sociales

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194<br />

LU, À LIRE<br />

195<br />

antisémites banals ou orduriers qui provoquent<br />

<strong>des</strong> actes de malveillance de la part<br />

de la population. On assiste même à<br />

Strasbourg, le 24 septembre 1938, à un<br />

début de pogrom. Face à cet état d’esprit, la<br />

présence de Léon Blum à la présidence du<br />

Conseil sera ressentie par les juifs alsaciens<br />

comme une maladresse et une menace.<br />

L’antisémitisme d’état, programmé, atteint<br />

les sommets de l’horreur au camp<br />

d’Ecrouves, en Meurthe et Moselle décrit par<br />

Françoise Job, qui, s’il ne fut pas l’un <strong>des</strong><br />

pires, rappelle les plus sombres moments<br />

vécus par la communauté juive de l’est de la<br />

France.<br />

Enfin Freddy Raphaël et Geneviève<br />

Herberich-Marx, dans une biographie<br />

lyrique de l’écrivain Yvan Goll, poète<br />

d’expression allemande, française et<br />

anglaise, né en Alsace mais ayant vécu à<br />

Paris, Zurich et New-York, témoignent pour<br />

cette communauté de l’exil en terre alsacienne,<br />

mais aussi pour une culture universelle.<br />

Marie-Noële DENIS<br />

IDENTIT S INDIVIDUELLES,<br />

IDENTIT S COLLECTIVES<br />

CULTURES ET SOCIÉTÉS, HIVER 1996,<br />

NUMÉRO 8, CAHIERS DU CEMRIC,<br />

STRASBOURG, U.S.H.S., 67 P.<br />

Cette livraison de Cultures et Sociétés rassemble<br />

quelques-unes <strong>des</strong> communications<br />

présentées à une journée d’étu<strong>des</strong> du<br />

Centre d’Étu<strong>des</strong> <strong>des</strong> Migrations et <strong>des</strong><br />

