MÉMOIRESL’analyse des fonctions de la fortification VaubanCe complexe de mines « Vauban » a été analysé comme suit parson concepteur d<strong>ans</strong> une brochure, « La vérité sur Bir Hakeim »,dont nous avons extrait les précisions techniques assorties decitations en italique :•une« bande de mines antichar » dense et continue (11 900 minesantichars), qui ceinture la position comme le rempart d’enceintede la fortification Vauban, est chargée d’opposer comme lui uneobstruction ultime majeure aux tentatives de pénétration en force.En faisant obstacle à la progression de l’assaillant, elle le maintientsous les feux de l’artillerie et des tirs rasants des 54 canons de75 antichars et armes lourdes des assiégés répartis, à l’affût, aulong de sa lisière.• cette bande est doublée autour du «fort»(construction rudimentaireen brique, qualifiée pompeusement ainsi par lesméharistes italiens) [3 100 mines antichars], de l’observatoired’artillerie au nord-ouest [1 400 mines antichars], et des « pillboxes », réduits antichars fortement armés à chacune des portesdu camp retranché qui jouent le rôle des « demi-lunes » protégeantles accès des fortifications de Vauban [1 400 mines antichars].• quatre marais de mines antichars, de moindre densité et deforme triangulaire en «V»inspirés des bastions de Vauban, étoilentson pourtour devant le fortin et les trois secteurs du dispositifternaire du point d’appui « sur des surfaces considérables(3 600 hectares) truffés d’éléments de champ de mines isolés de100 mètres de long – 2 mines par mètre – prolongent la protectiondes approches du point fortifié [63 300 mines antichars], renforcéssur leur lisière par 2 000 mines antipersonnel afin de dissuader leurdéminage, allant jusqu’à 3 km en profondeur ». Un espace déminéformant un entonnoir les sépare, il canalise les assauts del’adversaire sur les tirs rasants des antichars positionnés à l’abri enson goulot et assurent aussi la fonction essentielle des bastionsd’antan en maintenant l’assaillant sous les tirs combinés del’artillerie et des antichars de l’infanterie.• le rattachement à la ligne de défense Gazala-Bir Hakeim se faitpar deux bandes minées sur 8 km des deux branches du V[3 200 mines antichars].Le plan de mines de Bir Hakeim présente ainsi des analogiesfrappantes avec celui de Neuf-Brisach, modèle de fortificationVauban en terrain plat, son efficacité sera consacrée dès le premierassaut du 27 mai qui s’est soldé par la fuite des blindés de ladivision Ariete, laissant 32 chars sur le terrain dont la moitié avaitsauté sur les mines.Par la suite, l’incapacité des assauts germano-italiens, bloqués parle champ de mines sous les feux des Français, à emporter ladécision en dépit des pilonnages terrestres et aériens massifs surle camp retranché, montre que cet agencement a effectivementfonctionné avec succès selon les principes du système Vauban.Les notes de Rommel montrent en effet comment le dispositif demines a agi avec succès, selon les modalités de fonctionnement dece système : « la principale difficulté consistait à ouvrir des brèchesd<strong>ans</strong> les champs de mines sous le feu des troupes françaises... ». Eneffet, écrit-il, l’obstacle créé par le marais de mines maintenaitmes troupes d’assaut sur « un terrain caillouteux n’offrant aucunepossibilité de camouflage et le feu violent des Français ouvrait desbrèches d<strong>ans</strong> nos rangs ».Il comprend alors qu’un assaut par les blindés se heurterait à laredoutable efficacité de l’épais glacis de mines qui protège lesapproches du camp fortifié et déterminerait des pertes troplourdes : la densité de ce véritable rempart de mines jointe aux tirsrapides et tendus des 75 antichars empêcherait les rescapésd’obtenir la décision.L’avant-veille de la sortie de vive force des Français Libres,Rommel constitue pour en finir un puissant groupe de choc quidonnera l’assaut final sur un point faible repéré d<strong>ans</strong> le nordouest,devant le BM2.Cette formation, couverte par une forte concentration d’artillerieet un pilonnage sévère de la Luftwaffe, comprenait deux bataillonsde la division Trieste et onze Mark IV du régiment brandebourgeois,renforcés par trois bataillons de pionniers chargés d’ouvrir unpassage à travers le dispositif de mines qui ceinture le campretranché.En confiant au colonel Hecker, commandant le génie d’armée, lecommandement de ce groupe d’assaut dont la primauté donnéeaux pionniers était autant inhabituelle que leur nombre, Rommelrend implicitement un hommage marqué au concepteur dudispositif de mines qui protège la place et lui oppose une résistances<strong>ans</strong> failles.Le dernier jour précédant l’abandon de la position, Hecker lanceun ultime assaut avec ses troupes d’élite sur ce point faible de ladéfense, mais le soir, il avait seulement pu