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juin 2012 - BIR HAKEIM – 70 ans

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MÉMOIRESÀ l’heure du déjeuner (nous avions du mal à y croire), tout était finiet calme… si ce n’est que nous étions encerclés.Le 1 er <strong>juin</strong>, les Français lancèrent une offensive par l’envoi d’unecolonne depuis Bir Hakeim vers Rotonda Signali, situé à unecinquantaine de kilomètres derrière les lignes de l’Axe et directementpar leur travers. Après d’âpres négociations, Alan obtint l’accord desFrançais pour que nous envoyions deux ambulances avecl’expédition. Après tirage au sort, c’est Kulak et moi-même qui fûmesdésignés. La colonne formée d’unités d’infanterie et d’artillerie prit ledépart vers midi, roulant hors pistes en direction du nord à traversle désert.Cette expédition démarra sous de mauvais auspices dès le début.Nous subîmes trois mitraillages aériens successifs à peine sortis ducamp. Plusieurs véhicules blindés furent touchés et nous eûmesquelques pertes à déplorer. Kulak fit demi-tour pour ramener lesblessés à Bir Hakeim, tandis que je continuais avec le convoi. Nousinstallâmes le campement pour la nuit, largement dispersés, au casoù la Luftwaffe nous localiserait et nous bombarderait. Notre protectionanti-aérienne était très rudimentaire. Soudain, nous perçûmes unvrombissement et un groupe de trois Messerschmitt 110 apparut envol rasant. Au cours de cette approche, ils ouvrirent le feu à lamitrailleuse et au canon. La première attaque ne provoqua quequelques blessés légers, que le médecin et moi-même prîmes encharge. Au moment où nous terminions de p<strong>ans</strong>er un de nos gars, lesavions amorcèrent une deuxième passe, beaucoup plus destructrice.Ils utilisaient la même tactique que la première fois. Tandis que nousnous jetions à terre, l’un des avions ouvrit le feu directement surl’ambulance que nous avions évacuée à la hâte. Une rafale d’obustraçants s’abattit de part et d’autre de l’ambulance isolée, lamanquant, ricochant d<strong>ans</strong> un fossé, où ils incendièrent au passageun camion citerne de carburant. À partir de cet instant, les attaquesse répétèrent s<strong>ans</strong> interruption jusqu’à la nuit tombée, avec desbombes légères et au canon. Finalement, nous rassemblâmes nosblessés, quelques-uns gravement atteints, et improvisâmes un hôpitald<strong>ans</strong> un creux de terrain entre deux collines. Une balle perdue avaitpulvérisé l’éclairage intérieur de mon ambulance ; j’en fus doncréduit à actionner la dynamo d’une lampe portative, tout en aidantle médecin qui s’affairait sur les blessés.Comme la colonne devait repartir dès le matin suivant, il apparutnécessaire d’évacuer les blessés. Nous réclamâmes par radio à BirHakeim l’envoi d’un convoi de secours d’ambulances. Alan et tousnos conducteurs prirent immédiatement le départ cette nuit même.Après un trajet éprouvant à travers le désert, ils arrivèrent au pointde rendez-vous à 7 heures du matin.Par chance, un fort vent de sable nous protégea des observationsaériennes. Nous leur tr<strong>ans</strong>férâmes nos blessés avant de rejoindre leconvoi qui était reparti au lever du jour ; les secours se remirentimmédiatement en route vers Bir Hakeim. En chemin, à une vingtainede kilomètres de leur destination, Alan creva un pneu. Il insista pourque les autres ne l’attendent pas, car ils tr<strong>ans</strong>portaient des blessés.L’un des conducteurs de la Légion qui leur avait été affecté, un Perse,se joignit à lui pour l’aider. Pendant ce temps, et tout à fait à leurinsu, les Allemands positionnaient des forces importantes autour deBir Hakeim, d<strong>ans</strong> le but de lancer une attaque de grande envergurede la place forte, laquelle posait de gros problèmes opérationnelsd<strong>ans</strong> leur dispositif. Les huit autres ambulances parvinrent à se faufilerd<strong>ans</strong> le camp juste au moment où les Allemands commençaient leurbombardement. Alan n’eut pas cette chance. Il semble qu’il se trouvaiten fait à vue du camp lorsqu’un blindé le rattrapa et le captura.Quoi qu’il en fût, nous ne sûmes rien d’autre à ce moment là si cen’est qu’il avait disparu et n’avait pas reparu. Nous gardions l’espoirqu’il ait pu être récupéré par l’un de nos blindés opérant d<strong>ans</strong> cettezone. En