HISTOIRENote sur les prisonniers de Bir HakeimS<strong>ans</strong> qu’on puisse écrire qu’il s’agitd’une énigme, remarquons que leproblème des prisonniers de BirHakeim n’est pas très bien connu. On neprétendra pas ici en faire une véritableétude, mais apporter quelques élémentsde réflexion sur ces oubliés de l’histoire dela France Libre.Combien étaient-ils ? Un état récapitulatifde 1944 pose autant de problèmes qu’ilen résout. Il donne les renseignementssuivants, pour un total de 683 prisonniers 1(en comptant les officiers) 2 :2 e bataillon de Légion : . . . . . . . . . . . 1073 e bataillondeLégion:............50GSD: ...........................13Atelierlourdn°1:..................5GEDn°1: .........................3BM2: ..........................174(dont 2 ne figurent pas d<strong>ans</strong> les listesremises par la brigade)1 re compagnie du génie : . . . . . . . . . . 56Parc d’artillerie divisionnaire : . . . . . 11Fusiliersmarins: .................151 er BIM: ......................... 41BP1: ............................4522 e CNA: ........................42101 e compagnieauto: ............111 er RA: ..........................601 re compagnie des tr<strong>ans</strong>missions : . . 48Les Français Libres disparus sur le NinoBixio (118), les rapatriés (11, dont 1 décédéaprès rapatriement), des évadés (5), lesdécédés en captivité(9) et les Autrichienset Allemands envoyés en Allemagne (3)sont compris d<strong>ans</strong> le total. Mais les documentsprécisent que d<strong>ans</strong> une listeadditionnelle figurent 19 prisonniersindiqués comme « pris à Bir Hacheim »par l’armée italienne. Or ils sont considéréscomme « non identifiés » et 3 d’entreeux ont « disparu en mer », donc lors dunaufrage du Nino Bixio en août 1942.Les identités des prisonniers, donc leurnombre, ont mis du temps à parvenir auxFrançais Libres qui comptabilisaientinitialement 829 disparus. Les premiersnoms ont été tr<strong>ans</strong>mis par l’intermédiairedu nonce apostolique du Saint Siège enposte au Congo belge. Ensuite, une listede 142 prisonniers a été envoyée par leComité International de la Croix-Rougeen juillet 1942, s<strong>ans</strong> donner l’adresse descamps où les prisonniers étaient internés.Les réticences italiennes ont au moinsune explication. À la suite des menacesitalo-allemandes pesant sur les hommesde la brigade – le traitement réservé aux« francs-tireurs » selon la Conventiond’armistice – le général Catroux avaitdemandé aux Britanniques que les prisonniersitaliens et allemands de Bir Hakeimévacués de la position soient restitués auxFFL 3 . Ce qui fut fait, mais a pris du temps 4 .Et comme la liste de soldats italiens etallemands n’a pu être fournie rapidement,l’envoi des renseignements plus précis surles prisonniers de la brigade a étéretardé d’autant.Des conditions d<strong>ans</strong> lesquelles ces prisonniersont été regroupés après la sortie,celles de leur tr<strong>ans</strong>fert en Italie, noussavons peu de choses. Les témoignagesdes Français ne sont pas nombreux 5 ,lesdocuments d’archives les concernant,non plus. Le ramassage des blessés par lesAllemands et les Italiens n’a pas étérapide. Certains blessés furent secourusdès le matin du 11 <strong>juin</strong>, d’autres plus tardd<strong>ans</strong> la journée, voire le lendemain 6 .Ilsfurent emmenés d<strong>ans</strong> des hôpitaux decampagne, puis d<strong>ans</strong> divers hôpitauxitaliens. Les prisonniers valides n’ont pasété bien traités à Bir Hakeim même.L’adjudant-chef Goubin de la 101 e compagnieauto dit qu’ils ont été laissés s<strong>ans</strong> eaupendant quatre jours, et qu’à cette occasion4 hommes sont morts, un est devenuaveugle. Il précise aussi que 18 Africainsont bu de l’essence, et sont eux aussidécédés.Emmenés à pied, à Benghazi, où ils sontrestés deux mois, les prisonniers ont étéscindés en deux groupes. Les Africains ontété requis pour travailler sur le port, lesautres ont été embarqués sur le NinoBixio, torpillé le 17 août 1942. Les rescapésdu naufrage et les Africains ont étéfinalement regroupés au camp n° 62, àBergame, les officiers étant internés aucamp n° 78 à Sulmona (l’Aquila). Letémoignage d’E. Goubin est accablantpour les autorités fascistes du camp n° 62 7 ,inquisitrices, tatillonnes et qui donnèrentpeu de nourriture aux FFL. Mais il préciseque les colis de la Croix-Rouge britanniqueont contribué à améliorer le sort desprisonniers à partir de la fin décembre1942. Au sujet des conditions de vie d<strong>ans</strong>le camp, les télégrammes et lettresenvoyés par les prisonniers parlent d’euxmêmes.En voici deux exemples (orthographerespectée) :– d’un caporal camerounais (31 octobre1942) : « moi javait fait prisoniers le11 <strong>juin</strong> 42 juskamentenant jai suiprisonniere.Moi je nesuipamal jai suitrebientparsantés il faut dire à Mon père etMamère que je suitre bient jai vequevousmanvoyé des jarachide et le vetementet la viande debufle et un chapautet deux pantalons et troi chemige et troiculottes et deux pairre des soulyé ».