entamer le marais demines s<strong>ans</strong> parvenir à y pratiquer le passage qu’il ouvrira lelendemain... trop tard, la garnison s’étant évaporée d<strong>ans</strong> la nuit !Le chef d’escadron Laurent-ChamprosayLe chef d’escadron Laurent-Champrosay qui commandait lerégiment d’artillerie divisionnaire se vit confier la mission decouvrir « tous azimuts » les approches du camp retranché.Il ne disposait en tout que de quatre batteries de six canons de75 mm dont le nombre, le calibre et la portée étaient très inférieursà ceux de l’artillerie adverse qui se positionnait systématiquementhors de leurs atteintes ; il s’y ajouta au cours des opérations deuxcanons anglais de 25 livres, aux performances identiques récupéréssur le champ de bataille.Le dispositif « hors normes » qu’il imagina pour compenser cetteinfériorité patente, aussi original en soi que celui du complexeminé du capitaine Gravier, et parfaitement adapté comme lui auxspécificités du terrain, utilisait au maximum la supériorité descadences de tir du canon de 75 et sa maniabilité qui feront desravages chez l’adversaire.• Les six pièces d’une batterie sont partagées en trois sections, cequi permet d’en détacher une pour participer avec l’infanterie àd’éventuelles opérations volantes de commando ou de harcèlementde l’ennemi à l’extérieur du point d’appui.• Le front de batterie tel que l’a décrit le colonel Morlon présenteles six pièces « pointées sur un gisement de surveillance » et disposéesen quinconce, à 50 mètres les unes des autres, s<strong>ans</strong> que plus dedeux en soient alignées, afin de diminuer les risques de mitraillageaérien en enfilade.L’exécution des tirs s’effectue selon deux modalités :•le« tir de soutien » à un bataillon est commandé depuis sonobservatoire par le commandant de la batterie qui l’appuie, il endéfinit les éléments et dirige les réglages ;•Le« tir groupé », qui associe plusieurs batteries, effectue desinterventions foudroyantes aussi bien en tirs d’arrêt qu’en appuidirect, concentrées sur tous secteurs menacés.Elles sont décidées par le commandant Champrosay qui lescoordonne depuis son observatoire, dont l’état-major en calculeles éléments pour chaque batterie concernée et les tr<strong>ans</strong>metimmédiatement et directement à son lieutenant de tir. Le réglageest effectué ensuite par le commandant lui-même.52 l Juin <strong>2012</strong> • N° 44
MÉMOIRESPendant les derniers jours du siège, alors que plus de la moitié descanons du régiment avaient été détruits, il réussit des tirs correctementajustés et parfaitement alignés effectués par plusieurs canons debatteries différentes.L’invulnérabilité du camp fortifié découla de la complémentaritéparfaitement coordonnée entre le dispositif d’interventionsfoudroyantes et synchronisées « tous azimuts » de l’artillerie etl’efficacité du système de mines conçu par le capitaine Gravier.Il est indéniable en effet que les 3 <strong>70</strong>0 défenseurs de Bir Hakeimont pu résister pendant quinze jours aux assauts massifs des30 000 assaillants de divisions d’élite germano-italiennes parcequ’ils n’eurent pas à les affronter en un combat au « corps à corps »qu’un passage ouvert d<strong>ans</strong> le champ de mines aurait permis.D<strong>ans</strong> des conditions comparables, la garnison de Oualeb, quin’avait rien à envier aux Français Libres en matière de courage etde sacrifice, a été anéantie en quarante-huit heures dès que sesdéfenses furent percées alors qu’elle disposait d’une importanteartillerie lourde, dont ne bénéficiait pas Bir Hakeim et était renforcéepar une brigade de chars.Une semaine plus tard, la puissante place fortifiée de Tobrouktombait d<strong>ans</strong> les mêmes conditions, deux jours après son investissementpar Rommel.Certes, ce système de mines eût été insuffisant pour contenir à luiseul les assauts de l’ennemi s<strong>ans</strong> la parfaite synchronisation destirs des deux autres composantes de base du dispositif de défensede la position avec sa double fonction de convergence del’assaillant sur le champ de tir, et de son maintien sous leurs feux :• Les antichars de l’infanterie placés sur son pourtour, en parfaitecohérence avec son tracé, croisaient leurs tirs rasants sur les airesd’approches où les mines canalisaient les assaillants livrés à leurseffets particulièrement meurtriers.