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Lire le livre - Bibliothèque

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- Vous emmènerez Peter à cette adresse.El<strong>le</strong> embrassait Peter sans rien lui dire, el<strong>le</strong> quittait la pièce avec l’homme derrièreel<strong>le</strong>, toujours aussi droite, aussi impassib<strong>le</strong>, comme une somnambu<strong>le</strong>.Le soir, il accompagne Margaret à la gare du Nord. Ils sont passés dans la chambred’Auteuil où el<strong>le</strong> a rempli à la hâte sa valise. El<strong>le</strong> lui confie la clé de sa chambre aucas où el<strong>le</strong> aurait oublié quelque chose qu’il puisse venir chercher plus tard. Il ne serappel<strong>le</strong> pas si el<strong>le</strong> avait pris son bil<strong>le</strong>t de seconde classe pour <strong>le</strong> train de nuit deBerlin ou celui de Hambourg. Le départ est à neuf heures. Ils ont encore une heuredevant eux. Ils sont assis l’un en face de l’autre dans l’arrière-sal<strong>le</strong> d’un café,bou<strong>le</strong>vard Magenta, et el<strong>le</strong> lui montre <strong>le</strong> papier que lui a donné l’un des hommes quiont emmené <strong>le</strong> docteur Poutrel et Yvonne Gaucher. Il faut qu’el<strong>le</strong> se présente <strong>le</strong><strong>le</strong>ndemain matin à dix heures quai des Orfèvres. El<strong>le</strong> a dû montrer son passeportpérimé qu’el<strong>le</strong> porte toujours sur el<strong>le</strong> et l’homme a noté son nom et <strong>le</strong> numéro dupasseport. Bosmans tâche encore de la raisonner et de la convaincre de rester àParis. Mais non, Jean, ce n’est pas possib<strong>le</strong>. Ils savent des choses sur moi que je net’ai pas dites et qui sont dans <strong>le</strong>urs dossiers. El<strong>le</strong> préfère disparaître plutôt que de seprésenter demain devant eux. D’ail<strong>le</strong>urs, el<strong>le</strong> ne pourrait rien <strong>le</strong>ur dire concernant <strong>le</strong>docteur Poutrel et Yvonne Gaucher. El<strong>le</strong> ne sait rien. El<strong>le</strong> n’a jamais rien su. Et puis,de toute façon, je ne sais pas ce que je sais. El<strong>le</strong> est bien décidée, depuis longtemps,à ne plus répondre aux questions. Crois-moi, Jean, quand ils tiennent des genscomme nous, ils ne <strong>le</strong>s relâchent jamais.Il lui restait encore, après toutes ces années, une vingtaine de <strong>livre</strong>s des éditions duSablier qu’il avait entassés dans un grand sac de toi<strong>le</strong> <strong>le</strong> jour où on lui avait signifiéson congé. On allait construire un immeub<strong>le</strong> à la place de la librairie et de l’anciengarage qui servait de réserve. Parmi ces <strong>livre</strong>s, <strong>le</strong>s ouvrages d’occultisme qu’il n’avaitpas eu <strong>le</strong> temps d’apporter au docteur Poutrel.Enfoui dans l’un d’eux, il venait de retrouver une feuil<strong>le</strong> d’ordonnance du docteurPoutrel. On y lisait ces mots à l’encre b<strong>le</strong>ue et d’une grande écriture : « Chez Ml<strong>le</strong>Suzanne Kraay. 32 rue des Favorites, Paris 15e. » Malgré tout ce temps, l’encre luisembla encore fraîche. Il n’était pas trop tard pour al<strong>le</strong>r au rendez-vous. Gare duNord, avant de monter dans <strong>le</strong> train de nuit, Margaret lui avait donné ce papier :l’adresse écrite à la hâte par Yvonne Gaucher et où el<strong>le</strong> avait dû emmener Peter, cetaprès-midi-là. Bosmans était resté un moment dans <strong>le</strong> compartiment avec el<strong>le</strong>. Dèsqu’el<strong>le</strong> serait arrivée à Hambourg ou à Berlin, el<strong>le</strong> lui indiquerait son adresse et ilviendrait la rejoindre. Le mieux, lui avait-il dit, c’était de lui envoyer un mot ou de luitéléphoner à la librairie du Sablier, Gobelins 43 76. Mais <strong>le</strong>s années passèrent et il n’yeut jamais de <strong>le</strong>ttres ni de sonnerie de téléphone.Depuis <strong>le</strong> moment où on l’avait congédié et qu’il avait quitté pour toujours l’ancienbureau de Lucien Hornbacher avec son sac bourré de <strong>livre</strong>s, il faisait souvent <strong>le</strong>même rêve. Le téléphone sonnait longtemps dans <strong>le</strong> bureau désert, il entendait <strong>le</strong>ssonneries à distance, mais il ne pouvait retrouver <strong>le</strong> chemin de la librairie, il se perdaitdans un déda<strong>le</strong> de petites rues d’un quartier de Paris qu’il ne connaissait pas et qu’i<strong>le</strong>ssayait vainement de localiser sur un plan, au réveil. Bientôt, il n’entendit plusaucune sonnerie de téléphone dans ses rêves. L’adresse de la librairie du Sabliern’existait plus et <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres de Hambourg ou de Berlin n’arriveraient jamais àdestination. Le visage de Margaret finit par s’éloigner et se perdre à l’horizon, comme<strong>le</strong> soir, à la gare du Nord, quand <strong>le</strong> train s’était ébranlé et qu’el<strong>le</strong> était penchée pardessusla vitre et lui faisait encore quelques signes du bras. Lui-même, dans <strong>le</strong>sannées confuses qui avaient suivi, il avait pris tant de trains de nuit…

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