MÉMOIRESKœnig arriva d<strong>ans</strong> l’après-midi. Je le vis, debout au milieu del’enceinte avec le général Catroux, et j’allai le voir. Il n’était pas rasé,son béret kaki lui couvrait un œil, il riait de manière convulsive,chancelant sur ses pieds instables quand il me salua, il avait l’airun peu fou.Je l’emmenai avec moi d<strong>ans</strong> l’une des salles et, comme il passait laporte de la tente, un cri s’éleva et les hommes se redressèrent d<strong>ans</strong>leurs lits. Ils ne pouvaient pas tous se soulever, et ils ne pouvaient pastous le voir. Certains avaient d’épais bandages sur les yeux et d’autresétaient enfermés d<strong>ans</strong> des plâtres. Mais c’était comme si tous avaientsauté sur leurs pieds. Et il alla vers eux en agitant le bras, et en riant,et les appela tous par leur nom, et serra leur main d<strong>ans</strong> la sienne, etun tumulte joyeux emplit la tente. Ce fut la même chose salle après salle.Je me suis trop habituée aux salles d’opération remplies de victimesde guerre pour m’émouvoir facilement ; les visites des commandantsont cessé d’être des événements d<strong>ans</strong> notre vie à l’hôpital. Mais là,c’était différent de tout ce que j’avais pu voir auparavant ; ce n’étaitpas la visite de condoléances d’un général à des hommes qui avaientété sacrifiés : c’était une célébration. C’était une réunion d’amis quiavaient attendu longtemps le test qui allait leur prouver qu’ilsétaient bien ce qu’ils prétendaient être ; à présent, ils avaient réussi letest et avaient gagné le droit d’être appelés les combattants de laFrance. J’avais les larmes aux yeux en regardant le spectacle joyeuxdu général Kœnig avec ses hommes blessés 16 .»Le soutien aérien de Bir HakeimLes opérations de soutien aérien de la position de Bir Hakeimconcernèrent trois groupes :• le 233 e groupe, installé à Gars-el-Arid depuis avril 1942. Il avaitsous son contrôle administratif les escadrilles n os 2et4delaSouthAfrican Air Force (SAAF), ainsi que les escadrilles n os 94 et 260,toutes équipés de Kittyhawk. On leur adjoignit l’escadrille n° 5 desSAAF, volant sur Tomahawk, d<strong>ans</strong> la bataille de Bir Hakeim.•le239 e groupe, constitué sur le terrain satellite n° 1 de Gambutavec les escadrilles n os 3 et 450 de la Royal Australian Air Force(RAAF) et les n os 112 et 250 de la RAF, toutes équipées de Kittyhawk.Les Hurricane IID de l’escadrille n° 6 vinrent le renforcer le 5 <strong>juin</strong>1942.•le243 e groupe, constitué depuis la fin de mai des escadrilles n os 33,73, 213 et 274, volant sur Hurricane, etdelan°145,équipéedeSpitfire. Sa base principale était le terrain n° 013 (Sidi Haneish Sud).Deux escadrilles de Boston, lesn os 12 et 14, et l’escadrille n° 233,équipée de Baltimore, les assistèrent d<strong>ans</strong> le bombardement decolonnes ennemies. Des Wellington de l’escadrille n° 8 de bombardementdu 205 e groupe, des Beaufighter et des Albacore du201 e groupe prirent également part aux opérations. Enfin, desreconnaissances photos et tactiques furent réalisées quotidiennementpour le compte de la Western Desert Air Force.Entre le 27 mai et le 1 er <strong>juin</strong>, les combats visaient, d<strong>ans</strong> la continuitédes jours précédents, la conquête de la supériorité aérienneau-dessus du champ de bataille. Progressivement, cependant, ilfallut envoyer des avions, afin d’organiser le soutien aérien de BirHakeim. Il s’agissait, durant cette première phase, d’attaques deblindés et de tr<strong>ans</strong>port de l’ennemi, contraints de contourner leslignes de défense alliées par le sud.Le 30 et le 31 mai, les opérations aériennes furent empêchées, laLuftwaffe et les Italiens se faisant plus agressifs ; les attaques de nuitde l’ennemi contraignirent pilotes et personnel au sol à passer leursnuits d<strong>ans</strong> les tranchées sur l’aérodrome de Gambut ; les escadrillesdu groupe 239 envoyaient leurs pilotes excédentaires dormir sur laplage,afindeleurpermettredeprendredurepos.Demême,le1 er etle 2 <strong>juin</strong>, de forts vents de sables les entravèrent.D<strong>ans</strong> la seconde phase de la bataille, les missions des chasseurs seconcentrèrent sur Bir Hakeim, à l’exception des 5, 6 et 7 <strong>juin</strong>,lorsque la contre-attaque britannique amena les deux camps àconcentrer leurs forces d<strong>ans</strong> la zone de Knightsbridge.Les petites formations ennemies laissaient la place à des groupesde Ju 87 et 88 d’au moins quarante appareils, escortés par denombreux chasseurs. Sur vingt-quatre raids importants, E. B.Haslam signale que seulement quatre furent interceptés.