Michel CODENSIl y a trente ansIl y a trente ansMichel CODDENSBruxellesPouvoir comprendre que les choses sont sans espoir et cependant être décidé à les changer.F.S. Fitzgeraldl y a 30 ans, jřétais engagé comme jeune psychologue dans un IMP, un Institut Médico-Pédagogique, quiI accueillait Ŕ et qui accueille toujours Ŕ des jeunes dit caractériels, des jeunes présentant donc des troubles<strong>du</strong> comportement. Y sont donc rassemblés des enfants et des adolescents « triés » sur la seule base de leurssymptômes, ce qui nřest pas indifférent.Cet engagement survenait peu après mon entrée en analyse. Jřétais sur le point dřêtre candidat à lřEcole belgede Psychanalyse. Cřest dire que jřétais très directement dans un processus de formation analytique.Alors, habité par la ferveur <strong>du</strong> néophyte, jřallais intro<strong>du</strong>ire la psychanalyse Ŕ et la psychanalyse lacanienneencore bien Ŕ dans cette institution. Je me sentais lřâme dřun missionnaire parti civiliser les sauvages. Nřavoirrien per<strong>du</strong> de cette ferveur au cours de toutes ces années me réjouit par ailleurs.Evidemment, les choses ne se sont pas passées comme je le fantasmais, en dépit de la grande liberté dont jřaitoujours bénéficié dans cette structure.Mon action sřest construite selon deux axes : les entretiens, les colloques singuliers et les réunions dites desynthèse.Je mřétais mis en tête de mener des cures au sein même de lřinstitution. Naturellement, je me suis rapidementheurté au discours <strong>du</strong> maître qui y faisait lien social. Ce que lřinstitution attendait de moi, cřest que par la seuleparole, par les seuls pouvoirs de la parole, jřéradique le symptôme perturbateur. Le bon psy, cřétait celui quiparvenait à faire taire le symptôme, cette clocherie.Cřétait donc le malenten<strong>du</strong> : il y avait mon désir dřemmener le jeune à mettre en mots ce qui faisait nœud pourlui, de lřemmener à dialectiser les choses de manière à raboter sa jouissance, la chute <strong>du</strong> symptôme venantéventuellement de surcroît, et il y avait le discours de lřinstitution sur le silence à obtenir <strong>du</strong> jeune, sur sabonne scolarité et sur son renouage avec la famille, avec comme toile de fond, faire de lřUn, moyennant onaurait pu écrire lřun-stitution. Cette institution est toujours engluée dans les poncifs de lřidéologie« familialiste », famille où, chacun sait, tout le monde est uni.Et malgré ce malenten<strong>du</strong>, jřai obtenu avec certains enfants des résultats thérapeutiques à la Dolto. Je pense àcette fillette mutique qualifiée de psychotique Ŕ puisque ne disant pas un mot et poussant des cris inarticulésdans les couloirs. La direction de lřinstitution envisageait donc de lřorienter vers une structure pour autistes.Persuadé quřelle nřétait pas psychotique, je mřy suis opposé de toutes mes forces : son mode de présence aumonde et aux autres nřétait pas celui de la psychose et une réorientation vers la base dřun seul symptômemřapparaissait vraiment abusive. Il se fait que, lors dřun entretien avec la fillette et sa mère, elle sřest mise àparler. Ce nřétait bien sûr pas un miracle. Mon interprétation avait levé ce qui, dans cette famille, devait êtretu : la mort dramatique dřun enfant mis, depuis son décès, dans la position dřun Autre surmoïque et terrifiantqui épiait faits et gestes de la gamine et lřengagement <strong>du</strong> grand-père dans la Légion Wallonie de Degrelle,donc dans la Waffen-SS. Il y était officier.Le symptôme insupportable pour lřinstitution, le symptôme qui lui faisait horreur étant chu, la gamine a fait sonpetit bonhomme de chemin et a quitté lřinstitution quelques mois plus tard. Donc, la méprise était complète :jřétais content parce quřun symptôme grave avait chuté, lřinstitution était contente car lřangoisse et lřhorreurgénérées par ce symptôme étaient dissipées. Ce qui a été pour cet enfant changement a été pour lřinstitution64Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 20 octobre 2007ACTES
Michel CODENSIl y a trente anssoulagement dřun déplaisir…Il est certain que ma formation psychanalytique nřest pas étrangère à ce gain thérapeutique. Mais était-ce pourautant de la psychanalyse ? Non, bien sûr, car la pratique de lřanalyse est tout simplement impossible danslřinstitution. Parce que ce qui est demandé à lřanalyste, cřest de contribuer au discours au maître, de sřen fairele complice, de sřen faire lřinstrument. Autrement dit, on lui demande dřaligner lřenfant et sa famille sur lesidéaux de lřinstitution, de les y adapter. Tout comme on demande aux parents dřêtre de bons parents, cřest-àdiredes parents qui correspondent aux préjugés drainés par le discours <strong>du</strong> maître.Et vous savez que cřest lřune des grandes difficultés que charrie lřinstitution, cřest que les a<strong>du</strong>ltes sřidentifient àlřimage de bons parents, sans se