Manuelle KRINGSCe que la psychose nous empêche dřoublierlien social avant le déclenchement ou après, quand ça sřarrange un peu. » 3 nous dit Colette Soler.Cřest ainsi que, en répondant à la question de départ, une autre question a émergé : « La prise en compte <strong>du</strong>sujet schizophrène dans ce dispositif à plusieurs se référant à la psychanalyse, ouvre-t-elle sur lřélaborationdřune suppléance par un « sinthome », tel que lřavance Lacan dans son séminaire de 75-76 ? Et si oui,comment ? »La praxis comme préliminaire.Dans la rencontre avec le sujet schizophrène, jřai pris en considération plusieurs observations cliniquescomme repères pour penser un dispositif qui, tout en respectant « lřhomme libre », ne glisserait pas dans ledébordement de jouissance ou lřécrasement <strong>du</strong> symptôme.Quand on sřautorise à soutenir une clinique de la psychose, il importe de se référer à la notion de praxis telleque Freud lřa énoncée dans la leçon quřil donne à ses élèves afin de les initier à sa découverte delřinconscient en 1916 4 : « Lorsque, par la suite d’une ignorance matérielle, vous n’êtes pas à même de juger,vous ne devez ni croire ni rejeter. Vous n’avez qu’à écouter et à laisser agir sur vous ce qu’on vous dit.(Immersion, prêter sa présence).La conception psychanalytique n’est pas un système spéculatif, il s’agit d’un fait d’expérience, d’uneexpression directe de l’observation ou <strong>du</strong> résultat de l’élaboration de celle-ci ». (Praxis).Freud incite à la praxis et non à lřadaptation de la clinique à la théorie.Il ne sřagit donc pas dřappliquer un savoir bien défini à une pratique, mais de partir <strong>du</strong> discours <strong>du</strong> sujet et <strong>du</strong>symptôme pour élaborer un savoir.Lacan, dans son « Petit discours aux psychiatres » 5 , en 67, abordant la position analytique dans la rencontreavec la psychose, insiste sur le fait que la psychanalyse nřest pas un outil pour « comprendre » puisque lesfaits subjectifs ont des fondements de non-sens. Au contraire, le psychiatre concerné par le fou rencontre sonangoisse.Il sřagira de rencontrer la psychose en tant que structure à part entière et de travailler à une élaborationthéorique, non pas seulement à partir de la théorie de la névrose, la névrose qui nřest pas la structure"étalon" de l'existence, même si elle en est la norme, nous dit Yves le Bon... 6Cet abord demande de se dégager continuellement de la logique qui fait référence dans la conceptualisationpsychanalytique, celle de la névrose, et de se soutenir de façon stricte dřune praxis qui, bien que déroutante,tente de maintenir la rigueur de lřobservation clinique. Cřest sur ce type de déroute que je vous propose demřaccompagner dans cet exposé.Les observations cliniques sur lesquelles sřest basé ce travail peuvent se résumer en trois points principaux :- La pratique de la « palabre » comme discours délimitant un « espace <strong>du</strong> dire ». Jean Oury tente de ledéfinir dans son séminaire sur le collectif en 84. 7- La répétition des « va-et-vient » incessants que le psychotique effectue dans le lien social, lien avecses référents thérapeutiques de même quŘavec les proches quřil a choisis (ou institués);- La pro<strong>du</strong>ction dřun agencement sur un mode particulier soutenu par un lien transférentielmultiréférentiel, sans lien avec le supposé savoir, agencement différent dřun amas ou dřune suite dřuns ensérie.LA PALABRE comme « ESPACE DU DIRE » :Georges Devereux, psychanalyste et ethnopsychiatre, écrivait que « si les troubles psychiques sont aussifréquents dans les sociétés primitives que dans la nôtre, il nřen est pas de même pour la schizophrénie qui3 C.Soler : la querelle des diagnostics, séminaire 2003-2004.4 S.Freud : Généralités sur les névroses, 1916.5 J Lacan, conférence sur la psychanalyse et la formation <strong>du</strong> psychiatre à ste Anne, 1967, pas tout Lacan.6 Y le Bon,Le cahier <strong>du</strong> stage N°1 "Trois jours sur la psychose", Collège clinique de Bourgogne Franche-Comté, mai 03.7 J.Oury ; le collectif, séminaire 84-85.16Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 20 octobre 2007ACTES