• Les 75 du 1 er régiment d’artillerie réussirent à maintenir jusqu’audernier jour un soutien indéfectible à l’infanterie par ses tirs debarrage et d’arrêt, malgré la perte de 60 % des canons.Après la défaite des blindés alliés, la résistance de Bir Hakeim étantdevenue l’élément déterminant de l’issue de la bataille deMarmarique, sa garnison a soutenu pendant quinze jours un combatinhumain, s<strong>ans</strong> défaillance individuelle ni collective.Pendant ces quinze jours en effet, le « Fort Vauban du désert » afaitface victorieusement à des assauts incessants, soutenus à uncontre dix avec des moyens en quantité, puissance et calibres s<strong>ans</strong>commune mesure avec ceux de l’adversaire.Sa garnison a maintenu intacts les 15 km² de la position sous ledéluge de 45 000 obus de gros calibre tirés par l’artillerie lourdeadverse, relayés par le matraquage de 1 400 tonnes de bombesdéversées par une escadre aérienne de 1 300 avions dont lesvagues comprenaient un nombre croissant de bombardiers allantjusqu’à 200 renforcés par 400 autres le dernier jour (sourceallemande).Au matin du 11 <strong>juin</strong>, elle eut la fierté d’avoir gardé intacte laposition de Bir Hakeim confiée à sa garde en tenant tête à unennemi dix fois supérieur en nombre, et de ne l’évacuer que surordre du haut commandement, au terme d’un siège prévu pour nedurer que trois à cinq jours.Rommel, inspectant le camp fortifié qui lui a tenu tête, dénombra1 200 emplacements de combats pour infanterie et armes lourdes,et constate que « ... les Français disposaient de positions remarquablementaménagées et admirablement protégées contre lesbombardements par obus et les attaques aériennes », et il déclare àses officiers :« Ici, messieurs, il ne pouvait y avoir que des soldats au moral de fer,servant parfaitement leur armement et commandés par un chef devaleur et énergique ».L’approvisionnementUn ultime convoi de notre régiment du train étant bloqué par unenuit noire à proximité de la position, le lieutenant Bellec se porte àsa rencontre en traversant la défense ennemie et revient à BirHakeim avec 13 des camions du convoi et deux citernes d’eau.• L’eau requise journellement pour les 3 <strong>70</strong>0 hommes du campretranché est de 33 tonnes, basées sur la ration 8 e armée de 4 litrespar homme plus 2 litres pour la cuisine mais après l’apport desprisonniers et des Hindous, lesquels s’étaient mis à l’abri du soleilsous les véhicules dont ils ont bu l’eau des réservoirs, la ration dutêtre réduite une première fois à 2 litres le 1 er <strong>juin</strong>. L’une des citernesd’appoint ayant été mitraillée, cette ration sera réduite à nouveauà 1,5 litre le 3 <strong>juin</strong>.• Les munitions furent consommées à une cadence imprévue parles tirs de barrage d’arrêt et antiaériens requis, notamment à partirdu 5 <strong>juin</strong> pour contenir les assauts incessants contre la ceinture demines et le pilonnage de l’aviation :– l’artillerie a tiré 42 000 obus de 75 dont la plupart furent apportéspar les convois, en nombre toutefois insuffisants, obligeant àréduire la cadence des tirs ;– laDCA 4 a consommé 47 000 obus de Bofors.Bombardements subis pendant le siège (sources allemandes) :• Plus de 45 000 obus encaissés sur les 15 km² de la position, tiréspar les 182 canons des batteries lourdes allemandes et italiennesallant du 105 au 210 mm, et auxquels s’ajoutent les tirs de84 pièces d’artillerie de campagne comprenant 20 canons de88 particulièrement redoutables. Cette puissante artillerie s’estconstamment tenue hors de la portée des seules 26 pièces du1 er RA dont disposait le camp retranché au début du siège le27 mai, réduites au cours des combats à 16, puis 9 les derniers jours.• <strong>70</strong>0 tonnes de bombes déversées au cours de 1 400 piquésd’avions opérant par vagues de 20 puis 40 et enfin 60 Stukas etJunkers 88 d’une escadre de 1 030 avions détournés de Russie pourles combats de Libye. Il s’y ajoutera une formation de 100 bombardiersJU 88 et Messerschmitt 110 venus de Crète à deux reprisesle 10 <strong>juin</strong> pour soutenir l’assaut final des forces de l’Axe surBir Hakeim.ConclusionsLes effectifs et les armements de la BFL comparés à ceux destroupes qui l’assiégeaient, et d’autre part la confrontation entre lechiffre relativement réduit des pertes de la garnison durant le siègeavec le nombre et la densité des bombes et des obus déversés surles 15 km² de la position doivent poser à la réflexion du lecteurdeux questions auxquelles il convient de répondre :• La garnison assiégée luttait à un contre dix et ne disposait que devingt-six canons inférieurs en portée et en calibre à ceux des vingtgroupes d’artillerie qui la matraquaient en permanence :comment a-t-elle pu tenir d<strong>ans</strong> ces conditions pendant quinzejours, alors que celle de Oualeb, dont les défenses étaient comparablesà celles de Bir Hakeim, a été anéantie en quarante-huit heuresbien qu’elle bénéficiât du renfort d’une brigade de chars, et queson artillerie soit infiniment supérieure en nombre, calibre et portée ?4Défense contre avions (NDLR).Juin <strong>2012</strong> • N° 44 l 53
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SommaireIntroductionLe mot du prés
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