rendre bien sûr compte de ce quřils ne font que repro<strong>du</strong>ire ce que leurspropres parents ont laissé comme traces dans le surmoi. Et que là où les parents réels ont échoué, eux, cřestsûr, réussiront ! Donc, toute remise en cause par lřenfant ou par les parents de leur action est vécue commeune atteinte narcissique. Comment le leur reprocher dès lřinstant où lřinstitution, qui part <strong>du</strong> principe que cřestlřautre qui est malade, insuffisant, défaillant,… est censée pallier son défaut ?Un défaut de préférence biologique, social ou familial, celui-ci permettant au travailleur de ne pas sřinterrogersur la part quřil prend dans son engagement professionnel, donc de ne pas sřattarder sur son propre désir, sespropres fantasmes. Par exemple, quand ces assistantes sociales qui veulent faire un « travail familial », quiveulent « changer la famille » entrapercevront-elles que leur action procède <strong>du</strong> fantasme <strong>du</strong> roman familial <strong>du</strong>névrosé qui fait espérer des parents plus méritants; plus glorieux que les nôtres ?Au bout dřun certain temps, jřai décidé de ne plus entamer de guidances dans lřinstitution, de ne plus faire dethérapies, ce qui ne mřa jamais empêché dřavoir des conversations avec les jeunes ou leurs parents. Et de lesmener en me servant des outils que Freud et Lacan nous ont donnés.Lacan nous a donc donné des outils qui nous permettent de repérer la structure en jeu. Ceux qui travaillent enIMP savent que, de plus en plus, ceux-ci sont envahis par des enfants et/ou des adolescents psychotiques,soit quřil sřagisse de psychoses non déclenchées, soit quřils soient délirants et en proie à des hallucinations, ceque les travailleurs de lřinstitution pointent rarement.Une chose que jřai quand même fréquemment remarquée, cřest que des enfants ou des adolescents eninstitution présentent des hallucinations qui ne sont pas repérées comme telles par les travailleurs. Aussi bien,ceux-ci sont stupéfaits lorsque je leur fais remarquer que tel jeune ne cesse pas de délirer, à bas bruit, certes,mais cela nřen reste pas moins <strong>du</strong> délire.Sans parler des effets que peut avoir le transfert que des travailleurs font sur ces jeunes. Il y a quelquesannées, je bavardais avec une grande adolescente de lřinstitution et jřentendais bien quřelle tenait un discoursdélirant, très paranoïaque. Jřen parle à la psychiatre dřalors, une thérapeute familiale. Et quelle nřest pas mastupéfaction de lřentendre me dire que, non, pas <strong>du</strong> tout, cette jeune fille Ŕ quřelle aimait vraiment beaucoup Ŕnřest pas délirante, elle est tout au plus abandonnique et dépressive… ? Quelques mois plus tard, après avoirquitté lřinstitution, cette jeune femme était colloquée… Inutile donc dřinsister ici sur le manque scandaleux deformation de ces travailleurs.Le repère de la structure reste pour moi essentiel dans mon travail en institution car cřest ce repérage, cřest cediagnostic qui permettra de donner des indications aux travailleurs pour la poursuite de leur tâche et qui leurpermettra de dégager une pratique singulière pour chacun, cřest-à-dire, au bout <strong>du</strong> compte, de dégager unepratique qui tient compte <strong>du</strong> réel de la clinique. Il est clair quřon ne travaille pas de la même façon avec unenfant névrosé, le fût-il gravement, quřavec un psychotique. Il est tout aussi clair que ma position évoquedavantage celle <strong>du</strong> plus-un dans le cartel que celle <strong>du</strong> maître qui utiliserait la psychanalyse comme un savoirtotalisant, non barré.Cet encadrement <strong>du</strong> jeune, surtout sřil est psychotique, rend possibles deux choses : la chute de la fascination<strong>du</strong> travailleur devant telle histoire ou tel pathologie, lřapaisement de son angoisse et donc lřéconomie dřunpassage à lřacte qui, le plus souvent, prend la forme <strong>du</strong> renvoi. Car, il y a une chose dont jřai pris la mesure aufil des années passées dans cette institution, cřest lřhorreur et lřangoisse que suscite la psychose. Je pensevraiment que ce sont des données à prendre en considération dans le travail avec les jeunes.Lřaménagement <strong>du</strong> dispositif de vie, la mise en place dřune activité, lřarrivée dřun travailleur ou son départ, unréaménagement <strong>du</strong> groupe de vie qui coupe court à certains effets imaginaires propres à tout groupe social(par exemple, les jeunes qui sřassocient par types de symptômes)… ont souvent plus dřeffet que lřinstaurationdřun « groupe de parole » où lřon supposerait que parler, rien que parler, a un effet bénéfique. Dřautant plusque ce groupe de parole favorise la création dřun Autre surmoïque aussi bien jouisseur que persécuteur quiAssociation des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 20 octobre 2007ACTES65
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