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juin 2012 - BIR HAKEIM – 70 ans

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MÉMOIRESavec ma courroie, je n’ai pas vu ces gens-là. Quand il a été questionde redémarrer le camion, bien sûr il n’est pas reparti. Les hommesvalides ont poussé, y compris le capitaine Simon, et le moteur aredémarré. On a continué notre route pendant un certain temps eton voyait au loin le point de ralliement, il y avait trois feux. Mais ily avait trois barrages de mitrailleuses constants à passer, c’étaitvraiment des rub<strong>ans</strong> de balles traceuses, il fallait passer ded<strong>ans</strong>, onn’avait pas le choix. On a eu de la chance de tous passer malgré desimpacts d<strong>ans</strong> le bas de caisse et des blessés qui ont été à nouveautouchés. On a eu une chance extraordinaire.On était parvenu ainsi au point de ralliement où nous attendaientdes ambulances anglaises, françaises et des camions. C’était unpoint de ralliement pour nous aider une fois sortis à évacuer le plusrapidement vers l’arrière.Quand je suis arrivé, il faisait presque jour. On a eu de la chance carun brouillard s’est levé sur le désert, ce qui nous a beaucoup servi,nous empêchant d’être repérés par les avions. Le docteur Durbachs’est vite occupé de ses blessés. Il y en avait une vingtaine d<strong>ans</strong> lecamion, les uns sur les autres, des pauvres gars qui avaient crié, quim’engueulaient parce que je les secouais. Mais ce n’était pas de mafaute, je ne pouvais rien faire d’autre. Quand j’ai fait ensuitel’inspection du camion, j’ai constaté qu’il y avait une rafale de tirautomatique entre les pédales de frein. J’avais eu mon tirailleur tuésur le marchepied, le support du rétroviseur côté droit était coupépar un éclat, une balle avait traversé le pare-brise juste au-dessus dema tête. Le plus fort de tout c’est que d<strong>ans</strong> la roue de secours logéederrière mon siège, entre la caisse et la cabine du camion, il y avaitun anti-char qui était non explosé ! On a eu une chance incroyable !J’ai toujours pensé et je pense toujours que le pauvre tirailleur estmort à ma place. Placé comme il était, debout sur le marchepied,moi assis, l’impact qui l’a tué était à hauteur de ma tête. S<strong>ans</strong> levouloir il m’a fait écran.StS : D<strong>ans</strong> quel état sort la 101 e compagnie auto de cette bataille deBir Hakeim ?RD : Au moment de la sortie, l’échelon arrière, le génie, l’intendanceainsi que la 101 e ne sont plus à El Adem. Tous ont été regroupésd<strong>ans</strong> la hâte à Bir Bu Maafes, car il s’est passé une choseextraordinaire la veille de la sortie. En effet le lieutenant Renault,parti inspecter l’état des pistes d<strong>ans</strong> la région de Bir Hakeim, estrevenu rapidement prévenir de l’imminence d’une attaqueallemande après avoir vu des chars allemands. Personne ne lecroyait, y compris le commandant Dulau. C’était pourtant vrai !L’alerte générale a alors été donnée et tout l’échelon arrière a eu letemps de mettre en route les camions et de là, partir d<strong>ans</strong> les plusbrefs délais. Grâce au lieutenant Renault, ils ont échappé à unedestruction totale. Après Bir Hakeim, je ne sais pas combien il estressorti exactement de camions, mais chez les conducteurs, il y enavait la moitié qui étaient restés, prisonniers ou tués.StS : Êtes-vous conscients à l’époque du retentissement de cettebataille de Bir Hakeim ?RD : Non, on ne s’est pas rendu compte tout de suite. D’abord onavait été très secoué. Nous avions perdu beaucoup de monde. Surles 3 <strong>70</strong>0 hommes de Bir Hakeim, on en a perdu environ 800 (blessés,prisonniers ou morts). Quand on est sorti de ce guêpier, on n’étaitpas anéanti. C’était pourtant le but de Rommel d’anéantir ce nid deFrançais Libres qui gênait. Le retentissement de tout cela, on l’a suaprès. Sur le moment on n’était pas informé, le général Kœnig