– d’un caporal du BP1 (1 er février 1943) :« veuillez m’envoyer s’il vous plaît unpetit colis de vivres de la croix-rouge, parexemple : des biscuits, chocolats, de laconfiture avec quelques bîtes de conserve,enfin tout ce que vous pouviez m’envoyer,j’en recevrai avec grand joie et j’espère lesavoir le plus vite possible ».Il subsiste peu de rapports de visites de laCroix-Rouge sur le camp n° 62. Nous n’enavons trouvé que pour le printemps etl’été 1943, pas pour 1942. Et il n’y est pasquestion des Di Gaullisti, uniquement desBritanniques. Les conclusions desenvoyés du CICR et de la Légation de1Au 31 décembre 1942, l’administration italienne comptait 681 prisonniers français « Di Gaullisti », 71 227 Britanniques, 446 Américains internés enItalie, selon David Rodogno, Il nuovo ordine mediterraneo, Torino, éd. Bollati Boringhieri, 2003, p. 452.2Remarquons au passage le nombre important de prisonniers des unités d’infanterie.3Au cas où il aurait fallu exercer des représailles.4Ces prisonniers ont été envoyés en AEF.5Il a été impossible de retrouver toutes les sources utilisées par le général Kœnig pour évoquer le sort des prisonniers d<strong>ans</strong> Bir Hakeim, Paris, RobertLaffont, 1971 p. 414-424.6Ainsi Léon Tartivot, du BIM.7Voir d<strong>ans</strong> ce recueil les réflexions sur la captivité en Italie d’A. Stuyvesant d<strong>ans</strong> les AFS letters.6 l Juin <strong>2012</strong> • N° 44
HISTOIRESuisse à Rome décrivent d<strong>ans</strong> l’ensembledes conditions de captivité correctes. Onapprend que beaucoup de prisonnierstravaillaient d<strong>ans</strong> des fermes, et d<strong>ans</strong> uneaciérie.Les derniers rapports, de novembre 1943,sont bien différents. Car le 8 septembre1943, la déposition de Mussolini a ici,comme d<strong>ans</strong> d’autres camps de prisonniersen Italie, d’importantes conséquences. Lesautorités du camp libèrent les prisonniers,les seuls à rester sont les malades. Aidéspar la population locale et les résistantsitaliens, mais traqués par les miliciensfascistes de la République de Salo et parl’armée allemande, une grande partie deces prisonniers sera reprise. Pour le campn° 62, les autorités helvétiques évaluaientà « une centaine » le nombre de ceux quiavaient réussi à passer en Suisse, maisnous ne connaissons pas le nombre deFrançais. E. Goubin est du nombre etreprendra la guerre avec une unité FTPd<strong>ans</strong> les Alpes. Du côté des officiers,W. Tardrew, R. Saunal et R. Ceccaldiont réussi une remarquable évasiondu camp n° 78. Avec l’aide des pays<strong>ans</strong>des Abruzzes, ils ont pu retrouver uneunité de la VIII e armée britannique aubout de trois mois 8 .Le sort de ceux qui se retrouvent à nouveauprisonniers est plus difficile à suivre. Lesmalades du camp n° 62 sont restés àBergame jusqu’au début de novembre1943. Puis ils ont été emmenés, commeles autres, en Allemagne. Comme lesarchives manquent, ou sont difficilesd’accès, nous ne savons rien de leurcaptivité jusqu’en mai 1945, ni de leurretour en France. D’indications fragmentaires,il ressort que certains Africains sontpassés d’Allemagne en France, à côté deChartres, puis ont été renvoyés enAllemagne au moment du débarquementde Normandie. Nous savons aussi que lesautorités de la France Libre recherchaientactivement deux légionnaires (un Autrichien,un Allemand) « rapatriés » en Allemagne.Mais en décembre 1944, le CICR disait qu’ilvalait mieux surseoir aux demandesconcernant ces légionnaires, compte tenudu danger qu’ils couraient… De sorte quenous ignorons, comme l’administrationfrançaise de l’époque, ce qu’ils sont devenus.L’histoire des prisonniers de Bir Hakeimest donc difficile à retracer. Les raisons ensont diverses, mais les relations distenduesentre la France Libre, la Croix-Rougesuisse et les Italiens d<strong>ans</strong> les mois qui ontsuivi la bataille, les conditions de laguerre après septembre 1943 ont jouéleur rôle. Pour aller plus avant, il faudraitpouvoir maintenant accéder aux dossierspersonnels.Jean-Marc Largeaud,Université François Rabelais,Tours8R. Saunal, Parcours d’un Français Libre, Paris, 2005, p. 107-114.Appel à contributionsHéritière de la RevuedelaFrancelibre, organe de l’Association des Français libres de 1946 à 2000, Fondation de laFrance libre publie des articles consacrés à l’histoire de la France libre, de son chef, le général de Gaulle, de sesmembres et des ses combats, jusqu’à la victoire de 1945.Longtemps organe de la mémoire française libre, la revue se veut aujourd’hui un relais entre cette mémoire, larecherche scientifique et la vulgarisation de la connaissance historique.Les auteurs désireux d’y contribuer doivent adresser leurs propositions d’articles :à l’adresse électronique suivante :sylvain.cornil@france-libre.netou par courrier postal à :Fondation de la France Libre 59 rue Vergniaud 75013 Paris.Juin <strong>2012</strong> • N° 44 l 7
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