MÉMOIRESLes Allemands ont en effet récupéré à Oualeb après sa chute, outreune centaine de chars et d’automitrailleuses, 124 pièces d’artillerie.• Lors des rencontres sur place entre généraux et officiers supérieursalliés et allemands en 1953, et à Paris en 1992, il a été admis partous que les pilonnages de Bir Hakeim par l’artillerie étaient d’unedensité supérieure à ceux effectués à Verdun au cours de la guerre1914-1918, et que les bombardements par avion dépassèrent ceuxeffectués sur Stalingrad : comment y a-t il eu relativement si peu demorts pendant le siège de Bir Hakeim par comparaison avec leshécatombes qui marquèrent ces batailles de référence ?La qualité et l’efficacité du dispositif de défense en trois pointsconçu par le général de Larminat expliquent les faits qui inspirentces deux questions et suffit à leur porter réponse :• Le système de mines imaginé par le capitaine Gravier pourl’adapter aux conditions spécifiques de la situation du campretranché à fortifier a indiscutablement constitué par son efficacitél’élément déterminant de l’inviolabilité de la défense en empêchantl’assaillant d’y ouvrir une brèche qui eût été fatale comme ce fut lecas à Oualeb et à Tobrouk.Il est indéniable que les 3 <strong>70</strong>0 hommes de la garnison n’ont purésister pendant quinze jours que parce qu’ils n’eurent à affronteraucun combat au « corps à corps » avec les 30 000 assaillants qui seseraient répandus d<strong>ans</strong> la position avec leurs chars si une brèched<strong>ans</strong> le champ de mines leur avait ouvert le passage comme ce futle cas à Oualeb dont les défenseurs n’avaient rien à envier auxFrançais Libres en matière de courage et de sacrifice.• Les canons de 75 mm ont tenu un rôle complémentaire et aussiimportant que le système de mines qui n’aurait pu contenir à luiseul les assauts de l’ennemi s<strong>ans</strong> leurs effets particulièrementmeurtriers d<strong>ans</strong> les rangs adverses :– les tirs rasants des canons antichars de l’infanterie placés d<strong>ans</strong>des postes de combat en parfaite cohérence avec le tracé demanière à ce que les pl<strong>ans</strong> de feu de notre infanterie couvrent entirs croisés les aires d’approches sur lesquelles les mines canalisaientles assaillants.– les 75 de l’artillerie ont maintenu jusqu’au dernier jour unsoutien indéfectible à l’infanterie par leurs tirs de barrage etd’arrêt, en dépit de pertes à 60 % et sous le déluge permanent destirs de contre-batterie de l’artillerie lourde allemande, et desbombardements aériens.• L’enfouissement des postes de tir, des alvéoles des canons et desabris pour le personnel que le général Kœnig s’obstina à exiger endépit des résistances, est le troisième volet du dispositif défensifdu camp retranché qui explique à lui seul la modicité relative denos pertes au regard des bombardements d’artillerie et d’aviationdéversés sur ses défenseurs.Citons aussi l’utilisation tactique des sections de « Brennscarriers » fortement munis d’armes automatiques lourdes, dont lamobilité permettait des interventions fulgurantes sur les secteursmenacés de débordement. Un hommage particulier doit êtrerendu à ce propos à la compagnie mobile de la Légion que le généralde Larminat a placé à côté de son PC, en réserve de contre-attaque.Bien que ces particularités du dispositif de défense de Bir Hakeimsuffisent pour répondre aux deux questions fondamentales qui seposent, elles seraient restées inefficaces s<strong>ans</strong> le moral élevé desFrançais Libres, leur courage et leur résistance aux conditionsinfernales qu’ils eurent à subir s<strong>ans</strong> répit durant le siège.Cela ne saurait non plus occulter la reconnaissance qu’ils doiventaux généraux de Larminat et Kœnig, en y associant le capitaineGravier, pour l’efficacité des défenses qu’ils ont conçues etréalisées, auxquelles ils doivent d’avoir pu tenir en échec lesassauts massifs de l’ennemi bien au-delà de la mission qui leuravait été confiée initialement.Le général Kœnig (coll. particulière).Méthodes de combat des deux adversairesàBirHakeimCelles respectivement mises en œuvre par Rommel et le généralKœnig durant le siège de Bir Hakeim ont chacune leur spécificitéqui sont intéressantes à confronter.Rommel a conçu une force de frappe qu’il conduit lui-même aucombat, c’est l’Afrikakorps dont le corps de bataille est essentiellementconstitué par deux éléments mécanisés dotés de