12.07.2015 Views

Lire le livre - Bibliothèque

Lire le livre - Bibliothèque

Lire le livre - Bibliothèque

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

El<strong>le</strong> n’habitait Paris que depuis l’année précédente. Avant, el<strong>le</strong> avait séjourné enprovince et en Suisse.Bosmans se rappelait <strong>le</strong>s trajets interminab<strong>le</strong>s en métro avec Margaret Le Coz, auxheures de pointe. Et, depuis qu’il prenait des notes sur son carnet noir, il avait faitdeux ou trois rêves où il la voyait dans la fou<strong>le</strong>, à la sortie des bureaux. Et un rêveaussi où, de nouveau, ils étaient écrasés contre <strong>le</strong> mur, à cause de la pression deceux que l’on poussait dans l’escalier derrière eux. Il s’était réveillé en sursaut. Unepensée lui était venue à l’esprit, qu’il avait notée dans son carnet, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain : « Àcette époque-là, sentiment d’être avec Margaret perdus dans la fou<strong>le</strong>. » Il avaitretrouvé deux cahiers verts de marque Clairefontaine dont <strong>le</strong>s pages étaient rempliesd’une petite écriture serrée qu’il avait fini par reconnaître : la sienne. Un <strong>livre</strong> qu’i<strong>le</strong>ssayait d’écrire l’année où il avait rencontré Margaret Le Coz, une sorte de roman.Au fur et à mesure qu’il feuil<strong>le</strong>tait <strong>le</strong>s cahiers, il avait été frappé par l’écriture beaucoupplus serrée que cel<strong>le</strong> qui était la sienne d’ordinaire. Et, surtout, il remarquait qu’el<strong>le</strong>occupait <strong>le</strong>s marges et qu’il écrivait sans jamais al<strong>le</strong>r à la ligne ou à la page, et qu’iln’y avait dans ce manuscrit aucun espace blanc. C’était sans doute sa manière à luid’exprimer un sentiment d’asphyxie.Il écrivait parfois l’après-midi dans la chambre de Margaret Le Coz, où il se réfugiaiten son absence. La fenêtre mansardée donnait sur un jardin à l’abandon au milieuduquel se dressait un hêtre pourpre. Cet hiver-là, <strong>le</strong> jardin fut recouvert d’une couchede neige, mais, bien avant la date qu’indiquait <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier pour <strong>le</strong> début duprintemps, <strong>le</strong>s feuillages de l’arbre atteignaient presque la vitre de la fenêtre. Alorspourquoi, dans cette chambre paisib<strong>le</strong>, à l’écart du monde, l’écriture, sur <strong>le</strong>s pagesdes cahiers, était-el<strong>le</strong> si serrée ? Pourquoi donc ce qu’il écrivait était si noir et siétouffant ? Voilà des questions qu’il ne s’était jamais posées sur <strong>le</strong> moment.On se sentait loin de tout, dans ce quartier, <strong>le</strong>s samedis et <strong>le</strong>s dimanches. Dès <strong>le</strong>premier soir où il était venu la chercher à la sortie des bureaux et qu’ils s’étaientretrouvés avec Mérovée et <strong>le</strong>s autres, el<strong>le</strong> lui avait dit qu’el<strong>le</strong> préférait rester là-bas,<strong>le</strong>s jours de congé. Ses collègues connaissaient-ils son adresse ? Mais non. Quand ilsavaient voulu savoir où el<strong>le</strong> habitait, el<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur avait parlé d’un foyer d’étudiantes. Endehors des heures de bureau, el<strong>le</strong> ne <strong>le</strong>s fréquentait pas. El<strong>le</strong> ne fréquentaitpersonne. Un samedi soir qu’ils étaient tous <strong>le</strong>s deux à Auteuil au bar de Jacquesl’Algérien, à une tab<strong>le</strong> du fond, devant <strong>le</strong> vitrail lumineux, il lui avait dit :- Si je comprends bien, tu te caches et tu habites ici sous un faux nom…El<strong>le</strong> avait souri, mais d’un sourire contraint. Apparemment, el<strong>le</strong> n’appréciait pasbeaucoup ce genre d’humour. Sur <strong>le</strong> chemin du retour, à l’ang<strong>le</strong> de la rue desPerchamps, el<strong>le</strong> s’était arrêtée, comme si el<strong>le</strong> avait décidé de lui faire un aveu. Oubien craignait-el<strong>le</strong> que quelqu’un ne l’attende là-bas, devant la porte cochère del’immeub<strong>le</strong> ?- Il y a un type qui me cherche depuis quelques mois…Bosmans lui avait demandé qui était ce type. El<strong>le</strong> avait haussé <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s. El<strong>le</strong>regrettait peut-être de lui avoir fait cette confidence.- Un type que j’ai connu…- Et tu as peur de lui ?- Oui. »

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!