Luc GODARTA propos de la psychothérapie institutionnelleTous ces lieux nřont pas le même statut. Certains sont précaires, éphémères, différents et répétitifs, commepar exemple les arrêts de bus. Dřautres sont en mouvement, comme les places occupées dans les bus oupeut-être aussi les missions dont dřautres membres de lřhôpital de jour le chargent : lřachat des cigarettes,dřun ingrédient manquant pour la cuisine au magasin <strong>du</strong> coin ou de la place… Dřautres encore sont plusfixes : la salle dřattente, lieu de passage, bord de lřhôpital de jour et des consultations, quand celle-ci estpratiquement vide, mais aussi coin de table en périphérie <strong>du</strong> groupe au moment <strong>du</strong> dîner. Dans cet espacede lřhôpital de jour, Sylvain semble surtout investir des lieux à la marge au contact furtif en connectionsindirectes, à lřabri des autres, « Asile : lieu quelconque où l’on peut se mettre à l’abri d’un danger »Quelconque : non défini par lřintentionnalité des soignants ou de leurs propriétaires…Au Mali, « La rue n’appartient à personne » écrit Aboubakar Barry dans Le sujet nomade, ni la salle dřattente,pour autant quřelle soit suffisamment anonyme, ou peu déterminée pour quřelle puisse être investie?« Le concept d’espace est la clé de voûte de la construction <strong>du</strong> psychisme et l’évolution <strong>du</strong> dessin en est lereflet » (Claude Jeangirard psychiatre de la clinique à La Chesnaie, Soigner les schizophrènes, un devoird’hospitalité, Erès, 2006, p81). Il repère que dans les dessins des psychotiques (comme chez les jeunesenfants), il manque généralement la perspective, le plan sagittal. La ligne dřhorizon comme trou jamaisatteignable nřest quřune ligne de partage <strong>du</strong> sol et <strong>du</strong> ciel sans profondeur, alors que « la profondeur del’horizon fuit toujours devant nos pas, comme l’objet de désir qui se dérobe » (Ib. P.66)Donc, pas de point de fuite avec ses lignes de fuite convergentes, mais des lignes de fuite divergentes etchaotiques ; lřespace est à deux dimensions, surface sans profondeur, sans ternarité dimensionnelle. Si bienque « l’institution se doit de ménager empiriquement des lieux et des circonstances où chaque malade trouveson hospitalité selon sa trajectoire et son état <strong>du</strong> moment. »(ib. P. 97). Il faut rappeler que lřétablissementpsychiatrique doit ménager des places et des moyens pour permettre quřil y ait de lřinstituant, travail toujoursen devenir, jamais établi.Cette place à construire dans lřespace est donc en rapport direct avec la construction de la place <strong>du</strong> sujet.Lřauteur sřappuie sur le géographe Augustin Berque qui développe le concept dřécoumène, « demeure del’humain, relation d’un groupe humain à l’éten<strong>du</strong>e terrestre » (in Ecoumène, intro<strong>du</strong>ction à l’étude des milieuxhumains, Belin, 2000, p13).« Topos désigne toujours le lieu où se trouve ou est situé un corps. Et le lieu est indissociable de laconstitution de ce corps, c'est-à-dire de son mouvement. Mais quand Platon explique que chaque réalitésensible possède par définition une place, une place propre quand elle y exerce sa fonction et y conserve sanature, alors il utilise le terme de chôra. » (JF Pradeau, cité par A. Berque, ibidem, p.23).Construire cette place, cřest dégager la forme <strong>du</strong> fond« Il y a de la forme, <strong>du</strong> rythme, <strong>du</strong> fond, quelque chose qui se manifeste. Dans la schizophrénie, c’est tout çaqui est difficile, et pourtant c’est ça qui doit se faire. Dubuffet parle de projection ; « ça gicle sur la toile » . Il araison. Voyez Soutine, par exemple. Il y a une sorte de giclage sur la toile. Mais au niveau schizophrénique, ils’agit de quelque chose qui n’en finit pas de se construire. » (Oury, op. cit., p.42)Un lieu à construire pour se construire soi-même et son propre mouvement.Lřœuvre de Sylvain.Pas facile de persuader le ministère ou la direction de lřhôpital que le lieu thérapeutique où se construitSylvain sont les trajectoires de la TEC, que le bus est une extension de lřhôpital de jour et fait partie <strong>du</strong>paysage, modalité dřexistence de Sylvain.Cřest sans doute dans ces lieux chevêtres repérés par Deligny que le sujet se construit, croisement deslignes dřerres et des trajets routiniers, mais ça, cřest pour un autre colloque…Un petit passage pour terminer :« Une malade schizophrène avec un délire mystique, qui passait son temps à ramasser (comme For…) desvieux chiffons, bouts de laine, des bouts de fils. C’est très important pour elle de ramasser les débris <strong>du</strong>monde pour en faire quelque chose, pour édifier quelque chose. Et elle passait un peu de crayon de couleurssur de vieux chiffons usés… mais ça faisait une œuvre quand même(…) C’était elle-même qu’elle ramassait,les débris épars de son corps éclaté. Il n’y avait pas d’échange au sens habituel, c’était un échange avec ellemêmeet un effort de rassemblement pour faire un rythme » (Oury, op.cit, p.40).78Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 20 octobre 2007ACTES
Luc GODARTA propos de la psychothérapie institutionnelleSylvain se dépose, se rassemble un temps par son écriture sur ses papiers quřil emporte soigneusementavec lui, « ça fait une œuvre quand même et un effort de rassemblement… ».« Ça avait attiré l’œil de certains (visiteurs, médecins et d’autres) qui se sont dit : Oh ! cette pauvre dame quiramasse ses détritus, on va lui faciliter le travail ». Alors, ils lui ont acheté de l’étoffe et <strong>du</strong> fil en bobine, etc. etça a été foutu ! »Alors, si vous rencontrez Sylvain dans un bus ou lřautre, surtout ne lui offrez pas de cahier propre pour écrire,laissez-le attendre son prochain bus…Barry A., Le sujet nomade, lieux de passage et liens symboliques, LřHarmattan, 2003.Berque A., Ecoumène, intro<strong>du</strong>ction à l’étude des milieux humains, Belin, 2000.Boiral P., Bourdouil G., Milhau J., (sous la direction de…), Deligny et les tentatives de prise en charge desenfants fous, l’aventure de l’aire (1968–1973), Erès, 2007.Jeangirard C., Soigner les schizophrènes, un devoir d’hospitalité, Erès, 2006Oury J., Création et schizophrénie, Ed. Galilée, Coll. Débats, Paris, 1989.Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de Wallonie (Belgique)Colloque <strong>du</strong> 20 octobre 2007 ACTES 79
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