Revue des sciences sociales

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LAURENT MULLER
grandi, c’était l’idée d’une adaptation individuelle
qui triomphait. Par l’exercice de la
comparaison entre le présent et le passé, ils
prenaient conscience, d’une part, de ce qui
les déterminait différemment de leurs interlocuteurs
de l’ouest, et d’autre part, ils
découvraient les transformations inéluctables,
auxquelles était soumise leur identité
passée. Ces étudiants n’apparaissaient
pas comme les adeptes chaleureux du
passé, ils tendaient toutes leurs forces vers
l’avenir. Ils s’intégraient non seulement
parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement,
mais aussi parce qu’ils avaient découvert
des valeurs fortes, positives dans leur
rencontre avec les Allemands de l’ouest. Ils
adhéraient aux valeurs de la société occidentale.
Ils devaient trouver le juste équilibre
entre leur passé e leur nouveau présent.
■
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
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Problèmes structurels de la “réunification
culturelle”», Zürich, Revue suisse de sociologie,
Juin 1993, pp 365- 387.
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Universitaires de France, 1994.
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Paris, Dunod, 1996.
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Herausgegeben vom Jugendwerk der deutschen
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Zinnecker. Band 3, Die neuen Länder
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ouvrière, Paris, INRA, 1989.
NOTES
1. A cette bourse de six mois a succédé une
bourse de la Fondation Thyssen, puis un
poste d’allocataire de recherche au Centre
Marc Bloch, Centre franco-allemand de
recherche en sciences sociales, à Berlin.
2. En R.D.A., dans cet établissement scolaire,
les élèves passaient le baccalauréat.
3. C’était un espace vert aménagé sur l’ancien
emplacement du mur. Quelques jours après la
chute du mur, les gens plantèrent, en ce lieu,
des arbres en signe d’une liberté retrouvée.
4. Certains des grands parents ont été des communistes
engagés qui avaient choisi de rester
en R.D.A.. Ils transmettèrent à leurs
enfants leur désillusion du systéme socialiste
vieillissant. Voir Peter Alheit, « Le “syndrome
allemand”: Problèmes structurels de
la “réunification culturelle”», Zürich, Revue
suisse de socilogie, Juin 1993, pp 365- 387.
5. Il durait trois années. C’était le prix à payer
pour avoir une place à l’université. Pour
beaucoup, ce fut un moment difficile à vivre,
qui poussa certains à des tentatives de suicide,
d’autres firent de graves dépressions.
6. Ils recevaient une bourse de 800 marks par
mois. Les parents apportaient, parfois, une
aide complémentaire. En général, ces étudiants
faisaient de petits boulots, qui leur
permettaient d’acheter des livres, des vêtements,
et d’épargner pour leurs vacances.
7. Gérard Mauger, Formes et fonctions des discours
sociaux sur la jeunesse, in Les Jeunes et
les Autres, Paris, Tome 1, CRIV, 1986, pp 85- 93.
8. Les photographies des livres scolaires pour
enseigner le français montraient des ouvriers
français faisant la grève contre les licenciements
et des chômeurs devant les portes des
A.N.P.E.
9. Cyril Bufet, Histoire de Berlin, Paris, Presses
Universitaires de France, 1994, p 40.
10. Après la chute du mur, les habitants de
Berlin réunifié ont appelé les Berlinois de
l’Est les « Ossis » et les Berlinois de l’Ouest
les « Wessis ». A partir de 1993, une nouvelle
expression est apparue les « Wossis » pour
qualifier les Berlinois de l’Ouest, venus habiter
à l’Est de la ville.
11. Les pièces du dramaturge Heiner Müller
(1929- 1996) ou les livres de l’écrivain
Christoph Hein (1944) ont été, parmi
d’autres, des oeuvres qui nourrisaient
l’esprit critique des jeunes vis-à-vis du système
politique de la R.D.A.. Voir Pierre
Deshusses, Précis de Littérature allemande, Paris,
Dunod, 1996.
12. Le « Altsoffhandel », ou encore appelé la
« Sero- Aktion », était une action de ramassage,
organisée par les écoles.
