ARTICLES DE PRESSELe siège de Bir Hakeim, vu par Émile BigioCet article d’Émile Bigio, correspondant de guerre du quotidien britannique Daily Express, est paru d<strong>ans</strong> sa version françaiseen décembre 1942 d<strong>ans</strong> le n° 20 de la revue France-Orient, éditée par le Bureau d’information de la France Combattanteaux Indes, sous la direction de Robert Victor, délégué du général de Gaulle aux Indes britanniques. Il est précédé duchapeau suivant :« On ne saurait se lasser de reprendre l’épopée que les hommes du général Kœnig ont tracée en lettres glorieuses d<strong>ans</strong>l’histoire. Pendant seize jours, Bir Hakeim a tenu tête à un ennemi jouissant d’une supériorité numérique écrasante, etlui infligea des pertes terribles. Voici quelques épisodes de l’héroïque défense de Bir Hakeim. »Tout comme Knightsbridge, Bir Hakeim était une des positionsclefs de la bataille qui a déferlé sur le désert occidental.La localité était située à l’extrême sud de nos lignes, perchéesur un plateau de deux milles carrés de surface. Un puits, desséchédepuis longtemps, qui perce cette hauteur en son beau milieu, adonné son nom à Bir Hakeim. Depuis leur installation d<strong>ans</strong> laplace, les défenseurs avaient semé tout autour, des champs de mines.Un formidable réseau de barbelés, et de nombreuses batteries de 75,qui entouraient toute la position, complétaient les défenses decette forteresse solide, contre laquelle Rommel avait fait peserpresque tout le poids de ses divisions blindées, depuis le début del’offensive. En effet, l’attaque initiale contre Bir Hakeim avait étédéclenchée par une bonne moitié de la division «Ariete», soutenuepar d'importants effectifs d’infanterie et une artillerie puissante.L’ennemi attaqua par le sud, sur un front très étendu. Un sergentde la Légion étrangère m’a dit :« Nous fûmes assaillis par au moins une centaine de tanks moyens,accompagnés de quelques monstres de première grandeur. Lorsquel’ennemi se trouva à 1 800 mètres, nous ouvrîmes le feu avec lessoixante-quinze que nous avions capturés aux forces de Vichyaprès la campagne de Syrie. Ce sont de merveilleuses pièces. J’ai puvoir, l’un après l’autre, les tanks frappés par nos obus se coucher surle côté comme des bêtes agonisantes. Puis ils explosaient, et leursdébris étaient projetés très haut d<strong>ans</strong> le ciel. D’autres véhiculess’arrêtaient soudain, apparemment indemnes. Leurs tourelles s’ouvraient,les hommes d’équipage surgissaient et se mettaient à courircomme des fous d<strong>ans</strong> le désert. Lorsque l’ennemi arriva à900 mètres de notre ligne, nous avions déjà détruit plus de quinzetanks, mais les autres continuèrent d’avancer, sous le martèlementincessant de nos canons. Deux chars s’engagèrent d<strong>ans</strong> le terrainminé. Par le plus extraordinaire des hasards, ils ne heurtèrentaucune mine. Ils se trouvaient à moins de 200 mètres de moncanon lorsqu’ils furent atteints. Frappés d’aussi près, ils volèrentlittéralement en éclats. »Après la première attaque, les Français comptèrent sur le champde bataille trente-sept tanks mis hors de combat. Pour être sûrsqu’aucun de ces chars ne serait récupéré et réparé par l’ennemi,ils dépêchèrent pendant la nuit des patrouilles qui achevèrent dedétruire les véhicules endommagés.Au cours de la seconde journée, aucune bataille ne se développa.Mais certains détachements français de reconnaissance annoncèrentau commandant que d’importants effectifs italiensavaient occupé de très fortes positions autour de Bir Hakeim,d’où ils commandaient toutes les voies d’accès à la place forteassiégée. En fait, les Français étaient cernés. Les intentions desItaliens étaient claires. Constatant qu’ils ne pouvaient pas enleverla position d’assaut, par suite des pertes sérieuses déjà subies, ilsvoulaient essayer d’affamer la garnison de Bir Hakeim, en l’assiégeantet en attaquant systématiquement toutes les colonnes deravitaillement.Le siège fut maintenu d<strong>ans</strong> toute sa sévérité pendant deux jours,mais au cours de ces quarante-huit-heures, les Françaismenèrent un tel train d’enfer, que l’ennemi fut finalement obligéde se replier sur des positions plus éloignées.Jour et nuit, des colonnes françaises effectuaient des sorties avec leurspièces de soixante-quinze, avec des armes automatiques, et