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Revue des sciences sociales

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LU, À LIRE<br />

193<br />

rismes. Car la fonction de la Règle<br />

Symbolique qui fonde toute culture et sans<br />

laquelle il n’y a plus d’humanité, c’est la protection<br />

<strong>des</strong> plus faibles. Est ce que ce sont<br />

forcément et toujours, par principe, les<br />

femmes ?<br />

Charlotte HERFRAY<br />

HENRI AMBLARD,<br />

PHILIPPE BERNOUX,<br />

GILLES HERREROS,<br />

YVES-FRÉDÉRIC LIVIAN<br />

LES NOUVELLES APPROCHES<br />

SOCIOLOGIQUES<br />

DES ORGANISATIONS<br />

PARIS, SEUIL COLL. SOCIOLOGIE,<br />

1996, 254 PAGES<br />

Cet ouvrage est un carrefour entre théories<br />

et interventions, approches antérieures<br />

et actuelles d’une sociologie de l’action<br />

organisée. Sans doute s’agit-il d’un débat<br />

mené au sein d’un groupe de praticiens et<br />

d’universitaires lyonnais réunis autour de<br />

Philippe Bernoux et souvent confondus, tant<br />

il est vrai que leurs qualités d’universitaires<br />

ou de praticiens se croisent et s’entrecroisent,<br />

contribuant à comprendre de manière<br />

essentielle ce qu’il en est de l’intervention<br />

du sociologue (et bien au delà d’un contour<br />

disciplinaire) en entreprise et de sa compréhension.<br />

On refusera d’emblée une identification<br />

à telle ou telle école, et plus encore à une<br />

sujétion à <strong>des</strong> contraintes liées à l’intervention.<br />

L’apport de la sociologie <strong>des</strong> organisations<br />

est évident, de M. Crozier et<br />

E. Friedberg , ou celui - « identitaire » - de<br />

R. Sainsaulieu, l’intérêt de celui<br />

d’A. Touraine ou de P. Bourdieu, ou encore<br />

de J.D. Reynaud et d’E. Enriquez - pour situer<br />

le champ de référence même si chacun est,<br />

et parfois âprement, disputé-, les références<br />

anglo-saxonnes ne manquent pas : cette lecture<br />

critique <strong>des</strong> auteurs « classiques » de la<br />

sociologie, et particulièrement de la sociologie<br />

du travail et <strong>des</strong> organisations parcourt<br />

les attendus, tant <strong>des</strong> interventions<br />

que <strong>des</strong> avancées théoriques, sans omettre<br />

de mener un débat constant quant aux fondements<br />

épistémologiques.<br />

Mais l’essentiel de cette contribution est<br />

bien la mise au débat - y compris dans leur<br />

puissance explicative de situations organisationnelles<br />

et d’interventions sociologiques<br />

- <strong>des</strong> nouvelles approches sociologiques<br />

<strong>des</strong> organisations. Plus précisément,<br />

un crible étroit permet de mieux connaître<br />

les apports récents d’auteurs comme P.<br />

d’Iribarne (La logique de l’honneur, 1989),<br />

Boltanski et Thévenot (Les économies de la<br />

grandeur, 1987 ou De la justification, 1991), ou<br />

encore Callon et Latour. On aura compris<br />

que les sociologues conventionnalistes,<br />

sous leurs diverses déclinaisons, sont présentés<br />

et interpelés en ce qu’ils amènent et<br />

engagent de nouvelles interrogations par<br />