avaitautre chose à penser. Par exemple, nous n’avons pas été informé dumessage du général de Gaulle au général Kœnig : « Sachez et dites àvos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes sonorgueil ». On a su tout cela par la suite. On s’en est rendu comptepar l’attitude des Anglais qui a toujours été très bonne envers nous,d’ailleurs, on était devenu un peu des héros. Cette brigade françaiselibre a tout de même permis le rétablissement des lignes dedéfenses anglaises sur El Adem. S<strong>ans</strong> cette résistance de BirHakeim, je pense que les troupes de l’Axe seraient arrivées au canalde Suez. Cela a permis aux Anglais d’amener de nouvelles troupeset de refaire une ligne de défense sur El Alamein.Puis il y a eu des notes de service qui nous ont expliqué que cen’était pas une défaite mais bien une victoire. Car beaucoupaffirmaient et considéraient que nous nous étions sauvés. Mais onne s’est pas sauvé, on a reçu l’ordre de sortir. On n’a pas fuil’ennemi, on l’a combattu les armes à la main. Et d’ailleurs il n’yavait pas d’autre solution, sinon on aurait été complètementanéanti, peut-être même fusillé par les Allemands. On s’est renducompte que l’on avait fait une grande chose et c’est la gloire de la1 re BFL. C’est toujours la gloire actuelle des anciens de Bir Hakeim.StS : J’ai l’impression qu’aujourd’hui coexistent plusieurs« familles » au sein des anciens de la 1 re BFL… Il y a ceux qui étaientà Bir Hakeim, ceux qui n’y étaient pas, le 2 e bataillon de Légion quiy était, et le premier qui n’y était pas…RD : Je ne crois pas que cela ait porté de conséquences, en tout caspas chez nous. D’ailleurs on n’en parlait plus, on en parlait peutêtreà la Légion. On avait fait quelque chose, on se disait untel n’estpas revenu, untel était prisonnier… cela s’arrêtait là. C’est plutôt dupoint de vue des récompenses que j’ai été un peu frustré. J’ai reçuune citation à Bir Hakeim : « Jeune conducteur, ayant toujours faitpreuve de belles qualités militaires… volontaire pour un convoi d<strong>ans</strong>la position de Bir Hakeim d<strong>ans</strong> la nuit du 7 <strong>juin</strong> 42 ; au cours de lasortie a réparé sous les tirs des armes ennemies son camion en panneet a réussi à le ramener d<strong>ans</strong> les lignes amies ».Mais on a juste oublié de dire qu’il y avait une vingtaine depersonnes ded<strong>ans</strong> ! C’est ce qui comptait ! Le camion, peu importe !Il a été mis à la ferraille ! Quand on m’a remis cette citation, je n’y aipas prêté tellement attention. J’avais la croix de guerre avec étoilesd’argent, j’étais content. Mais j’aurais dû demander à l’époque unerectification à cette citation. Parce que j’ai des preuves formellesqu’il y avait des gens d<strong>ans</strong> le camion, des gens à qui je ne peux pasdire que je leur ai sauvé la vie, mais la captivité, cela c’est sûr.D’ailleurs le général Simon m’a souvent dit par la suite : «Duval,c’estgrâceàvoussijesuislà». Et je lui répondais invariablement :« Vous savez mon général, on ne peut pas savoir ! Parce que vousseriez peut-être sorti d’une autre façon »…Le parcours de René Duval suit ensuite celui de la 1 re DFL : combatsd’El Himmeimat, campagne de Tunisie, débarquement à Naples,Monte Cassino, Italie du Nord, débarquement à Cavalaire, Lyon,campagne d’Alsace et campagne des Alpes jusqu’à la Victoire. Lebrigadier René Duval est démobilisé le 30 <strong>juin</strong> 1945 après une épopéed<strong>ans</strong> les rangs de la France Libre qui aura duré cinq années.En 2000, il publie un livre de souvenirs sous le titre «Mémoiresd’unvolontaire de la France Libre, 1940-1945 ». Aujourd’hui René Duvalvit paisiblement d<strong>ans</strong> la Manche, à Gouville-sur-Mer, à deux pas dulieu de son évasion de <strong>juin</strong> 1940.Jeunes volontaires de Coutainville (coll. particulière).64 l Juin <strong>2012</strong> • N° 44

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