13. « Freie Deutsche Jugend » (La Jeunesse Libre
Allemande) était une association socialiste
pour la jeunesse. Elle avait été créée, le
7 mars 1946, pour lutter contre le facisme. Il
était indispensable d’adhérer à la F.D.J. pour
rentrer dans les écoles, qui préparaient au
baccalauréat.
14. Norbert Elias, Société des Individus, Paris,
Fayard, 1991, pp. 61- 62.
15. Claude Dubar,La Socialisation. Construction des
identités sociales et professionnelles, Paris, Armand
Colin,1991, p 112.
L exil int rieur des harkis
Laurent Muller
A.T.E.R.
Laboratoire de sociologie de la culture
européenne, Strasbourg
D
une rive à l’autre de la Méditerranée,
une suspicion persiste à l’encontre des
harkis 1 . En Algérie, ils sont toujours
considérés comme étant coupables de trahison.
En France depuis 1954, une partie de
l’opinion publique les identifie à des collaborateurs.
À l’inverse, les principaux intéressés
se présentent volontiers comme des victimes.
La rédaction de ce texte s’inscrit à michemin
entre la concrétisation d’une thèse
en sociologie, consacrée au travail de la
mémoire au sein des familles de harkis, et la
publication de différents articles. Après
avoir décrit les mesures administratives spécifiques
aux Français Musulmans Rapatriés
(F.M.R.) 2 ainsi que les différents silences qui
planent sur cette population 3 , il convient de
s’arrêter à présent sur une autre de leurs particularités.
Depuis trente-cinq ans, les harkis
ont une destinée singulière : exilés au
sein de l’immigration maghrébine : ils vivent
un exil dans l’exil 4 .
Parmi la vingtaine d’enfants de harkis
que nous avons rencontrés en Alsace 5 , ce
sont les jeunes issus des familles les plus
défavorisées qui ont tenu le discours le plus
sévère à l’égard du père. Ces jeunes décrivent
volontiers leur père comme quelqu’un
de distant et de silencieux, voire d’austère
ou de sévère. À l’inverse, la maman apparaît
comme le point d’équilibre de la famille.
C’est à elle que l’on parle et à qui l’on peut
se confier. La mère est aussi celle qui calme
et qui apaise les brusques colères de son
époux. L’histoire personnelle de la mère permet
en outre, aux yeux de ses enfants, de
racheter d’une certaine manière l’engagement
du père dans l’armée française. Il n’est
pas rare d’entendre en effet que, durant la
guerre d’Algérie, la mère ou l’un des
membres de sa famille se soit rangé clandestinement
au côté des membres du Front
de Libération Nationale (F.L.N.). Par conséquent
et même si le père s’était fourvoyé,
l’honneur de la famille aurait, dans ce cas,
été sauf grâce à la conduite historiquement correcte
de son épouse.
Le lien entre un enfant et sa mère est
d’autant plus fort quand dans une famille le
père est perçu comme un homme froid et
inaccessible. Ou encore quand il est considéré
par sa descendance comme un être
gauche et maladroit dès qu’il est question
de tendresse et de sentiments. Le chef de
famille est enfin fréquemment désigné
comme étant quelqu’un de seul et qui aurait
sciemment organisé son isolement. Plusieurs
enfants d’anciens supplétifs nous ont
expliqué que leur père n’a jamais cherché à
se faire de nouveaux amis depuis son départ
d’Algérie.
T. enfin, (43 ans) fils de harki et infirmier
à Brumath 6 , a souhaité évoquer, en guise de
conclusion à notre entretien, une dernière
anecdote au sujet de son père. T. se rappelle
très bien, qu’il y a plusieurs dizaines
d’années, son père et lui avaient été invités
à manger chez un couple d’Alsaciens. Une
fois passés à table, la maîtresse de maison
a commencé par lui servir une tranche de
viande. Immédiatement et tout en s’excusant,
le père a dit que son fils ne mangeait
pas de porc, mais que lui en revanche prendrait
très volontiers le morceau. Pour T. à
présent, il est clair que son geste n’était pas
uniquement guidé par la politesse. Il pense
en effet avoir compris, à travers cet exemple
et bien d’autres similaires, que son père
avait finit par estimer qu’il ne lui était plus
possible de se considérer comme un musulman
à part entière. En d’autres termes
qu’il s’était volontairement « auto-excommunié
».
Revue des Sciences Sociales de la France de l’Est, 1997, n° 24