Relations Inter-Culturelles (CEMRIC) sur<br />

«Identités individuelles, identités collectives<br />

dans les relations interculturelles ».<br />

Sur le thème très débattu de l’identité, l’originalité<br />

de la démarche consiste ici à étudier,<br />

sous différents angles, les aspects collectifs<br />

et individuels de l’identité. En<br />

étudiant les « imaginaires racistes du<br />

corps », David Le Breton montre ainsi très<br />

bien comment le corps fantasmatique de la<br />

race ne laisse pas place à la reconnaissance<br />

<strong>des</strong> identités individuelles. Anne-Marie<br />

Sahli, quant à elle, analyse sous l’angle de<br />

la variable Français/Étranger, le marché<br />

matrimonial strasbourgeois en 1990 : la<br />

nationalité et le lieu de naissance marquent<br />

fortement la composition <strong>des</strong> couples, mais<br />

la liberté, dans le choix du conjoint comme<br />

dans d’autres domaines, ne s’exerce-t-elle<br />

pas toujours dans le cadre d’un certain<br />

nombre de déterminations ?<br />

Dans l’analyse <strong>des</strong> « dimensions identitaires<br />

de la nationalité », Brigitte Fichet met<br />

bien en lumière le caractère à la fois identitaire<br />

et instrumental relativisant le droit du<br />

sol au nom de la filiation et l’approche instrumentale<br />

le relativisant au nom de la distinction<br />

entre les ayant-droits et les autres,<br />

deux façons aussi de minorer la nationalité<br />

comme choix subjectif intervenant dans la<br />

construction de l’identité individuelle. Avec<br />

«l’identité problématique <strong>des</strong> enfants de<br />

harkis », étudiée par Laurent Muller, on est<br />

au coeur du problème puisqu’on vérifie dans<br />

ce cas combien le sentiment d’appartenance<br />

à une collectivité est une composante<br />

importante de l’identité individuelle : les<br />

enfants de harkis, confrontés au silence <strong>des</strong><br />

pères, ne savent pas « où se trouver » et<br />

cette difficulté d’identification collective<br />

vient troubler profondément les relations<br />

familiales. L’appropriation de l’islam par les<br />

femmes le revendiquant comme un principe<br />

structurant de leur vie - ce que Nadine<br />

Weibel appelle « l’islam-action » -, leur permet<br />

de se situer comme sujets : non pas en<br />

diluant leur identité dans une communauté<br />

musulmane globale, mais, au contraire, en<br />

affirmant leur identité pourrait-on dire. Avec<br />

l’élaboration d’un sens communautaire<br />

parmi les Arméniens de France étudiée par<br />

M. Hovanessian, on plonge dans la façon<br />

dont se lient mémoire individuelle et<br />

mémoire collective dans les continuités et<br />

les ruptures <strong>des</strong> générations, chaque génération<br />

réinventant l’espace mental nécessaire<br />

à la reformulation du lien collectif.<br />

Un ensemble très divers par ses terrains<br />

et ses mo<strong>des</strong> d’approches, mais qui, par la<br />

profondeur <strong>des</strong> questionnements qu’il<br />

introduit, constitue une contribution intéressante<br />

à l’analyse <strong>des</strong> structurations identitaires.<br />

Deux suggestions pour terminer :<br />

d’une part, l’intérêt qu’il y aurait, pour aller<br />

plus loin dans l’étude <strong>des</strong> interrelations<br />

entre identités individuelles et identités collectives,<br />

d’associer <strong>des</strong> psychologues à la<br />

démarche et, d’autre part, l’intérêt qu’il y<br />

aurait également à analyser la question sous<br />

l’angle de la langue, lieu par excellence de<br />

la rencontre entre l’individuel et le collectif.<br />

Jean-Paul WILLAIME<br />