À partir du 7 <strong>juin</strong>, les capacités de réaction alliées furent handicapéespar le retrait de Gazala d’une unité avancée de radar. La rupture descommunications par fil, due aux chars et aux tirs, et le manque deliaison s<strong>ans</strong> fil contribuèrent également à les gêner.Malgré un affaiblissement de sa puissance de l’ordre de 20 %, lemanque d’avions et de moteur de rechange – en particulier pour lesKittyhawk –, la chasse continua à organiser quelque deux centssorties par jour. Le 10 <strong>juin</strong>, encore, elle intervint pour soutenir lemoral et la combativité des Français Libres, avant la sortie de viveforce qui fut opérée d<strong>ans</strong> la nuit du 10 au 11.Sylvain Cornil-FrerrotBibliographieJacques Bauche, « Elles ont combattu avec nous », Revue de la France Libre, n° 79, 18 <strong>juin</strong> 1955.Mary Borden, Journey Down a Blind Alley, New York, Harper & Bros, 1946.Jacques Duprey, L’Ambulance Hadfield-Spears ou la drôle d’équipe, Nouvelles Éditions Latines, 1953.E. B. Haslam, « Soutien aérien aux FFL à Bir Hakeim », Icare, n° 101, 2 e trimestre 1982.George Rock, « Interim Activities », History of the American Field Service, 1920-1955, New York, American Field Service, 1956.Jean Vernier, « L’ambulance Spears », Revue de la France Libre, n° 16, mars 1949.Jean Vernier, « Lady Spears », Revue de la France Libre, n° 178, janvier-février 1969.16Mary Borden, Journey Down a Blind Alley (Voyage au bout d’une impasse), New York, Harper & Bros, 1946, chapitre 11.90 l Juin <strong>2012</strong> • N° 44
ANNEXESChronologie1 er septembre 1939 : l’Allemagne attaque la Pologne s<strong>ans</strong> déclaration de guerre. Le Royaume-Uni et la France luidéclarent la guerre le 3 septembre.10 mai 1940 : l’Allemagne envahit les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, puis la France.17 <strong>juin</strong> 1940 : Devant la débâcle des armées françaises, le maréchal Pétain, nommé la veille président du Conseil, annonceà la radio qu’il vient de demander à l’ennemi les conditions d’un armistice. Celui-ci est signé à Rethondes le 22.18 <strong>juin</strong> 1940 : Le général de Gaulle lance à la radio de Londres un appel à la poursuite de la guerre. C’est l’acte fondateur dela France Libre.28 <strong>juin</strong> 1940 : Winston Churchill, Premier ministre du Royaume-Uni, reconnaît de Gaulle comme le « chef de tous les FrançaisLibres, où qu’ils se trouvent, qui se rallient à lui pour la défense de la cause alliée ».26-28 août 1940 : Ralliement du Tchad, du Cameroun, du Congo et de l’Oubangui-Chari (actuelle République Centrafricaine)par le gouverneur Éboué, le colonel Leclerc et le colonel de Larminat.23-24 septembre : Échec de la tentative de ralliement de Dakar (Sénégal).8 décembre 1940 : Suite à l’entrée des Italiens en Égypte, en septembre 1940, les Britanniques lancent une contre-offensive.Le lendemain, le 1 er bataillon d’infanterie de marine (1 er BIM), unité formée en Égypte à partir de volontaires venant deChypre et de Syrie-Liban, est engagé aux côtés de la 8 e armée britannique contre les Italiens à Sidi Barrani (Libye).19 février 1941 : Le général Rommel débarque à Tripoli à la tête de l’Afrikakorps, pour soutenir les Italiens, refoulés en Libyepar les Britanniques. Il repousse les Britanniques jusqu’aux portes de l’Égypte.Février-avril 1941 : Engagement de la brigade française d’Orient d<strong>ans</strong> la campagne d’Érythrée.1 er mars 1941 : la colonne Leclerc s’empare de l’oasis italienne de Koufra (sud-est de la Libye), sécurisant le sud de lafrontière égypto-libyenne.8 <strong>juin</strong>-14 juillet 1941 : Engagementdela1 re division légère française libre (1 re DLFL) d<strong>ans</strong> la campagne de Syrie.22 <strong>juin</strong> 1941 : L’Allemagne envahit l’Union soviétique.7 décembre 1941 : Attaque des Japonais contre la base navale américaine de Pearl Harbor. Les États-Unis entrent en guerrecontre les forces de l’Axe (Allemagne, Japon, Italie).17 janvier 1942 : La 1 re brigade française libre (1 re BFL) du général Kœnig, venant du Liban, obtient la reddition de la garnisonallemande