rapport aux approches organisationnelles<br />

classiques. Et comme on l’a évoqué plus<br />

haut, c’est sous le double point de vue de<br />

l’intervention sociologique et de la dispute<br />

théorique que ces auteurs et ces avancées<br />

sont présentés.<br />

Somme toute, cet ouvrage à plusieurs<br />

voix a pour grand mérite de présenter et<br />

d’interpeller un moment fort de renouveau<br />

de la compréhension de la gestion et du<br />

fonctionnement de l’action organisée, en<br />

même temps que la mo<strong>des</strong>tie du propos<br />

renvoie à une véritable pratique collective<br />

de la recherche et de l’intervention.<br />

Bernard WOEHL<br />

DAVID LE BRETON (ED), (1996)<br />

LAVENTURE.<br />

LA PASSION DES D TOURS<br />

PARIS, EDITIONS AUTREMENT,<br />

«COLLECTION MUTATIONS», N° 160,<br />

210 PAGES<br />

Cet ouvrage réunit les regards différents<br />

mais complémentaires de l’ethnologue, du<br />

sociologue et du philosophe pour démythifier<br />

l’Aventure en démystifiant les détours<br />

qu’ont empruntés l’impérialisme occidental<br />

et les nationalismes de tous bords pour<br />

imposer au reste du monde l’ordre économique.<br />

Même si l’aventure s’ancre d’abord<br />

dans l’homme comme une aspiration et se<br />

nourrit d’imaginaires qui sont autant<br />

d’appels, de dépaysements et de raisons<br />

d’exister autrement pour quitter un monde<br />

désespérément étouffant, elle s’inscrit aussi<br />

dans les « imaginaires collectifs » (David Le<br />

Breton). Elle est avant tout le mythe <strong>des</strong><br />

sociétés occidentales qui affirment à travers<br />

sa glorification leur supériorité sur les<br />

autres peuples, supériorité d’abord culturelle,<br />

ensuite économique, raciale enfin.<br />

Privilège <strong>des</strong> Européens en quête d’insolite<br />

qui collectionnent les émotions, les impressions<br />

et la mémoire <strong>des</strong> premiers en toutes<br />

découvertes, elle ignore les points de vue de<br />

l’Autre devant l’événement. Ainsi, «personne<br />

n’a jugé bon de conserver la mémoire du premier<br />

Africain découvrant le métro parisien, du premier<br />

Indien venu en avion tout droit de Bombay ou traversant<br />

Londres à pied ; du premier Algérien débarquant<br />

à Marseille, ou du premier Canaque arrivant<br />

sur la côte d’Armor. La détresse du Sénégalais dans<br />

les tranchées de Verdun a pourtant autant de prix<br />

que celle de Livingstone marchant bravement dans<br />

les forêts africaines. Et le fils du paysan malgache<br />

déchiqueté par une bombe un jour glacial de l’hiver<br />

1917 près de Sedan aurait pourtant bien mérité<br />

qu’on retienne son nom» (David Le Breton).<br />

Cet héroïsme multiplié par <strong>des</strong> millions<br />

d’exemples à jamais oubliés, a été soigneusement<br />

édulcoré par l’histoire illustrée et<br />

nationaliste de notre enfance qui glorifiait<br />

les grands pionniers européens. Ne s’inscritil<br />

pas en fait dans l’exploitation <strong>des</strong> peuples<br />

que ces aventuriers, en quête de nouveaux<br />

rivages, ont initiée ? Car l’Aventure est le<br />