surprenaientdes postes italiens qu’ils ravageaient, détruisant les colonnesde tr<strong>ans</strong>port ennemies, mettant hors d’action plusieurs tanks.Les Français savaient parfaitement que leur situation était précaire.Ils avaient de l’eau pour trois jours, mais dès les premières vingtquatreheures de combat, une centaine d’Italiens avaient été faitsprisonniers. Ensuite, un bataillon de troupes hindoues rallia lecamp avec des batteries de campagne, mais s<strong>ans</strong> aucune provisiond’eau. Les rations furent alors réduites à quelques gorgées parhomme. Un jeune colonel rassembla les soldats, leur exposa lesdifficultés de la situation et leur dit que lorsque les réserves d'eauseraient épuisées, il ne leur resterait plus qu’à prendre la formationde combat et à se précipiter avec leurs canons à travers les lignesitaliennes. À aucun moment il ne fut question de se rendre. Auxdemandes de reddition, présentées à deux reprises par l’ennemi,les Français répondirent par un mot historique. Pendant latroisième nuit du siège une patrouille rallia le camp avec uncamion-citerne pris à l’ennemi. Il contenait douze mille litresd’eau. Le lendemain, une colonne britannique de ravitaillementforçait le passage et arrivait à Bir Hakeim.C’est à partir de ce moment que les Allemands jugèrent opportund’intervenir, vu que les Italiens étaient incapables de remporterle succès escompté : Rommel dépêcha sa 99 e division d’infanterie,appuyée par plusieurs détachements de ses Panzers. Lesnazis n’eurent pas plus de succès que leurs alliés. L’ardeur desFrançais, ajoutée à leurs soixante-quinze, repoussa les assaillantsà tous les coups. Même les terribles Stukas ne purent apporteraucun changement à la situation.Et ce n’est que par ordre supérieur, qu’au bout de seize jours,en emmenant tous leurs prisonniers et leurs canons, ils sereplièrent, d<strong>ans</strong> une sortie aussi héroïque que le siège.Émile Bigio,Correspondant de guerre du Daily Express44 l Juin <strong>2012</strong> • N° 44
ARTICLES DE PRESSEL’enfer de Bir Hakeim, par Edward KennedyEdward Kennedy (1905-1963) est un correspondant de guerre au service de l’agence de presse américaine Associated Press.Il est particulièrement connu pour avoir été le premier à annoncer la capitulation allemande à Reims, d<strong>ans</strong> la nuit du7 au 8 mai 1945. Comme celui d’Émile Bigio, son article a été publié d<strong>ans</strong> sa version française d<strong>ans</strong> le n° 20 de la revueFrance-Orient en décembre 1942, précédé du chapeau introductif suivant :« Quelque part d<strong>ans</strong> le désert libyen, Edward Kennedy, correspondant de guerre de l’Associated Press, a assisté à l’arrivéede la colonne des Français libres, qui pendant seize jours ont héroïquement tenu la place forte de Bir Hakeim, résistantà toutes les attaques d’un ennemi puissamment armé. Edward Kennedy a pu s’entretenir avec un des soldats de laFrance Libre, qui lui a confié ses impressions. »Un caporal de la Légion étrangère de la France Libre m’a fait del’épopée de Bir Hakeim le récit suivant :« D<strong>ans</strong> la matinée du 22 mai, de forts contingents d’infanterieitalienne, appuyés par un certain nombre de tanks, déclenchèrentune puissante attaque contre notre position de Bir Hakeim. Dèsque l’ennemi fut en vue, nous ouvrîmes le feu avec nos soixantequinze,causant de grands ravages d<strong>ans</strong> ses rangs. Un certain nombrede tanks furent mis hors de combat, et les troupes italiennes, voyantqu’elles ne pouvaient pas compter sur un concours efficace deséléments blindés, se retirèrent et installèrent leurs positionsplus loin.Ensuite, ce fut au tour des Allemands d’intervenir. Continuellementune pluie d’obus s’abattait sur nous, pilonnant tous les recoins denotre position. À travers les nuages de poussière et de fuméesoulevés par les explosions continues, nous apercevions lessilhouettes des soldats de l’Axe, qui essayaient de tirer profit dupuissant feu de barrage de leur artillerie pour emporter la placed’assaut. Mais nos soixante-quinze ripostaient fermement et avecefficacité au feu de l’ennemi.Le 2 <strong>juin</strong>, à 4 heures de l’après-midi, deux officiers italienss’approchèrent de nos lignes, en auto. Ils faisaient flotter un drapeaublanc. Ils furent admis à l’intérieur de notre place forte, aprèsqu’on