leurspropres supports logistiques, ce qui les libère d<strong>ans</strong> l’action detoute dépendance à des unités dont le commandement leur échappe.La 90 e légère est une division motorisée très mobile, entièrementautonome d<strong>ans</strong> l’action stratégique comme tactique, conçue parRommel d<strong>ans</strong> la même indépendance d’esprit à l’égard desthéories d’école que celle qui a présidé à la création de la 1 re DFL,et selon une conception comparable d<strong>ans</strong> son fonctionnement.Elle comprend une infanterie d’assaut d’élite (les« Panzergrenadiers »), ses propres pionniers et son artillerieblindée de soutien dotée notamment des canons de 88 mm, lesmeilleurs du champ de bataille, C’est une arme particulièrementredoutable par sa longue portée, un tir tendu qui fait mouche àl 000 mètres avec une cadence de tir rapide, des usages variés(antichars, antiaérien, artillerie de siège ou de campagne), et quiest fréquemment engagée en première ligne.Par sa mobilité, sa cohérence et la complémentarité des différentesarmes qui la composent, cette unité autonome est en mesured’agir en toutes circonstances s<strong>ans</strong> appui extérieur, que ce soitpour contenir un secteur du front ou pour le percer.Le groupement blindé des XV e et XX e Panzer est conçu comme uneforce tactique de rupture adaptée à la guerre de mouvement enterrain ouvert, dotée de 330 chars mieux protégés que les charsbritanniques et mieux adaptés aux conditions sévères des combatsd<strong>ans</strong> le désert, dont les Mark IV qui sont dotés de canons de 75supérieurs en portée et puissance à l’armement des chars adverses.La méthode de Rommel, adaptée à la guerre de mouvementqu’imposent les grands espaces désertiques, se fonde sur un chocfrontal par l’arme blindée qui provoque la rupture des lignesadverses, mais c’est la manœuvre préalable qui force la décision,et la formation spécifique de la 90 e légère et son entraînementparticulier sont destinés à répondre à cet effet à diverses occurrences :• En débordant latéralement la formation adverse attaquée defront par le DAK 5 afin de la frapper sur ses flancs par une manœuvrede débordement que masque le rideau de sable soulevé par lesPanzers, ou en la contournant pour la prendre à revers.54 l Juin <strong>2012</strong> • N° 44
MÉMOIRES• En donnant l’assaut à un secteur du front, pour masquer ledéplacement des Panzers durant la bataille.• En soutien des Panzers pour neutraliser les antichars ennemis,ouvrir des brèches d<strong>ans</strong> les lignes ennemies par lesquelles lesblindés débouchent au sein du dispositif adverse et s’y déploient,occupent et nettoient le terrain à mesure de leur progression.L’assaut des points d’appui fortifiés comme Bir Hakeim, insérésd<strong>ans</strong> un imposant champ de mines, exigeait une adaptation decette tactique car, d<strong>ans</strong> le cas d’un siège, les Panzers ne pouvaientservir que d’appoint aux attaques menées par l’infanterie. Leurimpuissance devant un front stabilisé sur une ligne solidementretranchée conduit Rommel à utiliser l’aptitude de la 90 e légère àouvrir des brèches d<strong>ans</strong> les lignes ennemies en la chargeant deconduire les assauts avec l’appui d’une ou plusieurs divisionsd’infanterie italienne.Il a fait tomber Gott el Oualeb et Tobrouk en quarante-huit heuresde la manière suivante :• une phase investigatoire consiste à faire sonder minutieusementpar l’infanterie le pourtour de la ligne des défenses ennemies afind’en repérer les points faibles ;• une intense préparation d’artillerie sur un étroit secteur ainsiidentifié précède l’assaut, associée en finale à un bombardementaérien massif par les passes en piqué de formations successives desix bombardiers dont les visées directes sur l’objectif assurent desimpacts beaucoup plus précis que ceux de l’artillerie.Pendant ce pilonnage qui paralyse la défense ennemie, les pionniersouvrent des brèches d<strong>ans</strong> les points faibles repérés d<strong>ans</strong> leschamps de mines qui protègent la position attaquée :• une manœuvre d’approche de l’infanterie d’assaut enchaîneaussitôt derrière les pionniers, couverte par son artilleried’accompagnement qui prend position aussi près que possible duchamp de mines et ouvre le feu sur les défenses adverses ;• l’assaut final est alors donné par l’infanterie qui pénètre par lespassages déminés, précédée par les chars qui couvrent