voile jeté sur l’expansion de l’impérialisme<br />

occidental grâce aux « découvertes » suscitées<br />

par quelques individus qui allaient<br />

chercher « ailleurs » matière à assouvir une<br />

volonté de puissance impossible à exprimer<br />

chez eux. Cette Aventure n’est plus, mais son<br />

besoin, toujours présent en l’homme occidental<br />

privé de « terres vierges » se traduit<br />

alors chez les « néo-aventuriers » modernes<br />

(David Le Breton) sous forme d’exploits<br />

médiatisés, sponsorisés (rallyes, traversées<br />

<strong>des</strong> océans en solitaire, shows à la Nicolas<br />

Hulot, « personnage à la fois dérisoire et<br />

exemplaire, tout à fait ignorant de l’humour<br />

qui se dégage de son inénarrable sérieux »<br />

(David Le Breton), etc..., dans une quête<br />

effrénée de leur « moi » qu’ils poursuivent<br />

dans <strong>des</strong> « exploits », avec pour seule compagnie<br />

leur « ego » toujours fuyant. Mais<br />

cela ne veut pas dire qu’il n’existe plus<br />

d’aventuriers, « aussi illustres qu’inconnus »<br />

(Luis Sepúlveda). L’Aventure a été aussi le<br />

prétexte à porter un nouveau regard sur le<br />

monde, à dresser <strong>des</strong> inventaires, à donner<br />

sens au monde et à le moraliser à l’image du<br />

poisson volant <strong>des</strong> voyageurs du XVIe-XVIIIe<br />

siècle (Frank Lestringant). Elle a créé toute<br />

une mythologie autour « <strong>des</strong> grands<br />

espaces, de la jungle, <strong>des</strong> temples de l’exotisme<br />

et de la femme » (Franck Michel) qui<br />

continue d’imprégner en le déformant totalement,<br />

notre regard d’occidental sur<br />

l’Afrique, l’Asie et l’Amérique.<br />

De nombreuses étu<strong>des</strong> ethnologiques<br />

pointent depuis quelques mois un regain<br />

d’intérêt de l’étude de l’Aventure <strong>des</strong> siècles<br />

passés comme un simple objet de science. Ce<br />

livre dépasse leurs récits particuliers, même<br />

les plus insolites, pour établir le lien du passé<br />

avec le présent en nous rappelant qu’elle<br />

prend de nouveaux visages, malgré la pesanteur<br />

de tous ceux qui lui préfèrent la sécurité<br />

à l’incertitude de son essence même. Jacques<br />

Brel a traduit cet ancrage du commun <strong>des</strong><br />

mortels enchaîné dans un endroit et dans<br />

une profession en chantant « L’aventure commence<br />

à l’aube ». Cependant, une vie ne peut<br />

plus stagner ainsi, elle se trouve confrontée<br />

continuellement à « un univers devenu<br />

imprévisible...» comme le souligne le sociologue<br />

Jean Duvignaud. La nouvelle « aventure<br />

» peut-elle se limiter alors aux bouleversements<br />

sociaux contemporains, dans la vie<br />

quotidienne où chacun est impliqué dans la<br />

politique <strong>des</strong> États ou alors trouvera-t-elle<br />

une nouvelle voie dans le refus du présent et<br />

dans l’insoumission de ceux dont «...l’esprit<br />

qui nie » (Jean Duvignaud) découvre, dans<br />

l’imaginaire du voyage intérieur, une voie à<br />

« l’initiation <strong>des</strong> con<strong>sciences</strong> au possible »<br />