leur eût bandé les yeux. Ils apportaient une demande dereddition de la part de Rommel. Le message disait : « Nousdemandons votre capitulation, sinon vous serez tous exterminés. »Naturellement, notre commandant ne prit pas en considération lademande de l’ennemi. Alors se déclencha contre notre position unesérie infernale d’attaques et de bombardements ininterrompus.Les coups se succédaient à une cadence effrayante, et on aurait ditqu’un ouragan surnaturel se fût soudain abattu sur nos têtes. Nousavions parmi nous le bataillon du Pacifique, formé en majeurepartie de volontaires de Tahiti et de la Nouvelle-Calédonie quiaffrontaient le feu pour la première fois. Ils se comportèrent defaçon magnifique.Ensuite vint une autre demande de reddition. Les Italiens nousfirent dire que nous ne devions nourrir aucun espoir de nous entirer, et que nous étions condamnés à périr si nous ne nous rendionspas. Pendant la nuit, l’ennemi envoya des patrouilles, d<strong>ans</strong> le butd’enlever les mines que nous avions posées autour de notre placeforte. Les détachements ennemis s’approchèrent tellement d<strong>ans</strong>l’obscurité, que nous entendions leur voix. À coups de mitrailleuses,nous couvrîmes toute la surface occupée par ces patrouilles quidurent battre en retraite s<strong>ans</strong> avoir pu mener leur tâche à bien.Le mercredi nous fûmes attaqués par les avions. Plus de soixantedixavions ennemis se ruèrent sur Bir Hakeim, toute la journéedurant, faisant pleuvoir leurs projectiles sur nous. À la tombée dela nuit, de nouvelles escadrilles vinrent nous bombarder. Si l’onpense que Bir Hakeim a une longueur de huit kilomètres et unelargeur de six kilomètres, on se rendra compte du nombre debombes qui vinrent percuter d<strong>ans</strong> une surface aussi petite.Mais la RAF ne demeura pas un seul instant inactive.Constamment elle abattit les ouvrages que l’ennemi avait édifiésautour de la place, gênant sérieusement toutes les tentativesd’attaque ébauchées par l’Axe.Les troupes britanniques firent de sérieux efforts pour venir noussoulager de la pression terrible dont nous étions l’objet. Mais leseffectifs de nos alliés avaient d’autres chats à fouetter à cemoment-là.Pendant les rares instants d’accalmie, lorsque nos pièces netiraient pas continuellement, et que les canons de l’ennemi setaisaient, nous pouvions entendre au loin le grondement del’artillerie britannique. Ces détonations lointaines nous apportaientl’espoir et nous incitaient à résister de toutes nos forces. Mais àaucun moment, nous n’eûmes l’impression que nos camaradesavaient pu s’approcher de nous. Toutefois, nous entretenions uneconfiance aveugle en nos chefs, le général Kœnig et le colonelAmilakvari, un Russe, commandant de la Légion étrangère 1 ,lequel comme tous les légionnaires commença sa carrière militairecomme simple soldat.À aucun moment nous n'avons réellement manqué de nourriture.Mais les attaques toujours plus puissantes, se succédaient à unecadence croissante. Aucune aide n’était en vue. La nuit dernière,nous reçûmes l’ordre de nous tenir prêts. Chacun de nous s’armade son fusil et s’équipa d’une ration de nourriture et d’eau. À21 heures 30 nous chargeâmes nos camions et nous prîmes laformation en colonne.À minuit, nous établîmes un premier contact avec l’ennemi. Nousle rencontrâmes d<strong>ans</strong> une obscurité très dense, coupée par endroitspar les lueurs des mitrailleuses qui tiraient s<strong>ans</strong> arrêt d<strong>ans</strong> la nuit.Nous étions en formation de combat, baïonnette au canon, et nosgrenades à main parées. Sur l’ordre du capitaine Morel, nouschargeâmes. Avant d’avoir pu nous en rendre compte, nous étionsd<strong>ans</strong> une tranchée. Trois Allemands se dressèrent devant nous. J’entuai un, le capitaine mit le second hors de combat, et le troisièmes’enfuit. Pendant que d’autres Allemands accouraient pour nousbarrer le passage, les mitrailleuses, guidées par le bruit du combat,1Le colonel Amilakvari, qui avait été décoré de la croix de la Libération par le général de Gaulle, et du Distinguished Service Order (DSO) après BirHakeim, a été tué à la tête de ses troupes lors des premiers assauts sur El Alamein, au début de l’offensive actuelle.Juin <strong>2012</strong> • N° 44 l 45
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