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Lire le livre - Bibliothèque

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Mais il reparut deux jours plus tard. El<strong>le</strong> était assise derrière <strong>le</strong> bureau de la librairiede la rue de la Poste. Six heures du soir et il faisait déjà nuit. Il se tenait devant lavitrine et l’on aurait cru qu’il contemplait <strong>le</strong>s <strong>livre</strong>s exposés. De temps en temps, il luijetait un regard et il ébauchait un sourire. Il entra dans la librairie.- Je suis désolé pour l’autre soir.El<strong>le</strong> lui dit d’une voix très calme :- Ça n’a aucune importance. Son f<strong>le</strong>gme parut <strong>le</strong> rassurer.- Alors vous ne m’en vou<strong>le</strong>z pas ?- Non.- On se verra peut-être au café de la Gare ?- Peut-être.El<strong>le</strong> s’absorba de nouveau dans un travail de comptabilité dont il ne chercha pas à ladistraire. Au bout de quelque temps, el<strong>le</strong> entendit la porte de la librairie se refermersur lui. Malgré ses insomnies, el<strong>le</strong> n’allait plus au café de la Gare, par crainte de <strong>le</strong>rencontrer. Chaque soir, vers six heures, il était derrière la vitrine de la librairie. Il laguettait. El<strong>le</strong> s’efforçait de rester impassib<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> mettait ses lunettes de so<strong>le</strong>il pour seprotéger, et <strong>le</strong> visage de Boyaval à travers la vitre devenait flou. Un visage et un corpsassez maigres, mais ils donnaient à Margaret un sentiment de pesanteur comme si lacharpente était plus lourde et la peau plus mol<strong>le</strong> et plus blanche qu’el<strong>le</strong>s neparaissaient au premier abord. D’ail<strong>le</strong>urs, ceux qui jouaient au poker avec lui au caféde la Gare partageaient cette impression, puisqu’ils l’appelaient <strong>le</strong> Mammouth. Rosy,la fil<strong>le</strong> de la parfumerie, lui avait dit qu’il avait un autre surnom dont Margaret n’avaitpas compris <strong>le</strong> sens : « Coup Bref ».À Paris, dans cette chambre de l’hôtel Sévigné, tout cela lui paraissait si lointain… Etpourtant, quand el<strong>le</strong> se réveillait en sursaut, au creux de la nuit, el<strong>le</strong> ne pouvaits’empêcher d’y penser. Un jour, el<strong>le</strong> marchait avec Rosy sous <strong>le</strong>s arcades des grandsblocs d’immeub<strong>le</strong>s, près de la Taverne. El<strong>le</strong> s’était un peu confiée et el<strong>le</strong> lui avaitdemandé comment se débarrasser de ce type. L’autre lui avait dit : « Il te harcè<strong>le</strong>, cartu n’as pas de défenses immunitaires… Il est comme <strong>le</strong>s microbes… » Oui el<strong>le</strong> setrouvait souvent dans un état de grande vulnérabilité. Et cela lui était apparuclairement quand el<strong>le</strong> était allée à la police, pour <strong>le</strong>ur demander protection.Ils l’avaient traitée en quantité négligeab<strong>le</strong>. Ils n’auraient pas eu la même attitude siel<strong>le</strong> avait été la fil<strong>le</strong> d’un industriel ou d’un notaire de la région. Mais el<strong>le</strong> n’avaitaucune famil<strong>le</strong>, ils la considéraient comme une fil<strong>le</strong> de rien, <strong>le</strong> titre d’un roman qu’el<strong>le</strong>avait lu. Le policier, en examinant son passeport périmé, lui avait demandé pourquoiel<strong>le</strong> était née à Berlin et où étaient ses parents. El<strong>le</strong> avait menti : un père ingénieurdes mines habitant Paris et souvent à l’étranger avec sa femme ; et el<strong>le</strong>, ayant fait debonnes études chez <strong>le</strong>s sœurs de Saint-Joseph à Thônes et au pensionnat de LaRoche-sur-Foron. Mais cela ne semblait pas beaucoup intéresser son interlocuteur.Tant mieux pour el<strong>le</strong>. Il aurait été pénib<strong>le</strong> d’entrer dans <strong>le</strong>s détails. Il lui avaitdéconseillé, avec un sourire ironique, de déposer une plainte contre quelqu’un qui nelui voulait certainement pas de mal… Rien qu’un amoureux. Vous savez, avait-il ditpour conclure, tant qu’il n’y a pas mort d’homme…

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