sondéploiement au sein de la position et foncent sur les pointsstratégiques, pendant que toute l’artillerie disponible concentredes tirs fusants sur les batteries alliées afin de les neutraliser.Mais cette méthode a échoué à Bir Hakeim devant l’invulnérabilité duchamp de mines conçu et mis en place par le capitaine du génieGravier, ce qui l’a empêché de faire pénétrer ses chars d<strong>ans</strong> la position.Le commandement français est exercé par deux générauxexpérimentés, dont le général de Larminat qui avait conçul’agencement de la position et de son dispositif défensif demanière à soutenir efficacement le siège que prévoyait la premièrephase de sa mission.En effet, grâce aux importants stocks trouvés en quantité d<strong>ans</strong> lesdépôts de Syrie, il a pu la doter d’armes complémentaires les unesdes autres :• des mortiers de 81 mm répartis en nombre important d<strong>ans</strong>l’infanterie ;• les 26 canons de 75 mm du régiment d’artillerie ;• des antichars, version allégée de ce canon, sont largementattribués aux compagnies d’infanterie afin qu’ils soient répartissur l’ensemble du front de bataille.Le canon de 75 est un canon aux cadences de tir accélérées quiconviennent particulièrement aux interventions rapides, il estparticulièrement adapté à l’appui direct des fantassins, et d<strong>ans</strong> saversion antichar, allégé d’une demi-tonne et la silhouette abaisséepar l’adoption de petites roues, sa maniabilité et son tir tendu enfont une arme d’infanterie aux performances redoutables.Dès l’attaque du 27 mai, pour contrer les assauts de l’adversaire, legénéral Kœnig avait adopté une tactique particulièrement bienadaptée aux conditions du terrain et à la configuration de typeVauban du champ de mines de protection :• au déclenchement de l’assaut, nos combattants supportent s<strong>ans</strong>réagir la préparation d’artillerie comme les tirs et bombardementsterrestres et aériens, terrés d<strong>ans</strong> les trous individuels ou sous desabris bien protégés, pratiquement vulnérables aux seuls coups directs ;• dès que l’assaillant approche de la zone couverte par les armesdu secteur qu’il attaque, chacun se porte à son poste de combat,prêt à intervenir tout en continuant à s’abstenir de réagir. Nousavons vu en effet que la configuration « Vauban » du champ demines qui ceinture la position détermine des entonnoirs s<strong>ans</strong>mines qu’épouse le plan de tir des antichars placés en leur goulotcentral où les assaillants sont conduits à se diriger, alors que lesdéfenseurs les tiennent d<strong>ans</strong> leur ligne de mire ;• l’ennemi étant parvenu à portée de tir, toutes les armes lourdesdu secteur attaqué déclenchent sur l’assaillant le feu nourri desarmes automatiques et les pièces antichars, doublé par uneconcentration des tirs d’arrêt à obus fusants de nos batteries surl’infanterie et les canons automoteurs d’accompagnement.Généralement, privée de ce soutien, l’infanterie se débandait etrefluait vers ses bases :• durant les assauts massifs des derniers jours du siège, soutenuspar des chars et une artillerie enterrée à proximité de nos lignes,l’assaillant s’est accroché au terrain et ses sapeurs ont commencéà déminer les protections de nos positions ; nos batteries ont alorsratissé le terrain par tirs fauchés à hausses échelonnées, déroulantun tapis d’obus sur la formation ennemie qui l’obligeait à décrocher ;• pendant les ultimes combats, l’adversaire est parvenu à plusieursreprises à entamer nos positions. Les destructions successives descanons de nos batteries ayant réduit leur capacité de riposte, lesBrenn 6 de la compagnie mobile de réserve et ceux de la compagniemenacée ont chargé à plusieurs reprises sur ces brèches dont lesdéfenseurs ont pu chaque fois reprendre possession du terrain.Au matin du 11 <strong>juin</strong>, la 1 re BFL aura la fierté d’avoir gardé intacte laposition de Bir Hakeim confiée à sa garde et de ne l’évacuer quesur ordre du haut commandement, à l’issue d’une mission rempliebien au-delà de la demande initiale, en tenant en échec un ennemidix fois supérieur en nombre.Le général Rommel avec la 15 e Panzerdivision entre Tobrouk et Sidi Omar, en 1941(US National Archives).5Le Deutsches Afrika Korps (NDLR).6L’orthographe exacte de ce véhicule britannique est « Bren Carrier » (NDLR).Juin <strong>2012</strong> • N° 44 l 55
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