d’Halfaya (frontière égypto-libyenne).16 février 1942 : la 1 re BFL prend position à Bir Hakeim, qu’elle va s’attacher à renforcer. Parallèlement, des patrouilles (« Jockcolumn ») sont lancées contre l’ennemi.17 février-14 mars 1942 : première campagne du Fezzan de la colonne Leclerc.26 mai 1942 : Repoussé en Libye en décembre 1941 par les Britanniques, Rommel lance son offensive en contournant leslignes de défense de la 8 e arméebritanniqueparlesud.27 mai 1942 : la division italienne « Ariete » attaque Bir Hakeim, mais est repoussée : 32 chars détruits, 91 Italiens faitprisonniers.1 er <strong>juin</strong> 1942 : Rommel s’empare du «box»de Sidi Mouftah, tenu par la 150 e brigade anglaise, au nord de Bir Hakeim.1 er -2<strong>juin</strong>1942:Une colonne est envoyée à Rotonda Signali, vers l’ouest, en vue d’une offensive de la 8 e armée britannique.2 <strong>juin</strong> 1942 : Au lieu d’attaquer immédiatement Tobrouk, Rommel veut réduire Bir Hakeim, qu’il encercle.3 <strong>juin</strong> 1942 : Rommel fait parvenir par deux prisonniers anglais libérés un ultimatum écrit de sa main à la garnison.5-7 <strong>juin</strong> 1942 : Échec d’une contre-offensive britannique d<strong>ans</strong> la zone de Knightsbridge. La 8 e armée britannique perd unegrande partie de ses blindés.6 <strong>juin</strong> : Deux bataillons de la 90 e division légère allemande attaquent les positions de la Légion, au sud de Bir Hakeim.8-10 <strong>juin</strong> : Attaques concentrées sur les positions du bataillon de marche n° 2, au nord de Bir Hakeim.Nuit du 10 au 11 <strong>juin</strong> 1942 : Sortie de vive force de la garnison de Bir Hakeim.5 <strong>juin</strong> 1942 : D<strong>ans</strong> le Pacifique, victoire américaine contre les Japonais au large des îles Midway (Hawaï).17 juillet 1942-2 février 1943 : Sur le front russe, bataille de Stalingrad, qui voit la victoire de l’Armée Rouge contre les forcesallemandes.23 octobre-3 novembre 1942 : Victoire de la 8 e armée britannique du général Montgomery contre les forces germanoitaliennesde Rommel à El Alamein (Égypte). Les Forces françaises libres mènent une opération de diversion à l’Himeimat,au sud du dispositif allié.8 novembre 1942 : Débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, territoire sous l’autorité du régime de Vichy.16 décembre 1942-26 janvier 1943 : Conquête du Fezzan par la colonne Leclerc.13 mai 1943 : Capitulation des forces germano-italiennes en Tunisie, où elles s’étaient retranchées.Juin <strong>2012</strong> • N° 44 l 91
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SommaireIntroductionLe mot du prés
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HISTOIRETémoigner de Bir HakeimLab
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HISTOIREsuccessifs de Rommel, les b
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HISTOIRENote sur les prisonniers de
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CARNETSExtraits des carnets de rout
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CARNETSdans lequel on finit par y r
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CARNETStous deux s’abattent en un
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CARNETSExtraits du journal de Paul
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CARNETSLe physique baisse progressi
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CARNETSDes milliers de héros, des
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CARNETSEt pourtant, on sentait bien
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CARNETSsous la surveillance de forc
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CARNETSau canon ennemi. Le Boche se
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CARNETStête, la tête de la colonn
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CARNETSLe colonel Amilakvari part a
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CARNETSexplosions, les attaque au m
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CARNETS8 juin 52Brouillard le matin
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CARNETS13 juinSidi Barrani. Regroup
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CARNETSRéveillon 4 viennent de par
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CARNETSy a eu du dégât. Aujourd
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