Les nouveaux entrepreneurs de guerre - Infoguerre
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Or, faire appliquer le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> justice militaire implique que les officiers <strong>de</strong> l’armée<br />
puissent donner <strong>de</strong>s injonctions aux employés <strong>de</strong>s sociétés privées. Dès lors pourraient<br />
émerger certaines situations, dans lesquelles le respect <strong>de</strong>s ordres entrerait en<br />
contradiction avec les obligations contractuelles <strong>de</strong> l’opérateur privé. Cela aurait un<br />
impact sérieux sur la manière dont les contrats sont gérés : si un employé exécute <strong>de</strong>s<br />
ordres s’inscrivant en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son mandat (<strong>de</strong> crainte d’être soumis à <strong>de</strong>s sanctions<br />
disciplinaires), la société peut-elle ensuite « envoyer la facture » au département <strong>de</strong> la<br />
Défense ou à l’administration qui l’emploie ?<br />
Ainsi le régime <strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> l’opérateur reste-il encore très flou. Certes, la loi <strong>de</strong><br />
2000 sur la compétence militaire extraterritoriale amendée en 2005, facilite les recours<br />
contre les actes commis par les employés <strong>de</strong>s sociétés militaires privées à l’étranger, mais<br />
les soucis d’ordre pratique <strong>de</strong>meurent. On conçoit, en effet, toutes les difficultés<br />
auxquelles une victime peut se heurter afin <strong>de</strong> faire entendre sa cause.<br />
Il faut bien comprendre à cet égard, que si les cas <strong>de</strong> torture comme ceux qui eurent lieu à<br />
Abou Ghraib ne sont le fait que d’une minorité d’employés, les inci<strong>de</strong>nts impliquant <strong>de</strong>s<br />
contractuels se produisent quotidiennement 175 . Par exemple, <strong>de</strong> nombreux auteurs<br />
expliquent que les personnels <strong>de</strong> sécurité ne lancent presque jamais d’avertissements avant<br />
<strong>de</strong> faire feu, blessant parfois grièvement <strong>de</strong>s civils, généralement innocents, et qui auront<br />
peu <strong>de</strong> chances d’obtenir réparation.<br />
En conséquence, les sociétés militaires privées et leurs employés continuent d’opérer dans<br />
un environnement <strong>de</strong> relative impunité et restent souvent, dans les faits, à l’abri <strong>de</strong> toute<br />
poursuite. L’état <strong>de</strong> stress auquel ces personnes sont soumises, favorise incontestablement<br />
la perte <strong>de</strong> tout repère sur les limites du licite. Sans cadre rigoureux <strong>de</strong> responsabilité, ces<br />
« <strong>nouveaux</strong> mercenaires » pourraient se sentir libres <strong>de</strong> toute obligation. A cet égard,<br />
l’extension du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> justice militaire aux employés <strong>de</strong>s sociétés militaires privées<br />
déployées en zone <strong>de</strong> conflit, constituerait une mesure extrêmement efficace, se posant<br />
comme un indispensable gar<strong>de</strong>-fou face aux dérives régulièrement constatées.<br />
175 Ainsi, lorsqu’un consultant <strong>de</strong>manda à un chef d’unité sud-africain, s’il avait déjà utilisé son<br />
arme en Irak, on lui rétorqua, dans un éclat <strong>de</strong> rire : « Tu plaisantes, mes hommes et moi, on flingue<br />
en moyenne un Irakien par jour ! ». Source : Rémy OURDAN, « Embusca<strong>de</strong>s, assauts quotidiens :<br />
les mercenaires <strong>de</strong> la protection essuient <strong>de</strong> véritables offensives militaires », Le Mon<strong>de</strong>, 1 er juillet<br />
2004. Se conférer également à l’article <strong>de</strong> Christian T. MILLER, « Private security contractors in<br />
Iraq face little accountability if they shoot », Los Angeles Times, 5 décembre 2005.<br />
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