Manuelle KRINGSCe que la psychose nous empêche dřoublierest quasi totalement absente dans les sociétés véritablement primitives ». Par contre, dit-il, « la schizophrénieapparaît dès quřil y a acculturation brutale 8 » et donc entrée dans un autre type de lien social.Or ces sociétés primitives échappent au discours <strong>du</strong> Maître : elles sont basées sur le mythe alors que, dansnotre monde moderne, le lien social relève <strong>du</strong> discours <strong>du</strong> Maître ou dřune de ses variantes. Le sujetschizophrène partage avec le dit primitif le privilège dřéchapper au discours <strong>du</strong> Maître, écrit ChristianDemoulin. 9Lucien Bonnafé, psychiatre, témoin de lřhécatombe des malades mentaux pendant la deuxième guerremondiale, mais témoin aussi des capacités de résistance des « aliénés » sortis des murs, disait, faisantallusion au traitement réservé aux malades mentaux par la France de Vichy : « Le fou est un sujet qui résiste,proteste, et tente de dire autrement. » 10 Ce qui situe une fois de plus le fou dans un rapport social.Bien que le schizophrène échappe au discours <strong>du</strong> Maître, il nřest pas toujours sans rapport social. Or, dansune logique lacanienne, qui dit lien social dit discours.Quřen est-il de ce lien social avec le schizophrène qui, comme lřavance Lacan dans L’étourdit, « se spécifiedřêtre pris sans le secours dřaucun discours établi » 11 , ce qui nřimplique dřailleurs pas quřil ne soit pris dansaucun discours.Considérons « la palabre » comme un discours non établi faisant lien social particulier en délimitant un« espace <strong>du</strong> dire ».En quoi consiste « la palabre » telle que je lřavance ?La palabre est un discours qui se base sur lřab<strong>du</strong>ction, cřest un discours ponctué par des hypothèsesab<strong>du</strong>ctives permettant un dialogue sans fin toujours repris.Ces hypothèses viennent ponctuer sans conclure, sans jamais vraiment clore le discours.Quřest-ce que lřab<strong>du</strong>ction ?Dřaprès Charles Sanders Pierce, nous raisonnons de trois façons : par in<strong>du</strong>ction, par dé<strong>du</strong>ction et parab<strong>du</strong>ction 12 .Par dé<strong>du</strong>ction, je révèle une loi qui prédit un résultat certain.Par in<strong>du</strong>ction, je formule une loi probable à partir dřune série de résultats, mais un résultat qui contredit cetteloi, annule lřin<strong>du</strong>ction.Avec lřab<strong>du</strong>ction, je suis face à un résultat curieux, inexplicable. Il sřagit alors de trouver une hypothèse quirendrait ce résultat non plus curieux mais probable. Ce raisonnement est typique des découvertesscientifiques révolutionnaires, EPPUR SI MUOVE ! Cřest une hypothèse parfois hasardeuse qui est soumiseà sa propre faillibilité, elle est comme un pari. Tant quřelle donne des résultats concluants, lřhypothèsetient. Celles de Sherlock Holmes pourraient en être une illustration.L'ab<strong>du</strong>ction est donc un processus pendant lequel une hypothèse est générée selon laquelle des faitssurprenants, déraisonnables, peuvent être expliqués et en deviennent « dicibles ».Dans son séminaire de 2003-2004, La querelle des diagnostics, Colette Soler parle, à propos de lamodernité, de « discours épiphaniques » 13 , discours fondant des liens sociaux « épiphaniques » : « les lienssociaux non établis sont des discours qui sřautorisent dřun dire contingent pour établir pendant un temps, etpour quelques uns, un lien qui nřest pas dans le programme des discours établis, » mais lien quand même !8 G Devereux, essais dřethnopsychiatrie générale, Gallimard.9 Chr.Demoulin; Hors discours, « les psychiatres et la psychanalyse aujourdřhui, GRAPP 1988 Paris, Diffusion Navarin/Seuil.10 L Bonnafé, Désaliéner ? Folie(s) et société(s) presses universitaires <strong>du</strong> Mirail.11 J.Lacan, « Lřétourdit », Scilicet, 1973, Autres écrits.12 www.crocodilus.org/philosophie.13 C Soler : La querelle des diagnostics, séminaire 2003-2004, p102.Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 20 octobre 2007ACTES17
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