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juin 2012 - BIR HAKEIM – 70 ans

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CARNETSquitter, nous venons de terminer de casser la croûte et de boireun bon coup de thé, après une journée vraiment terrible. Depuisles quelques heures qui viennent de s’écouler, après avoir faitmon journal, nous avons reçu deux bombardements par avion,deux vagues de 25 avions à chaque fois, vraiment ce n’est plustenable. Pendant ces bombardements, les minutes paraissentdes heures. Combien de fois j’ai embrassé ma petite sainteThérèse, que j’ai à ma plaque d’identité, peut-être vingt fois. Jetiens d<strong>ans</strong> ma main mon petit porte-photos avec ma sainteThérèse, puis la petite photo d’Yvette.Combattants du bataillon du Pacifique à Bir Hakeim (coll. particulière).d’accalmie pour aller aux nouvelles. Il revient en nous disant quenotre bataillon fait demi-tour pour nous rejoindre, puis qu’il y aeu des morts, plusieurs blessés et plusieurs camions brûlés, celane nous met pas de baume au cœur. Il nous recommande derester d<strong>ans</strong> le trou toute la nuit. Nous sortons du trou en vitessepour aller d<strong>ans</strong> le camion chercher nos couvertures. J’en profitepour sortir ma petite valise contenant mon journal. Nous nousinstallons d<strong>ans</strong> le trou ; nous sommes trois, nous sommes obligésde recouvrir le trou avec des couvertures, retenues par des sacsde sable pour que le vent de sable ne rentre pas. Quelle chaleur !Je peux à peine me retourner, mes épaules touchent les côtés dutrou. Gazengel est obligé de mettre ses jambes sur les miennes.Vers les 7 heures, les 75 se mettent en branle, les 105 arriventau-dessus de nous. Je suis long à m’endormir. Je n’arrête pas defumer, le sable arrive à pénétrer, j’ai mal à la tête et, de plus, avectoute cette bagarre, je n’ai pas mangé. Ce matin, réveil au jour. Lanuit n’a pas été trop mauvaise, nous ramassons nos couvertures.Je fais un peu de nettoyage d<strong>ans</strong> mon camion, ce n’est pas lesable qui manque ! Les copains reviennent du jus, Gazengel m’enapporte un quart. Trois avions de reconnaissance boches noussurvolent, puis repartent. Nous remplissons des sacs de sablepour faire un plafond sur notre trou, renforcé avec une porte debenne de camion. À peine le deuxième sac rempli, nous entendonsun obus de 155 siffler ; instantanément, nous nous couchons,puis aussitôt d<strong>ans</strong> le trou. Le duel d’artillerie commence, puis lesavions viennent nous bombarder. Nous sommes blottis d<strong>ans</strong> cetrou comme des bêtes traquées. Les avions viennent par vaguesde 15 à 20 appareils, laissant tomber des bombes contenantd’autres petites bombes éclatant en 5 à 6 minutes après.Nous étions six d<strong>ans</strong> le trou à un moment, deux sacs de sable ontété projetés d<strong>ans</strong> le trou par un éclat de bombes, quelle frayeur !On a toujours l’impression que la bombe est tombée d<strong>ans</strong> le trou.Quel bruit peut faire cette quantité de bombes que portent ces25 avions… Il faut vivre ces minutes pour savoir [ce qui s’estpassé]. Je ne sais pas s’il y a eu des blessés, mais je sais que l’autode Dremon est complètement criblée, elle est considérée commeperdue.Jeudi 4 <strong>juin</strong> 1942, 392 e jourHuit heures du matin. Je viens d’aller chercher mon jus, puisrevenu en vitesse. Je profite d’un petit moment d’accalmie pourcontinuer mon journal, et, bien que je n’aie pas continué à causede quelques coups de canon ou de bombes à retardement, j’aiUn canon Bofor avec ses servants.Je reviens de mon trou j’ai dû arrêter pour m’y réfugier à causedes avions. Heureusement que, cette fois, ce sont les Anglais.Cela met un peu de baume au cœur : ils viennent de laisser tomberquelques pruneaux sur ces vaches de Boches. Vers les neufheures, ce matin, notre bataillon est rentré, Dremon et Blanchetsont venus nous voir et nous raconter leurs malheurs. Ils ont étémitraillés et bombardés drôlement, le pauvre Marcel Kollen 19 aété tué ainsi qu’un Tahitien, il y a eu une dizaine de blessés. Cecarnage s’est passé d<strong>ans</strong> le vent de sable hier. Vraiment, noussommes touchés en ce moment. Depuis ce matin, nous avons étébombardés trois fois. À l’instant où j’écris ces lignes, nos petits75 tirent sur les Boches. Je vais arrêter un moment. J’ai mal à latête. Mes yeux se ferment tout seuls. Je suis à zéro.10 heures du soir. Je reprends la plume. Lemaître, Dremon,Blanchet et Gazengel sont avec moi, Reveillon vient de nousUn canon de 75 à Bir Hakeim (coll. particulière).18Georges Magnier, né en 1916, engagé d<strong>ans</strong> les Forces françaises libres à Nouméa en janvier 1941, adjudant au bataillon du Pacifique.19Marcel Kollen, né à La Foa en 1912, employé de banque et acteur du ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France Libre, 1 re classe au bataillon duPacifique, tué lors de l’opération sur Rotonda Signali (1 er <strong>juin</strong> 1942).Juin <strong>2012</strong> • N° 44 l 39

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