(Jean Duvignaud) ? Cette quête est très<br />

proche de « l’aventure intérieure » du philosophe<br />

qui, « au risque de la vérité », « se<br />

heurte au rejet violent de ceux qui marchent<br />

sur <strong>des</strong> chemins bien banalisés et qui défendent<br />

la familiarité <strong>des</strong> rivages livrés aux émotions<br />

sans surprise, aux certitu<strong>des</strong> qui font<br />

autorité et aux pensées qui assurent d’une<br />

carrière respectable parmi les siens »<br />

(Catherine Chalier). La philosophe retrouve<br />

ici le sociologue et les ethnologues dans<br />

l’exhumation <strong>des</strong> voies « périlleuses » possibles<br />

qu’ouvre l’Aventure imaginaire, bien<br />

loin de la voie policée et sécurisante suivie<br />

par les « néo-aventuriers », notre société<br />

retrouvant dans le miroir de ces pseudo<br />

idoles qu’elle se donne, le fidèle reflet de sa<br />

propre condition.<br />

Gérard GUILLEC<br />

18 e COLLOQUE DE LA SOCI T<br />

D HISTOIRE DES ISRA LITES<br />

DALSACE ET DE LORRAINE<br />

STRASBOURG, SOCIÉTÉ D’HISTOIRE<br />

DES ISRAÉLITES D’ALSACE<br />

ET DE LORRAINE, 1996.<br />

Cet ensemble de textes, heureusement<br />

réunis par Anny Bloch, laissent enfin une<br />

trace écrite d’une manifestation qui a lieu<br />

depuis dix-huit ans.<br />

Plutôt que de reprendre en détail chaque<br />

article qui tous apportent leur pierre à<br />

l’ensemble de l’édifice, je me contenterai de<br />

relever deux points essentiels et récurrents<br />

qui me paraissent caractériser, à tout le<br />

moins, la vie <strong>des</strong> communautés juives<br />

d’Alsace et de Lorraine.<br />

Il s’agit tout d’abord de populations en<br />

constante migration. L’article de Daniel<br />

Peter analyse avec précision comment les<br />

immigrants juifs de l’est de l’Europe ont<br />

contribué, au même titre que les Suisses, les<br />

Français et les Tyroliens, au repeuplement<br />

de l’Outre-Forêt après la guerre de<br />

Trente Ans. Fluctuante et précaire entre 1720<br />

et 1730, plus régulière ensuite, cette immigration<br />

se caractérisait par une forte instabilité<br />

régionale. Dans le cas de Lauterbourg,<br />

Serge Braun montre aussi qu’avec une natalité<br />

guère plus élevée que celle <strong>des</strong> chrétiens<br />

et une forte mortalité infantile, la communauté<br />

ne progresse que grâce à l’apport de<br />

juifs étrangers. Rejetés par la population, ils<br />

sont néanmoins attirés par les princes qui<br />

leur font payer fort cher leur protection.<br />

Ces communautés s’enracinent dans la<br />

première moitié du 19 e siècle et André Aaron<br />

Fraenckel rappelle les étapes majeures de<br />

leur assimilation : émancipation en 1791 et<br />

attribution de patronymes définitifs en 1808.<br />

Mais l’exode reprend à la fin du siècle sous<br />

la pression de la révolution industrielle et de<br />

l’antisémitisme. Léon Strauss rappelle à ce<br />

propos les conséquences de l’affaire Dreyfus<br />

et de la publication de « la France juive » de<br />

Drumont. L’annexion à l’empire germanique<br />

va accélérer le mouvement. Vicky Caron note<br />

qu’en 1871 ce sont les juifs urbains aisés, les<br />

mieux intégrés dans la modernité industrielle,<br />

commerçante ou professionnelle, qui<br />

ont opté pour la France. Plus tard les jeunes<br />

de la campagne partiront vers la Vieille<br />

France, les Etats-Unis et l’Amérique du Sud,<br />

pour trouver un emploi mais aussi pour<br />

échapper au service militaire dans l’armée<br />

allemande. Marc- André Haarscher raconte<br />

l’histoire singulière de Nephtali Kahn, brodeur<br />

d’oeufs, qui a quitté Strasbourg à vingtdeux<br />

ans pour travailler comme <strong>des</strong>sinateur<br />

dans une fabrique de tissus de Rouen.<br />

Mais parallèlement, et grâce à l’apport de<br />

juifs venus d’Allemagne, la communauté<br />

strasbourgeoise progresse et compte en<br />

1889 pas moins de 4 000 membres. Le 8 septembre<br />

1898 la synagogue consistoriale,<br />

« imposant édifice dans l’espace public<br />

strasbourgeois » décrite par Jean Daltroff est<br />

inaugurée avec faste sur le quai Kléber. Les<br />

années 1930 voient arriver à Strasbourg <strong>des</strong><br />

familles d’Europe centrale et orientale et, à<br />

partir de 1933, les réfugiés d’Allemagne<br />

(Léon Strauss).<br />

Car ces exo<strong>des</strong> successifs, et c’est le<br />

deuxième thème majeur de cette publication,<br />

sont en grande partie liés aux vagues<br />

d’antisémitisme. Daniel Peter rappelle les<br />

massacres et les expulsions <strong>des</strong> Juifs dans<br />

l’Outre-Forêt, au 14 e siècle, lors de la Grande<br />

Peste. Au 18 e siècle aussi « les frictions entre<br />

autochtones et israélites ne manquent pas”.<br />

Plus proche de nous, le texte de Léon<br />

Strauss fait une analyse minutieuse de l’état<br />

d’esprit <strong>des</strong> mouvements et partis alsaciens<br />

dans les années 1930. Extrême-droite,<br />

populistes, autonomistes et parti catholique<br />

se répandent dans la presse en propos

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