fin de compte, cet espoir s’avéra vain et sa disparition futtrès vivement ressentie parmi nous.L’après-midi suivant, alors que nous nous reposions après avoirrejoint le convoi, nous reçûmes le message ahurissant annonçantque Bir Hakeim était encerclé, par des forces importantes qui plusest. Nous repartîmes alors instantanément d<strong>ans</strong> l’autre sens, prêts àcombattre. Une tempête de sable épouvantable faisait rage, provoquantune extrême confusion, mais nous parvînmes cependant à nousrassembler, bien que d<strong>ans</strong> la formation la plus incongrue (pour nepas dire d<strong>ans</strong> un désordre total), jamais vue sous les cieux du désertlibyen ! Après avoir roulé toute la nuit, nous atteignîmes les abordsdu camp retranché à l’aube, pour apercevoir l’artillerie allemandesur une crête à notre droite… vraiment trop proche à notre goût. Ilsemble qu’ils furent trop surpris pour ouvrir le feu avec suffisammentde rapidité, ce qui nous permit de négocier un passage en fileindienne à travers le champ de mines s<strong>ans</strong> autres dommages qu’unseul blessé. La plupart des obus étaient passés au-dessus de nous.En revenant à l’emplacement de notre tente, Kulak et moi-mêmeréalisâmes que les autres l’avaient, en notre absence, tr<strong>ans</strong>formée enun petit abri très bien sécurisé. La tente qui était une cible bien troptentante pour l’ennemi avait été démontée. L’entrée, renforcée pardes sacs de sable et des bidons d’essence remplis de sable, ainsi qued’une porte improvisée pare-éclats, offrait ainsi un abri très satisfaisant,bien qu’un peu étroit.Et d<strong>ans</strong> les journées à venir, nous allions certainement avoir besoinde ce type d’abri. La puissance de l’assaut commençait à se faire sentir.La quantité d’obus qui tombait sur notre position dépassait de loincelle que nous-mêmes tirions sur l’ennemi.Le calibre de l’artillerie ennemie apparaissait largement supérieur àcelui de nos propres pièces. Ils mettaient en batterie des canons quitiraient des obus d’un calibre deux fois supérieur aux nôtres et d’uneportée double. De plus, des escadrilles de Stukas se succédaient,tournoyant pour choisir des cibles bien précises, avant de piquer àtravers le barrage que notre artillerie anti-aérienne s’efforçaitpéniblement de leur opposer.Notre routine quotidienne pendant le siège était d’une simplicitéélémentaire. Nous nous levions juste avant l’aube, profitant de labrume épaisse qui recouvrait tout, percevions nos rations d’eau pourla journée… et avec un peu de chance un quart de café. Dès que lebrouillard s’était dissipé, nous rejoignions nos abris.Alors, avec une régularité de métronome, les canons des deux campsouvraient le feu. À partir de ce moment jusqu’à la nuit, durantlargement plus de douze heures, il nous était totalement impossiblede sortir de nos trous. Le bombardement et les tirs de mitrailleuses necessaient pas un seul instant. Pendant la majeure partie du siège,l’ennemi tira au minimum douze à quinze mille obus par jour. Quiplus est, d’énormes quantités de bombes s’abattirent sur nous aucours des attaques aériennes journalières. Nous avions la malchanced’être postés tout près de notre artillerie, de sorte que le plus fort dubombardement ennemi nous encadrait. Il ne nous fallut pas longtempsavant de prendre l’habitude de garder la bouche ouverte afin deparer aux surpressions des explosions les plus proches. Je perdis lecompte du nombre de coups qui atterrirent à moins de 40 mètres denos positions.Il semblait que les tentes de l’hôpital attiraient fortement lesbombardiers ennemis. Les tentes, qui n’étaient pas identifiées par lacroix rouge, constituaient certainement l’élément le plus visible denos positions. Il est certain que le GSD écopa du bombardement leplus intense de tout le camp. En un seul jour, un total de cent Stukaspiqua sur les tentes de l’hôpital. Les tentes furent rasées et tous lesblessés furent tués, laissant les survivants à proximité, y comprismon détachement, complètement sonnés. Au cours du raid le plusintense, cent dix-sept Stukas plongèrent sur notre secteur, chacunportant une bombe de cinq cents kilos.Mais il n’est pas possible de décrire les effets d’une telle explosion.Juin <strong>2012</strong> • N° 44 l 83

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