Matilde PELEGRILes lieux dřaccueil parents-enfants et le malaise dans la familleLes lieux d’accueil parents-enfantset le malaise dans la familleMatilde PELEGRIBarcelonaAprès huit ans dřexpérience comme accueillante et psychanalyste à « La Casa Oberta », lieu dřaccueilParents-enfants de 0 à 3 ans (structure type Maison Verte) qui a fonctionné de mai 1995 à décembre2002 à Vilanova i la Geltrú, une ville de soixante-dix mille habitants, à cinquante kilomètres de Barcelona, enCatalogne, je me propose de réfléchir sur la question de la place dans la cité de ces lieux dřaccueil, (enréférence au discours analytique et à la Maison Verte créée par F. Dolto, B. This et dřautres), de ce que sontleurs idéaux et leurs impasses. Pourquoi sont-ils si fréquentés par les familles ? Quřest-ce qui motive lesfamilles à y aller ?« La Casa Oberta », dispositif qui a été cofinancé par la municipalité de la ville et le ministère <strong>du</strong> Travail etdes Affaires Sociales, a cessé de faire lřaccueil aux familles suite à une décision politique, en décembre2002, après huit ans dřexistence, et dřêtre un lieu très fréquenté par les parents et leurs enfants (entre 40 et60 par jour). La municipalité a décidé d'ouvrir à sa place un service dřorientation et dřanimation adressé auxparents/enfants.Mais nous avons constaté un côté positif à cette crise. Cette situation nous a permis de nous questionner surlřaccueil et lřécoute au quotidien et dřétablir un transfert de travail avec nos collègues dřEspagne et delřétranger. Dřautre part, pendant les derniers mois, nous avons dû réfléchir à la manière de préparer lesfamilles et nous mêmes à faire le deuil de ce lieu. Nous qui constatons chaque jour les dégâts pro<strong>du</strong>its parles séparations et les pertes !Cinq ans plus tard, en juin 2007, cinq professionnels (trois psychologues-psychanalystes et deuxé<strong>du</strong>catrices), nous avons ouvert un nouveau lieu dřaccueil « LřEspai de Mar », dans un autre quartier deVilanova i la Geltrú (cette fois près de la plage) et dans un local cédé par une crèche. Ce nouveau lieu,« Espai de Mar », est aussi fréquenté que « La Casa Oberta » depuis le premier jour. Pourtant mesquestions restentouvertes et jřessaierai d'y répondre à partir de mes réflexions.Comme toute institution, « La Casa Oberta » a une histoire et un préliminaire, une histoire écrite par deshommes et des femmes aux parcours différents, personnels et professionnels. Elle est née de leur rencontre,<strong>du</strong> désir et <strong>du</strong> besoin de trouver une pratique commune, dans un projet qui dépasse le cadre <strong>du</strong> travail dechacun, qu'il soit thérapeutique, institutionnel ou pédagogique. Les lectures de lřœuvre de la psychanalyste F.Dolto, la Maison Verte de Paris et lřenseignement de J. Lacan ont fait le reste.La Casa Oberta est passée <strong>du</strong> rêve de quelques professionnels, qui ont travaillé à ce projet depuis 1989, à laréalité en mai 1995. Ces années ont été marquées par les avatars et les frustrations liées principalement auxréticences et aux lenteurs des institutions à subventionner notre projet et à appuyer un dispositif tout neufdont la référence théorique est la psychanalyse, surtout dans un pays où elle nřavait pas encore droit de cité.Mais ce sont les rencontres transférentielles avec les personnes et les institutions qui ont tissé la voie de ceprojet et ren<strong>du</strong> possible lřouverture dřun lieu comme celui-ci. Cřest un projet qui ne laisse pas indifférent : soitil suscite refus et incompréhension, soit il sé<strong>du</strong>it et enthousiasme.Dès le début, nous avons réfléchi aux hypothèses <strong>du</strong> dispositif que F. Dolto et d'autres psychanalystes nousont léguées. Nous estimions que la conception de ces lieux dřaccueil était universelle et que, dans notresociété hyperin<strong>du</strong>strialisée, les liens d'absence et de présence sont parfois difficilement mis en mots. Ilsřagissait là dřaffronter le réajustement entre lřenfant idéal rêvé par lřordre social et lřinscription de lřenfantdans lřhistoire familiale et dans la société. Bien quřil fût donc possible d'ouvrir de tels lieux dans dřautres pays,dřautres cultures, nous pensions néanmoins que chaque lieu devrait avoir aussi son propre style, sa propre106Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 20 octobre 2007ACTES