BERNARD REUMAUX ET<br />

PHILIPPE BRETON (DIR.)<br />

L APPEL DE STRASBOURG:<br />

LER VEIL DES D MOCRATES<br />

STRASBOURG, ÉD. DE LA NUÉE<br />

BLEUE/DNA, 1997, 253 P.<br />

Lors <strong>des</strong> élections présidentielles de<br />

1995, le Front National a recueilli 25 % de<br />

voix en Alsace. Ce score a provoqué une<br />

vraie secousse chez la majorité <strong>des</strong> intellectuels.<br />

Le mois d’avril fut suivi d’âpres débats<br />

sortant la scène intellectuelle alsacienne de<br />

sa léthargie. Plusieurs manifestations furent<br />

organisées. Un numéro spécial de la <strong>Revue</strong><br />

Saisons d’Alsace fut consacré à la dérive extrémiste<br />

: « Réinventer l’Alsace ».<br />

Mais, depuis l’annonce de la tenue du<br />

congrès du FN à Strasbourg du 29 au 31 mars<br />

1997, la mobilisation anti-FN n’a pas lâché<br />

prise. A droite, la réaction institutionnelle au<br />

départ voulait adopter l’ignorance mais elle<br />

se contente finalement de faire circuler une<br />

liste de signatures anti-FN et certains de ses<br />

militants font appel à une manifestation<br />

devant le Palais <strong>des</strong> Droits de l’Homme. A<br />

gauche, deux groupements se sont formés :<br />

un collectif « Justice et Libertés »s’est organisé<br />

autour de l’appel du maire Madame<br />

Catherine Trautmann, rassemblant les majorités<br />

du PS, PC, LCR et <strong>des</strong> associations. Ce<br />

collectif organisera une manifestation pendant<br />

la tenue du congrès du FN. Le second<br />

groupement conteste la décision du maire de<br />

laisser le parti d’extrême-droite tenir son<br />

congrès dans la ville. Le maire n’a pas cessé<br />

de rappeler qu’il n’avait pas le choix.<br />

Les intellectuels ont eu une démarche originale,<br />

lancée à l’initiative <strong>des</strong> Rencontres de<br />

Strasbourg (créée il y a trois ans). Elle consiste<br />

à éditer un ouvrage de trente-quatre textes<br />

d’écrivains, de chercheurs ou d’universitaires,<br />

français, ou ressortissants d’autres pays de<br />

l’Union Européenne. Ces intellectuels sont<br />

de sensibilités diverses.<br />

Le livre s’ouvre par deux textes <strong>des</strong> initiateurs<br />

de l’Appel de Strasbourg. Bernard<br />

Reumaux revient sur son thème central de la<br />

conjonction et parfois de la proximité <strong>des</strong> discours<br />

identitaires et extrémistes qui créent le<br />

danger moral et politique menaçant l’Alsace<br />

et d’autres régions françaises. Il insiste sur le<br />

fait que si la région d’Alsace s’avère riche, elle<br />

est aussi : «parcourue par <strong>des</strong> tensions <strong>sociales</strong> fortes,<br />

région privée de grands centres de décisions économiques<br />

et financiers, région qui a du mal à faire vivre<br />

ensemble toutes les pièces de sa complexe mosaïque<br />

humaine, l’Alsace a aujourd’hui pris conscience que si<br />

elle ne trouve pas en tenant compte de sa culture historique<br />

propre, une réponse globale aux graves problèmes<br />

dramatiquement vécus par une population de<br />

plus en plus déboussolée, elle glissera vers les ravins les<br />

plus noirs» (p. 18).<br />

Philippe Breton s’attaque au coeur du<br />

problème en rappelant le clivage <strong>des</strong> positions<br />

<strong>des</strong> démocrates face à la tenue du<br />

congrès. Il y a ceux qui s’attachent à la<br />

liberté d’expression et à un certain légalisme<br />

républicain et ceux qui posent la question<br />

de la légitimité de la présence <strong>des</strong> idées<br />

et <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> du Front National dans<br />