Matilde PELEGRILes lieux dřaccueil parents-enfants et le malaise dans la familleparticularité. A la différence d'autres institutions centrées sur les tout-petits, dans celles-ci on y viendraitforcément avec une demande explicite : on y vient, et on y dit.Un préalable est nécessaire à la création de ces lieux car ce nřest pas seulement le projet en lui-même quřilfaut élaborer mais la question particulière à chacun, question quřil engage et qui lřengage dans cetteaventure. Nous nous sommes interrogés sur ce qui nous poussait et nous pousse à soutenir notre tâche ;nous nous sommes questionnés sur l'inconscient, le respect <strong>du</strong> sujet, enfant, a<strong>du</strong>lte, la prévention, lapsychanalyse, notre symptôme, notre histoire particulière.Ce sont des questions mises en acte chaque jour que nous travaillons à la Casa Oberta, car il ne sřagit pasdřun savoir fermé ; il y a des questions sans réponse dans la théorie.Cřest une pratique à plusieurs (deux psychanalystes différents chaque après midi) Les psychanalystes selaissent surprendre, sans faire état dřun savoir préétabli, sans chercher forcément à comprendre ou àcolmater les silences, les non-rencontres. Et on peut se poser quelques questions dans la pratique : quelssont les effets de la présence des analystes dans ce lieu social ? Et quelles sont la position et lřintervention<strong>du</strong> psychanalyste dans ce type de lieu ? Y a-t-il des effets thérapeutiques ? Lesquels ? Et pour paraphraserJ. Lacan : « Quelle joie trouvons-nous dans ce qui fait notre travail ? »Le rôle de lřaccueillant était une énigme pour nous. Quelle devrait être notre position ? Et quelle est laposition de lřanalyste dans ces lieux là ?Lřanalyste ne fait pas dřanalyse, bien sûr, car les conditions qui font la cure analytique ne sont pas réunies. Ilnřest pas question dřinterpréter car les accueillis nřont pas de demande dřanalyse et quand bien même ils enauraient, cřest ailleurs que cela devrait se faire. Lřintervention <strong>du</strong> psychanalyste est une intervention commeécoute dřabord. Dans ses propos il se gardera de tout savoir psychanalytique et de toutes gratifications.Les propos <strong>du</strong> psychanalyste pourront-ils amener dans certains cas les parents à prendre vue sur leurcon<strong>du</strong>ite, c'est-à-dire pourront-ils se rendre compte de ce quřils sont pour quelque chose dans lessymptômes de leur enfant, objet parfois de leur plainte ? Dans ce travail, le psychanalyste doit se garder defaire comprendre vite à lřautre. Toute vérité nřest pas bonne à dire et faut-il la « mi-dire ».Est-ce que le travail dans les lieux dřaccueil en présence dřun psychanalyste permettrait de creuser lřécartentre lřenfant et sa position dans le fantasme maternel, autrement dit, aiderait lřenfant à se séparer de samère, à devenir le sujet de sa propre histoire ?Pour certains parents accueillis, ce travail peut être un travail préliminaire à un travail analytique. Il peutpro<strong>du</strong>ire le même effet sur certains accueillants non analysés, qui peuvent mettre au travail leur question surla jouissance maternelle qui, à nřen pas douter, est aussi celle des analystes qui ont choisi de travailler dansces lieux-là.Cřest par la psychanalyse et son enseignement quřil est possible, par exemple, de soutenir la positiondřaccueillir une demande de rien et dřêtre là seulement (mais ce n'est pas rien....) pour vivre des rencontres.Ainsi, il est possible dřêtre témoin de tout ce qui résonne entre lřenfant et lřa<strong>du</strong>lte et de ce qui met en jeu ledésir, énigmatique.Le dispositif que Françoise Dolto nous a légué est si riche quřil faut être averti que le travail dans cesdispositifs est très subtil et quřil faut réfléchir aux effets dans les familles et aussi aux limites <strong>du</strong> travail, ainsiquřil est important dřêtre attentifs aux effets que nous pouvons pro<strong>du</strong>ire. Pouvons-nous savoir les limites denos interventions dans ces scènes fugaces de chaque jour? Et si, quelques fois, on dit plus quřon ne voulait,ne risque-t-on de provoquer des passages à lřacte, des « acting out » ? La position de lřanalyste estsingulière, elle est à mo<strong>du</strong>ler entre une intervention de lřinstant et une intervention dans le temps. Commearticulée par les trois temps logiques Ŕ instant de voir, temps pour comprendre, moment de conclure.Ne pas travailler pour un idéal et savoir supporter le manque; ne pas répondre immédiatement à la demande,mais la soutenir et la con<strong>du</strong>ire pour quřelle puisse sřouvrir à la rencontre <strong>du</strong> désir ; accueillir la dimensionsubjective, la particularité <strong>du</strong> sujet et permettre ainsi quřil se trouve avec ce quřil en est de sa responsabilité :tels sont les éléments qui font de la Casa Oberta un espace social, qui ne soit pas « uniquement » un espacesocial.Nous ne pouvons ignorer, ni reculer, ni être naïfs devant ces questions. En tant quřaccueillants, nous offronsnotre écoute, mais ceux qui entrent aussi nous interpellent.Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 20 octobre 2007 ACTES 107
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