l’espace public. L’auteur penche en faveur<br />

de ces derniers. Il craint les effets de la manipulation<br />

de l’extrême-droite : «le temps est<br />

peut-être venu de poser la question difficile, mais, à<br />

terme, inévitable, de l’interdiction du FN» (p. 25).<br />

Les trente-deux autres textes se<br />

déploient selon la logique suivante : réaction<br />

à l’actualité à la suite de l’élection de<br />

Vitrolles, analyse <strong>des</strong> causes du vote du FN,<br />

question de l’identité et exposition du cas<br />

spécifique de l’Alsace.<br />

Ce qui ressort c’est que le vote extrémiste<br />

révèle <strong>des</strong> symptômes qui menacent<br />

de régression la démocratie en France. Telle<br />

semble l’analyse d’Alain-Gérard Slama qui<br />

les scrute dans les échecs de la décentralisation,<br />

le corporatisme, l’individualisme et<br />

la forte demande d’État. D’autres voient les<br />

causes de ce vote dans la crise du politique,<br />

l’éclatement <strong>des</strong> échelles territoriales et la<br />

perception de la part d’une grande partie de<br />

la population de « l’immigré comme figure<br />

proche de la mondialisation »(Jean Viard).<br />

D’après Jean-Luc Nancy, c’est l’effet de la<br />

peur qui gonfle les rangs de l’extrêmedroite.<br />

Il relève avec lucidité : «ceux-là, en effet,<br />

qui clament leur indignation vertueuse devant<br />

l’extrême-droite sont souvent, trop souvent, ceux qui<br />

ont déjà consenti à la peur, et n’ont à lui opposer<br />

qu’une belle âme impuissante et secrètement rongée<br />

par le doute, le désarroi, voire la panique. Et ceux-là<br />

peuvent être de gauche autant que de droite»(p. 44).<br />

C’est l’oubli de Marx et la déploration de la<br />

modernité qui constituent les deux facettes<br />

de l’acceptation secrète de la peur. Myriam<br />

Revault d’Allonnes s’attaque à la sémantique<br />

déployée par le FN, qui lui confère une<br />

«parole puissante », participant d’un<br />

« ensauvagement » de la vie politique. Elle<br />

souligne que sa « sauvagerie » est foncièrement<br />

étrangère au mode rhétorique de<br />

l’argumentation politique voire aussi aux<br />

exigences du vivre-ensemble ou de la socialité<br />

démocratique, là où il y a un espace agonistique<br />

où s’affrontent <strong>des</strong> positions rivales<br />

car le discours Front National procède par<br />

disqualifications et par exclusions.<br />

Blandine Kriegel pointe trois idées principales<br />

: on ne peut faire de croisement<br />

absolu entre l’existence de régionalismes et<br />

la montée de l’extrême-droite. C’est l’idée<br />

de la « communauté organique » qui<br />

cimente son idéologie. Entre l’élargissement<br />

européen et la recherche de la proximité,<br />

il y a un risque qui peut glisser.<br />

Juan Goytisolo entame une déconstruction<br />

<strong>des</strong> mythes fondateurs <strong>des</strong> histoires<br />

nationales. Il nous rappelle leurs caractères<br />

fictifs et le fait qu’ils reposent sur les « dénigrements<br />

systématiques de ce qui est étranger<br />

»(Charles Martel, l’apôtre Saint-Jacques<br />

et Covadonga en Espagne).<br />

Dominique Schnapper voit le repli identitaire<br />

comme un sentiment en corollaire avec<br />

l’affaiblissement du politique, de l’idée républicaine<br />

et du civisme. Elle relève le remplacement<br />

du citoyen par le consommateur.<br />

Anny Bloch, s’appuyant sur une enquête<br />

de terrain, examine le thème central de la<br />

frontière : «on n’a jamais autant parlé de frontières<br />

que depuis qu’ici et là on affirme vouloir les dépasser.<br />

Se dévoilent, lors de cette déstabilisation, plusieurs<br />

couches d’une véritable culture de frontières qui se<br />

recompose au moment où les frontières politiques sont<br />

supprimées»(p. 160). La spécificité de la région<br />

d’Alsace réside dans le fait qu’elle n’a cessé<br />

de ruser avec la frontière géopolitique. Il<br />

existe, d’après elle, bel et bien une culture<br />

frontalière mais elle ne se développe pas<br />

d’une manière réciproque. Beaucoup<br />

d’Allemands ne s’intéressent pas à la langue<br />

française.<br />

Travail d’analyse, travail d’information<br />

mais aussi travail salutaire de mobilisation<br />

<strong>des</strong> démocrates, ce livre a réussi son pari. Il<br />

a dépassé le geste réactionnel de la militance<br />

en entamant une analyse en profondeur<br />

du phénomène de l’extrême-droite en<br />

général. On s’est permis de faire un remueménage<br />

au niveau de la mémoire historique<br />

alsacienne (Georges Bischoff, Richard<br />

Kleinschmager, Léon Strauss). La dimension<br />

européenne n’est pas absente et reste<br />

en filigrane : régionalisme, Etat-Nation et<br />

fédéralisme se reflètent sur l’écran du<br />

théâtre d’ombres, l’un se corrélant avec<br />

l’autre dans une bousculade orchestrée.<br />

Mohammed CHEHHAR<br />

GENESE<br />

D’UNE INSTITUTION<br />

LE CENTRE D HYGIENE<br />

ALIMENTAIRE ET D ALCOOLOGIE.<br />

THIRY-BOUR (CAROLE)<br />

“GENESE D’UNE INSTITUTION.<br />

LE CENTRE D’HYGIENE ALIMENTAIRE<br />

ET D’ALCOOLOGIE”, STRASBOURG,<br />

PRESSES UNIVERSITAIRES<br />

DE STRASBOURG, 1996, 207 P.<br />

Carole Thiry-Bour nous livre un fort intéressant<br />

et complet historique de la lutte<br />

antialcoolique et de la création <strong>des</strong> Centres<br />

d’Hygiène Alimentaire et d’Alcoologie<br />

(C.H.A.A.) en 173 pages complétées par <strong>des</strong><br />

annexes et une imposante bibliographie. Il<br />

s’agit d’un apport très neuf notamment pour<br />

ce qui concerne le contexte et les enjeux de<br />

la création <strong>des</strong> Centres. L’auteur fait oeuvre<br />

de pionnière tant le thème a été peu étudié.

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